Le projet de brise-glaces polaires : mise à jour de 2024
Ce rapport présente une mise à jour de l’estimation indépendante des coûts des phases de développement et d’acquisition relatives au projet de brise-glaces polaires.
Résumé
Le projet de brise-glaces polaires lancé par le gouvernement du Canada en 2008 vise à remplacer la flotte de brise-glaces lourds de la Garde côtière canadienne (GCC) par une nouvelle classe de brise-glaces lourds construits selon des spécifications modernes. Le projet de brise-glaces polaires prévoit l’acquisition de deux navires; soit un construit par les Vancouver Shipyards (VSY), en Colombie-Britannique, et l’autre, par le Chantier Davie Canada Inc. (CDCI), au Québec.
Ce rapport présente une mise à jour de l’analyse que le DPB a faite du projet de brise-glaces polaires en 2021[^1]. Il s’agit d’une estimation indépendante du coût des phases de développement et d’acquisition du projet, avec une analyse de sensibilité destinée à chiffrer les répercussions financières d’un retard d’une année ou deux de la mise en chantier des deux navires. Pour estimer le coût de ces activités, nous avons utilisé une série d’approches analogiques fondées sur quatre programmes d’approvisionnement.
D’après l’information fournie par le ministère des Pêches et des Océans (MPO), la construction des navires devrait prendre sept ans. La construction du premier par les VSY commencera en 2024-2025 et prendra fin à la livraison en 2030-2031.
Le gouvernement du Canada et le CDCI négocient actuellement un échéancier pour le deuxième navire. Nous supposons que sa construction commencera en 2026-2027, soit deux ans après celle du navire construit par les VSY, et que la livraison interviendra en 2032-2033.
Le tableau 1 présente un résumé des résultats financiers de l’analyse. Nous estimons que le coût total du projet s’élèvera à 8,5 milliards de dollars, ce qui comprend les coûts de gestion de projet, soit 420 millions de dollars; les coûts de conception, soit 960 millions de dollars; et les coûts d’acquisition, soit 7,1 milliards de dollars. Cela représente une augmentation de 1,3 milliard de dollars par rapport à l’estimation précédente du DPB. Des retards d’une année ou deux feront respectivement augmenter le coût du projet de 260 millions ou 530 millions de dollars.
Le coût total du projet est estimé à 8,5 milliards de dollars, soit une augmentation de 1,3 milliard de dollars par rapport à l’estimation précédente du DPB.
Introduction
Le projet de brise-glaces polaires lancé par le gouvernement du Canada en 2008 vise à remplacer la flotte de brise-glaces lourds de la Garde côtière canadienne (GCC) par une nouvelle classe de brise-glaces lourds construits selon des spécifications modernes. Il s’agissait au départ de construire, pour un coût évalué à 720 millions de dollars, un seul brise-glace polaire qui devait être prêt pour une mise en service en 2017[^2]. Cependant, la date de livraison a été reportée pour permettre aux Vancouver Shipyards (VSY) d’achever la construction des navires de soutien interarmées (NSI) destinés à la Marine royale canadienne. Des retards dans le programme de navires de soutien interarmées ont entraîné de nouveaux reports du projet de brise‑glaces polaires, de sorte qu’il a fallu faire réaliser des travaux pour prolonger la vie utile du brise-glace lourd utilisé actuellement par la GCC, le NGCC Louis S. St-Laurent[^3].
Le projet de brise-glaces polaires prévoit l’acquisition de deux nouveaux navires, dont l’un sera construit par les VSY, en Colombie-Britannique, et l’autre par le CDCI, au Québec. Le gouvernement du Canada et le CDCI sont en négociation au sujet du navire qui sera construit au Québec[^4].
La construction devrait, selon nous, durer sept ans. À Vancouver, elle devrait commencer en 2024-2025 et le navire devrait être livré en 2030-2031. Le gouvernement du Canada négocie actuellement avec le CDCI un échéancier de construction du deuxième navire. Le DPB suppose que celle-ci commencera en 2026-2027, soit deux ans après celle du navire commandé aux VSY, et que le CDCI livrera le navire en 2032-2033.
Ce rapport présente une estimation mise à jour du coût du projet de brise-glaces polaires qui avait déjà fait l’objet d’une analyse du DPB en 2021. Nous tenons compte de tous les coûts applicables des phases de développement et d’acquisition. Nous évaluons les coûts pour chacune des catégories suivantes :
- La gestion de projets gouvernementaux pour les phases de développement et d’acquisition;
- La conception;
- Les études, les analyses et le soutien technique;
- L’acquisition, y compris le coût des pièces de rechange initiales;
- Les tests, essais et évaluations de système.
Nous avons estimé le coût de chacune de ces catégories au moyen d’approches analogiques fondées sur des programmes d’approvisionnement antérieurs et contemporains, soit le programme de navires de patrouille extracôtier et de l’Arctique (NPEA), le projet de navires de soutien interarmées (NSI), le programme de navire hauturier de science océanographique (NHSO) et le programme de navire de ravitaillement de la classe Lewis and Clark (T‑AKE) de la marine américaine. Ensemble, les résultats de ces approches analogiques ont permis d’établir le coût final du projet de brise-glaces polaires.
Estimations
Les estimations présentées dans cette section ont été établies à partir des spécifications fournies au DPB par le ministère des Pêches et des Océans (MPO) et étaient à jour en mai 2024. Le projet de brise-glaces polaires en est à la phase d’acquisition, qui comprend toutes les activités de construction, ainsi que les dépenses relatives aux études, aux analyses et au soutien technique initiaux, à l’acquisition de pièces de rechange initiales, et aux tests, essais et évaluations de système. Les activités de construction du premier navire devraient commencer en 2024-2025. Le gouvernement du Canada négocie actuellement avec le CDCI l’échéancier de construction du deuxième navire.
Il est plus difficile d’évaluer le coût de grands brise-glaces polaires que de navires militaires parce qu’il n’existe pas beaucoup de navires aux caractéristiques et capacités similaires. Afin d’avoir une idée juste du coût du projet, nous avons tenu compte de différents programmes d’approvisionnement antérieurs et contemporains pour des navires correspondant en taille, mais de mission différente, ou l’inverse[^5].
Données et méthodologie
La méthodologie utilisée pour estimer le coût du projet de brise-glaces polaires repose sur l’approche analogique dont le DPB s’est servi dans son rapport sur le projet de 2021. Le coût du projet est réparti en deux catégories : coûts accessoires et coûts d’acquisition, qui sont évalués séparément.
Les coûts accessoires comprennent tous les coûts de programme qui ne sont pas directement liés à la construction. Il s’agit notamment des coûts de gestion pendant les phases de développement et d’acquisition du projet, ainsi que des coûts de conception[^6]. Nous estimons les coûts de gestion de projet du gouvernement en nous appuyant sur les dépenses de gestion de projet liées au programme de NPEA, rajustées en fonction de l’inclusion d’un chantier naval additionnel. Les coûts de conception sont estimés en fonction de la relation entre les coûts de conception du NPEA et son poids lège.
Les coûts d’acquisition comprennent le coût de toutes les activités de construction et les dépenses relatives aux études, aux analyses et au soutien technique initiaux, aux pièces de rechange initiales ainsi qu’aux essais et aux évaluations. Nos estimations des coûts d’acquisition du projet de brise-glaces polaires reposent sur quatre programmes d’approvisionnement analogues : les programmes de NPEA et de NSI de la Marine royale canadienne, le programme de NHSO de la GCC et le programme de T-AKE de la marine américaine. Afin d’établir un coût d’acquisition estimatif pour le projet de brise-glaces polaires, nous avons transposé le coût du premier navire de chacun des quatre programmes analogues à une année de référence commune, puis avons appliqué un facteur de progression pour tenir compte des différences de poids lège entre les navires analogues et les brise-glaces polaires, une relation non linéaire s’appliquant entre le poids et le coût du navire. Pour ce qui est du navire de la classe Lewis and Clark, nous avons effectué des rajustements additionnels pour tenir compte des différences de productivité de la main-d’œuvre, de coût de la main-d’œuvre et de taux de change entre les États-Unis et le Canada.
Échéances présumées
La figure 1 présente l’échéancier estimatif de l’avancement du projet de brise-glaces polaires d’après les calculs du DPB et les renseignements obtenus du MPO, en tenant compte de l’expérience acquise dans le cadre du projet jusqu’à présent.
Les dépenses relatives à la gestion du projet ont commencé au cours de l’exercice 2009-2010, et le DPB a supposé qu’elles y en auraient jusqu’en 2035-2036. Par ailleurs, le DPB a supposé que les activités de conception avaient été amorcées peu après le début du programme et qu’elles prendraient fin d’ici l’exercice 2028-2029. La construction du premier navire aux VSY devrait débuter en 2024-2025. Le gouvernement du Canada et le CDCI négocient actuellement un échéancier de production du deuxième navire. Le DPB suppose à l’heure actuelle que la construction de ce navire commencera en 2026-2027, soit deux ans après celle du premier navire aux VSY. Les deux navires devraient être livrés, respectivement, en 2030-2031 et 2032-2033.
Les coûts de chaque catégorie de coûts ne sont pas répartis uniformément au cours de ces périodes. Les coûts réels estimatifs sont répartis entre les échéances en se fondant sur l’expérience et les profils de dépenses prévus du programme de NSI. Ces coûts réels sont ensuite majorés de l’inflation et, lorsqu’il y a lieu, de l’inflation particulière à la construction navale afin de produire l’estimation finale du coût du programme.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Ministère des Pêches et des Océans.
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Ministère des Pêches et des Océans.
Les échéances indiquées pour le deuxième navire correspondent à des estimations du DPB, le gouvernement du Canada étant actuellement en négociation avec le chantier naval partenaire, le CDCI.
Coût total du projet
Nous estimons que le projet de brise-glaces polaires coûtera 8,5 milliards de dollars au total. Le tableau 3 présente une ventilation des éléments de coût du projet. Nous estimons que les coûts de gestion de projet des phases de développement et d’acquisition s’élèveront à 420 millions de dollars, les coûts de conception, à 960 millions de dollars, et les coûts d’acquisition, y compris tous les coûts liés à la construction, à 7,1 milliards de dollars.
Ces coûts représentent une augmentation d’environ 1 270 million de dollars par rapport à l’estimation établie par le DPB dans son rapport de 2021. Plusieurs facteurs contribuent à cette hausse. Le premier est l’augmentation du tonnage global du navire, qui est passé d’un poids à pleine charge de 23 500 tonnes métriques, comme indiqué par le DPB en 2021, à 26 000 tonnes métriques. Deuxièmement, le rapport précédent ne tenait pas compte de l’inflation plus élevée que prévu les années suivantes[^7]. Troisièmement, les reports répétés du programme ont prolongé la phase de développement et réduit par conséquent le pouvoir d’achat au cours de la phase d’acquisition en raison de l’inflation.
La figure 2 illustre le profil des dépenses du projet de brise-glaces polaires pendant toute sa durée. Les dépenses augmentent rapidement en 2025-2026, parallèlement à l’intensification des activités de construction, pour atteindre un sommet en 2028-2029. Elles diminuent ensuite vers la fin du cycle de construction, qui se termine par la livraison du deuxième navire, prévue pour 2032-2033. Étant donné que le profil des dépenses présenté ici a été établi selon la comptabilité de caisse, il ne correspondra pas aux états financiers du gouvernement, qui sont présentés selon la comptabilité d’exercice.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Les dépenses sont présentées selon la comptabilité de caisse. Les dépenses des exercices antérieurs ont été exclues. Les chiffres ayant été arrondis, leur somme peut ne pas correspondre au total indiqué. La somme des dépenses indiquées ne correspond pas à l’estimation des dépenses totales du programme, car les dépenses des exercices antérieurs ont été exclues.
Analyse de sensibilité
Nous avons effectué une analyse de sensibilité afin de déterminer les répercussions financières d’un retard d’une année ou deux dans le démarrage de la construction des deux navires dans les chantiers navals susmentionnés. Ce même retard aurait des répercussions sur les coûts de conception. Nous supposons que les coûts de gestion de projet augmenteront en raison du report subséquent du projet de brise‑glaces polaires. Le tableau 4 montre les résultats de l’analyse de sensibilité. Un retard d’un an entraîne une augmentation de 260 millions de dollars; un retard de deux ans, une augmentation de 530 millions de dollars.
Incertitude inhérente à la modélisation
Les coûts d’acquisition constituent la principale catégorie de coûts de l’estimation du coût total du projet. Le DPB a calculé ces coûts en s’appuyant sur quatre programmes analogues, soit trois programmes d’approvisionnement canadiens qui sont actuellement mis en œuvre et un programme d’approvisionnement de la marine américaine qui est terminé. Les moyennes des estimations ainsi établies ont servi à estimer le coût total de l’acquisition. Le DPB a calculé la variance de ces estimations pour modéliser l’incertitude inhérente à cette approche.
La figure 3 présente les résultats de ce calcul. Le 50e centile de 8,5 milliards de dollars représente le coût le plus vraisemblable du projet et correspond à l’estimation du coût total mentionnée dans les sections précédentes. Nous avons aussi produit une estimation qui se situerait dans le bas de la fourchette de coût, et qui correspondrait au 40e centile de la ventilation du coût total du projet, soit 8,1 milliards de dollars, de même qu’une estimation située dans le haut de la fourchette, soit au 80e centile de 9,8 milliards de dollars. Ainsi, l’imprécision de la modélisation peut expliquer des dépenses inférieures de 0,4 milliard de dollars ou supérieures de 1,3 milliard de dollars à l’estimation ponctuelle de 8,5 milliards de dollars.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Les 40e, 50e et 80e centiles sont mis en relief.
Modélisation des coûts d’acquisition
Les coûts d’acquisition comprennent toutes les activités de construction ainsi que les dépenses liées aux études, aux analyses et au soutien technique initiaux, aux pièces de rechange initiales et aux systèmes. Nous avons utilisé une approche analogique pour estimer les coûts. Cette approche est la principale méthode d’estimation des coûts des navires utilisée par le Congressional Budget Office des États-Unis[^8]. Elle consiste à trouver un programme d’approvisionnement passé ou une classe de navires semblable à celle des navires à produire et dont les coûts sont entièrement connus. Le coût par tonne métrique est ensuite calculé, puis rajusté en fonction des différences de poids, de coûts de main-d’œuvre, de productivité et d’autres caractéristiques et capacités. Il est alors possible d’évaluer le coût du brise-glace.
Faute de navires analogues comparables, nous avons utilisé plusieurs programmes d’approvisionnement antérieurs et contemporains pour éclairer nos estimations des coûts. Nous avons fondé notre approche sur une série de navires de même taille, mais de mission différente, et l’inverse. Nous avons ainsi recensé les programmes de navires analogues suivants : les programmes de NPEA et de NSI de la Marine royale canadienne, le programme de NHSO du MPO et le navire de ravitaillement en mer de la classe Lewis and Clark de la marine américaine.
Navire de patrouille extracôtier et de l’Arctique
Le NPEA appartient à une classe de navires de patrouille armés ayant la capacité de mener des opérations armées de présence et de surveillance dans les eaux canadiennes, y compris dans l’Arctique. Il est plus petit que le brise-glace polaire et son profil de mission est différent, car il est de mener des opérations de soutien, de patrouille et de souveraineté. À l’instar du brise-glace polaire, toutefois, il est capable de naviguer dans les glaces et appartient à la classe polaire 5.
Navire de soutien interarmées
Le navire de soutien interarmées est un navire polyvalent capable de soutenir les navires de guerre de la Marine royale canadienne en mer, notamment en les ravitaillant en combustible, en munitions et en provisions. Grâce à ses capacités de transport maritime, ce navire est également capable de soutenir les forces à terre. Ses missions diffèrent de celles du brise-glace polaire, mais ses dimensions sont comparables et il est utilisable dans des conditions de glace minimales. Une fois en service, le NSI aura une certification polaire qui lui permettra de naviguer dans l’Arctique, au nord du 60e parallèle.
Navire hauturier de science océanographique
Le NHSO est un navire de recherche de la GCC destiné à soutenir des missions de recherche, y compris des études océanographiques, géologiques et hydrographiques. Il peut aussi appuyer d’autres opérations de la GCC, comme la recherche et le sauvetage et les interventions environnementales. Il est similaire aux brise-glaces polaires en ceci qu’il aura une cote de classe polaire et qu’il est construit aux VSY.
Navire de ravitaillement en mer de la classe Lewis and Clark
Le cargo de la classe Lewis and Clark est un navire de ravitaillement dont le profil de mission est semblable à celui du NSI. Ce navire, construit aux États‑Unis, est utilisé dans le monde entier pour soutenir les opérations militaires des États‑Unis sur le théâtre et en mer. Il est beaucoup plus lourd que le brise-glace polaire.
Communications
Citations
-
Nous estimons le coût total du projet de brise-glaces polaires à 8,5 milliards de dollars, soit des coûts de gestion de projet de 420 millions de dollars, des coûts de conception de 960 millions de dollars et des coûts d’acquisition de 7,1 milliards de dollars. Cela représente une augmentation de 1,3 milliard de dollars par rapport à notre estimation précédente.
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Selon notre analyse de sensibilité, si le début de la construction des deux navires dans chacun des chantiers navals partenaires est retardé d’un an ou deux, le coût total du projet pourrait augmenter de 260 millions de dollars ou de 530 millions de dollars, respectivement.
Directeur parlementaire du budget