Un modèle de structure de forces de l’armée canadienne : coûts et personnel
Ce rapport détaille l’élaboration d’un cadre permettant d’aborder les coûts des capacités militaires et les compromis potentiels qu’impliquerait une politique gouvernementale exigeant l’ajustement de la structure des Forces armées canadiennes.
Résumé
Ce rapport détaille l’élaboration d’un cadre permettant de prendre en compte les coûts des capacités militaires et les compromis possibles si une politique gouvernementale exigeait l’ajustement de la structure des Forces armées canadiennes (FAC).
Fondé sur six années de données de dépenses du ministère de la Défense nationale (MDN), le modèle de structure de forces de l’armée canadienne du DPB contient des estimations du personnel et des coûts annuels récurrents liés au personnel, à l’exploitation et au soutien (PES) de 21 capacités militaires ciblées dans toutes les directions des FAC. Les effectifs et les coûts associés aux capacités habilitantes indirectes et aux capacités générales ou « institutionnelles » sont également inclus.
Le modèle permet d’analyser les compromis à l’échelle du portefeuille pour l’ensemble des capacités militaires, en donnant aux utilisateurs la possibilité d’examiner les changements dans les coûts et les effectifs lorsque les chiffres d’une capacité militaire donnée sont ajustés.
Le tableau sommaire 1 présente un résumé des coûts pour chaque direction des FAC. Au total, les coûts directs des capacités des FAC s’élèvent à 32 % des coûts totaux en PES. En langage militaire, ce chiffre représente un « ratio dents-queue » d’environ 1 pour 2, ce qui signifie qu’environ un tiers de chaque dollar dépensé pour le personnel, l’exploitation et le soutien est consacré aux éléments qui produisent un effet militaire direct.
Introduction
Ensemble, l’appareil militaire du Canada, les Forces armées canadiennes (FAC), et son organisme civil affilié, le ministère de la Défense nationale (MDN), représentaient environ 24,1 milliards de dollars de dépenses publiques en 2021-2022. Sur ce montant, plus de 80 pour cent sont imputables aux coûts récurrents liés au personnel, à l’exploitation et au soutien (PES) associés aux capacités militaires des FAC.
Les cadres d’analyse et de rapport sur les dépenses militaires du Canada mettent l’accent sur les intrants, comme dans les Comptes publics du Canada (pour les dépenses passées) ou le budget principal des dépenses (pour les dépenses actuelles et projetées). Ces sources sont complétées par le Cadre ministériel des résultats (CMR) du gouvernement du Canada, qui associe les dépenses à des effets mesurables. Alors que le CMR établit une relation logique entre les intrants et les résultats stratégiques qu’ils soutiennent, il combine de multiples résultats militaires avec des résultats intermédiaires comme les dépenses de formation et d’infrastructure. Le CMR ne permet donc pas d’évaluer les dépenses de fonctionnement récurrentes pour des capacités militaires individuelles, telles que les bataillons blindés ou les navires de combat de surface.
Pour combler cette lacune, le DPB a élaboré un modèle de structure de forces de l’armée canadienne. Il s’agit d’une estimation indépendante des coûts annuels liés au personnel, à l’exploitation et au soutien de 21 capacités militaires ciblées dans toutes les directions des FAC, selon plusieurs années de données comptables fournies au DPB par le ministère de la Défense nationale. Ces coûts sont répartis en trois catégories : les coûts directs, les coûts indirects et les frais généraux, afin de mieux comprendre la proportion des dépenses qui permettent l’utilisation, le soutien et le maintien d’une capacité militaire par rapport à celles qui sont nécessaires à la composition de la force, mais qui ne produisent pas elles-mêmes un effet militaire indépendant.
Le modèle de structure de forces de l’armée canadienne du DPB comprend également des estimations des effectifs associés à chaque capacité, pour chacune des catégories coûts directs, coûts indirects et frais généraux. Cela permet de combiner l’analyse des coûts estimés en PES et des niveaux de personnel associés à chaque capacité.
Quels sont les coûts liés au personnel, à l’exploitation et au soutien?
Comme son nom l’indique, le PES couvre toutes les catégories de coûts liés à l’emploi et au soutien des différentes capacités des FAC. Les coûts liés au personnel comprennent les salaires, les avantages sociaux, la formation et d’autres éléments auxiliaires associés aux membres des FAC concernant une capacité donnée. Les coûts d’exploitation comprennent le coût de l’emploi de la capacité, comme le carburant et l’huile pour les navires, ou les munitions et le matériel pour les soldats. Enfin, les coûts de soutien font référence à tous les coûts associés au soutien et à la réparation de l’équipement militaire. Il est important de noter que les dépenses d’immobilisation importantes pour l’acquisition de nouveaux systèmes militaires sont exclues.
La plupart de ces coûts sont comptabilisés au titre du crédit 1 des Comptes publics du Canada; toutefois, la comptabilisation des coûts en PES par le DPB comprend certains éléments du crédit 5 (dépenses en capital), par exemple les salaires des fonctionnaires travaillant en tant que gestionnaires de projet du programme de biens d’investissement. Toutes les recettes disponibles obtenues par le ministère de la Défense nationale sont exclues du modèle.
Qu’entend-on par coûts directs, coûts indirects et frais généraux?
Les capacités militaires du Canada sont classées par le DPB en 21 catégories distinctes dans les principales directions des FAC : l’Armée canadienne (AC), l’Aviation royale canadienne (ARC), la Marine royale canadienne (MRC) et une direction interarmées qui rassemble du personnel des trois autres directions. Ces 21 capacités sont des capacités directes, c’est-à-dire qu’elles représentent une capacité qui produit un effet militaire direct; par exemple, les régiments de tir direct de l’Armée canadienne, qui comprennent des escadrons déployables de chars Léopard II et de véhicules blindés légers, la capacité de chasse tactique de l’Aviation ou les frégates de la classe Halifax de la Marine. Les coûts directs associés à ces 21 capacités sont donc les coûts en PES attribuables aux effectifs, au soutien, à la maintenance et à l’emploi de chacune de ces capacités. Les effectifs estimés pour les capacités directes sont essentiellement constitués de personnel militaire au niveau direct.
Les coûts indirects sont les coûts en PES associés à ce que l’on appelle les capacités « indirectes ». Il s’agit de capacités qui ne produisent pas nécessairement d’effet militaire en elles-mêmes, mais qui sont nécessaires pour déployer une capacité directe, qui soutiennent une capacité directe ou qui ne sont généralement déployées que dans le cadre d’une combinaison de forces avec des capacités directes. Les effectifs estimés pour les capacités indirectes comprennent une combinaison de personnel militaire et civil[^1].
Les frais généraux désignent les coûts à l’échelle institutionnelle qui ne peuvent être déployés, mais qui sont néanmoins nécessaires au bon fonctionnement des FAC. Il s’agit notamment des coûts administratifs, des coûts de base, des coûts de constitution des forces, des coûts de recherche et de développement, etc. Les effectifs estimés pour les capacités indirectes comprennent une combinaison de personnel militaire et civil.
Données et méthodologie
Pour cette analyse, le DPB a demandé et obtenu des données détaillées sur les dépenses du ministère de la Défense nationale pour les exercices financiers 2016-2017 à 2021-2022. Ces ensembles de données consistent en des postes détaillant les montants des dépenses associées aux codes du grand livre (GL), aux fonds, aux catégories du CMR, etc., les dépenses totales par exercice reflétant celles présentées dans les Comptes publics du Canada. Un exemple de ces postes est présenté dans le Tableau 1.
Après avoir supprimé des données les postes non-PES et les recettes disponibles, il reste plus de 100 000 entrées. Outre les montants des dépenses, chaque entrée contient des informations pertinentes sur les attributs comptables comme les comptes du GL général, les fonds, les centres de coûts et les descriptions du CMR.
Processus de mise en correspondance des données relatives aux coûts
Pour mettre en correspondance les données relatives aux coûts et les capacités, le DPB s’appuie sur la méthodologie élaborée dans une étude réalisée en 2009 par l’autorité scientifique du MDN, Recherche et développement pour la défense Canada[^2]. Ce document de recherche fait référence au cadre comptable sous-jacent qui était en vigueur au ministère en 2009. C’est pourquoi le DPB a entrepris une mise à jour approfondie du processus de mise en correspondance afin d’affecter correctement les éléments de coût à l’ensemble des capacités existantes. Il est important de noter que certaines capacités n’existent plus, comme la flotte de destroyers de la classe Iroquois, et que de nouvelles capacités sont en cours d’émergence et de maturation, comme les navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique (NPEA). En outre, plusieurs attributs comptables sont devenus désuets depuis lors, tandis que de nouveaux attributs comptables ont été ajoutés, ce qui nécessite un examen minutieux pour s’assurer que le nouveau processus de mise en correspondance élaboré par le DPB reste exact.
Lors de la première étape du processus de mise en correspondance, chaque élément de coût reçoit une affectation initiale. Ces affectations sont fondées sur des relations comptables établies antérieurement et élaborées par le DPB, qui relient les coûts aux capacités en utilisant les descripteurs disponibles associés à chaque entrée. Cette étape ne permet de mettre en correspondance qu’une petite partie des entrées de coûts avec leurs capacités finales; les entrées restantes sont rassemblées dans plusieurs emplacements d’affectation temporaires qui nécessitent une méthodologie distincte pour être mis en correspondance avec une capacité finale et sont regroupés en fonction du type de coût à attribuer. Voici quelques exemples de ces affectations temporaires et de leur méthode de distribution :
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Les dépenses d’infrastructure et d’équipements mineurs sont réparties proportionnellement aux autres capacités, de sorte qu’une capacité dont la part des dépenses est plus importante reçoit une part plus importante du montant à répartir, et vice versa.
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Solde militaire : collectée dans le cadre d’une affectation commune et redistribuée aux capacités selon une répartition initialement formulée par Kerzner (2011)[^3] et mise à jour par le DPB pour les besoins de ce modèle.
Toutes les entrées de coûts étant désormais attribuées aux capacités directes, indirectes et générales, l’étape suivante du processus de mise en correspondance consiste à orienter ces capacités vers les capacités directes qu’elles soutiennent. Par exemple, la capacité des navires auxiliaires/de soutien de la Marine est une capacité indirecte soutenant les capacités directes de la Marine, notamment la frégate de classe Halifax, ou la capacité des hôpitaux de campagne de l’Armée (indirecte) soutenant les capacités directes de l’Armée, comme les bataillons d’infanterie mécanisée. Les capacités générales sont soit associées à un environnement, comme la capacité de l’Installation de maintenance de la Flotte qui est associée à la Marine, soit considérées comme des capacités générales « institutionnelles » servant toutes les directions de manière égale, comme dans le cas de Recherche et développement pour la défense Canada.
Le processus de mise en correspondance est effectué pour chacune des six années de données sur les coûts. Ensuite, les coûts de chaque ensemble de données sont gonflés pour refléter les dollars réels de 2022-2023. Les estimations de coûts finales du modèle pour chaque capacité directe, indirecte et générale consistent donc en une moyenne des six années de données, avec des ajustements pour les capacités désuètes ou les capacités nouvelles et émergentes. Les estimations reflètent donc, dans la mesure du possible, l’état actuel des capacités militaires.
Estimation du personnel
Les effectifs cités dans le modèle de structure de forces et associés aux 21 capacités directes, indirectes ou générales proviennent de plusieurs sources. Tout d’abord, le Rapport sur les résultats ministériels du MDN comprend les effectifs des différentes catégories du CMR. Ces chiffres, axés sur les catégories du CMR et non sur les capacités militaires, sont utilisés en conjonction avec deux autres publications afin d’obtenir des totaux en personnel particuliers aux capacités : Estimations des dépenses selon la circonscription électorale et la province (EDCEP), investissement en immobilisations du MDN[^4] et la publication Military Balance de l’Institut international d’études stratégiques[^5]. La méthodologie principale pour la répartition du personnel est fondée sur la répartition de la solde militaire de Kerzner (2011)[^6].
Estimation du personnel
Le modèle de structure de forces de l’armée canadienne du DPB contient des estimations du personnel et des coûts annuels récurrents du personnel, de l’exploitation et du soutien de 21 capacités militaires ciblées dans toutes les directions des FAC. Les effectifs et les coûts associés aux capacités habilitantes indirectes et aux capacités générales ou « institutionnelles » sont également inclus. Le modèle permet en outre d’analyser les compromis à l’échelle du portefeuille pour l’ensemble des capacités militaires, en donnant aux utilisateurs la possibilité d’examiner les changements dans les coûts et les effectifs lorsque les chiffres d’une capacité militaire donnée sont ajustés.
Le Tableau 2 présente un résumé des coûts pour chaque branche des FAC[^7]. Au total, les coûts directs des capacités FAC s’élèvent à 32 % des coûts totaux en PES. En langage militaire, ce chiffre représente un « ratio dents-queue » d’environ 1 pour 2, ce qui signifie qu’environ un tiers de chaque dollar dépensé pour le personnel, l’exploitation et le soutien est consacré aux éléments qui produisent un effet militaire direct.
Au sein des directions des FAC, le rapport entre les composantes directes, indirectes et générales peut varier. Par exemple, pour l’AC, le coût indirect total est plus élevé que le coût direct. Ces différences sont dues aux exigences opérationnelles et aux besoins de soutien qui diffèrent d’un environnement à l’autre.
Le Tableau 3 fournit un contexte supplémentaire aux différences de coûts observées dans le Tableau 2, en affichant les effectifs estimés pour toutes les directions militaires. L’AC a le plus grand nombre d’employés de tous les environnements, le personnel indirect de l’AC dépassant toutes les autres catégories. Cela peut s’expliquer par la dépendance unique des capacités de l’AC à l’égard de l’infanterie et du personnel de soutien par rapport à la MRC et à l’ARC.