Analyse distributive du pouvoir d’achat des ménages canadiens depuis 2019
Afin d’étudier les divergences dans l’évolution du pouvoir d’achat des ménages canadiens, ce rapport présente une analyse distributive de l’inflation et des revenus des ménages canadiens depuis le début de la pandémie de la COVID-19. Notre analyse inclut aussi un portrait du pouvoir d’achat au niveau provincial et territorial.
Résumé
Afin d’étudier les divergences dans l’évolution du pouvoir d’achat des ménages canadiens, ce rapport présente une analyse distributive de l’inflation et des revenus des ménages canadiens depuis le début de la pandémie de la COVID-19. Notre analyse inclut aussi un portrait du pouvoir d’achat au niveau provincial et territorial.
Dépenses de consommation et inflation
Le DPB a utilisé comme référence le panier de consommation de 2019 afin d’obtenir une mesure de l’inflation propre aux ménages des différents quintiles de revenus.
En moyenne, les ménages ont fait face à une augmentation des prix d’environ 15 % depuis le dernier trimestre de 2019, et ce, indépendamment de leur revenu disponible. L’homogénéité de l’inflation à laquelle font face les ménages s’explique par le fait que ceux-ci consacrent des proportions très similaires aux différentes catégories de dépenses de consommation.
Par ailleurs, les dépenses liées à l’alimentation, au logement et au transport comptent pour plus des trois quarts de l’inflation depuis le dernier trimestre de 2019, bien que ces catégories constituent moins de la moitié du panier de consommation de 2019.
Évolution des revenus
Pour cette analyse, le DPB a considéré deux mesures du revenu. Le revenu de marché est le revenu avant transferts et impôts sur le revenu et le revenu disponible est composé du revenu de marché et des transferts gouvernementaux reçus desquels on soustrait les impôts sur le revenu.
Depuis le dernier trimestre de 2019, le revenu disponible moyen des ménages a augmenté de 21 %. Cependant, la provenance de ces gains diffère selon le groupe de revenu. En effet, pour les ménages du quintile de revenu le moins nanti, le plus grand contributeur à l’augmentation de 22 % du revenu disponible moyen est une hausse des transferts gouvernementaux reçus. Pour les ménages du quintile de revenu supérieur, l’augmentation de 25 % du revenu disponible moyen résulte essentiellement de la croissance du revenu de marché.
Les ménages des deux quintiles supérieurs ont ainsi vu leurs revenus de marché augmenter trois fois plus vite, en moyenne, que ceux des deux quintiles inférieurs. Cette divergence s’explique en partie par le fait que les ménages plus nantis ont connu une croissance plus forte de leur rémunération salariale. Par ailleurs, la hausse des taux d’intérêt a entraîné une hausse des revenus d’investissement qui a été supérieure à la hausse des paiements d’intérêts pour les ménages du groupe de revenu supérieur.
Le pouvoir d’achat à l’épreuve de l’inflation
Durant les premiers trimestres de la pandémie de la COVID-19, les prix ont cru bien en deçà de la cible d’inflation de 2 % de la Banque du Canada, tandis que les revenus des ménages ont été soutenus par les transferts gouvernementaux, entraînant une amélioration du pouvoir d’achat pour tous les quintiles de revenu (figure R-1).
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Bien que les prix aient repris leur croissance en 2021, le pouvoir d’achat des ménages a pu être maintenu, les revenus ayant crû à un rythme comparable. En 2022, l’inflation accélère nettement, entraînant un déclin généralisé du pouvoir d’achat des ménages. En réponse, la Banque du Canada relève son taux directeur à 7 reprises.
La hausse des taux d’intérêt augmente les revenus de placements, mais également les paiements d’intérêt relatifs au crédit à la consommation et aux prêts hypothécaires et non hypothécaires. Seuls les ménages du quintile supérieur ont, en moyenne, vu leurs revenus d’investissements croître au-delà de leurs paiements d’intérêt. Ainsi, le pouvoir d’achat moyen de ces ménages s’est amélioré en 2023. Le pouvoir d’achat des ménages du troisième et quatrième quintile a stagné, alors que celui des deux quintiles inférieurs s’est détérioré.
En résumé, le pouvoir d’achat de la majorité des ménages est demeuré plus élevé que son niveau observé au dernier trimestre de 2019. Toutefois, depuis 2022, la montée de l’inflation et le resserrement de la politique monétaire ont entraîné une détérioration du pouvoir d’achat, affectant particulièrement les ménages les moins nantis.
Le pouvoir d’achat a évolué de façon disparate d’une province à une autre. Le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique sont parmi les provinces qui ont connu une augmentation de leur pouvoir d’achat alors que Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse et l’Alberta ont souffert d’une détérioration de celui-ci. Pour ces dernières, l’inflation a effacé l’avancée du revenu disponible. Dans les territoires, le pouvoir d’achat de l’ensemble des ménages a connu l’une des meilleures progressions au Canada depuis le dernier trimestre de 2019.
Introduction
Le pouvoir d’achat correspond à la quantité de biens et de services qu’un revenu permet d’acheter. Ainsi, pour mesurer l’évolution du pouvoir d’achat des ménages, il est nécessaire de comparer la croissance des revenus et à celle des prix durant la période étudiée.
Les perturbations liées à la pandémie de COVID-19 ont eu d’importantes répercussions sur le prix des biens et services et donc sur le pouvoir d’achat des ménages.
Alors que durant la première année de la pandémie de COVID-19, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) est restée bien en deçà de la fourchette cible de la Banque du Canada, la situation s’inverse en 2021. Le prix des matières premières et les perturbations des chaînes d’approvisionnement font augmenter les prix des biens de consommation. En avril 2021, l’inflation de l’IPC se chiffre à 3,2 % en glissement annuel, dépassant ainsi le plafond de la fourchette cible de la Banque du Canada. En 2022, l’inflation accélère et devient généralisée.
L’inflation de l’IPC atteint un sommet historique de 8,1 % en juin 2022, reflétant des augmentations de prix soutenues dans la majorité des catégories de biens et services mesurés par l’indice. Depuis, l’inflation a ralenti et est retournée sous le plafond de la fourchette cible de la Banque du Canada en janvier 2024.
Cumulativement, le prix du panier de biens et services typique du ménage canadien moyen a augmenté de 15 % depuis le dernier trimestre de 2019[^1]. Malgré cela, le revenu disponible a crû plus vite que l’inflation (Figure 1). Il a connu une hausse de 21 % sur la même période, soutenue d’abord par une hausse des transferts gouvernementaux, puis par les gains salariaux et les revenus de placements nets. Cela indique qu’en moyenne, le pouvoir d’achat des ménages canadiens s’est amélioré comparativement à avant la pandémie.
Bureau du directeur parlementaire du budget et Statistique Canada.
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Cependant, cette conclusion n’offre pas un portrait exhaustif de l’évolution récente du pouvoir d’achat au Canada. En effet, il est généralement admis que l’inflation et le resserrement de la politique monétaire qui l’accompagne ont des incidences inégales sur le pouvoir d’achat des ménages selon leur niveau de revenu[^2].
La figure 2 illustre le fait que, pour les ménages des deux quintiles les moins nantis, des augmentations de revenus plus modestes n’ont pas suffi à contrecarrer l’effet de l’inflation sur leur pouvoir d’achat.
Bureau du directeur parlementaire du budget et Statistique Canada.
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Afin d’étudier les divergences dans l’évolution du pouvoir d’achat des ménages canadiens, ce rapport présente une analyse distributive de l’inflation et des revenus des ménages depuis le début de la pandémie de la COVID-19[^3]. Notre analyse inclut aussi un portrait du pouvoir d’achat au niveau provincial et territorial.
Inflation et consommation
L'Indice des prix à la consommation (IPC) est l’indicateur de référence de la Banque du Canada pour mesurer l’inflation, c’est-à-dire, la variation des prix payés par les consommateurs. Cependant, l’IPC ne reflète pas immédiatement les changements dans les habitudes de consommation, dans la mesure où les poids associés aux différentes catégories de biens et services sont mis à jour annuellement. En revanche, l’indice implicite de prix des dépenses de consommation finale (IPDC) des ménages permet de mesurer l’inflation tout en tenant compte en temps réel des changements dans la composition de leurs dépenses.
Au deuxième trimestre de 2022, le taux de variation sur un an de l’IPC a atteint un sommet historique de 7,6 % alors que l’IPDC se situe à 5,8 % au même moment. L’écart observé entre les deux mesures d’inflation durant cette période (Figure 3) démontre que les ménages ont ajusté leurs habitudes de consommation face à des prix jugés trop haut, ce qu’on appelle aussi l’effet de substitution.
Bureau du directeur parlementaire du budget et Statistique Canada.
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Afin de mesurer le changement de pouvoir d’achat des ménages, le DPB a utilisé comme référence le panier de consommation de 2019 pour tous les quintiles. Précisément, la mesure de l’inflation utilisée pour chaque quintile est la moyenne pondérée de la variation trimestrielle des prix de chaque catégorie de dépenses. Les poids sont assignés à chaque catégorie de dépenses selon la composition du panier de consommation de 2019. Ainsi, cette mesure de l’inflation est propre au profil moyen des ménages d’un quintile donné. De plus, elle exclut les effets de substitution pouvant être causés entre autres par les variations de prix.
Un profil de consommation similaire à travers les quintiles
Les données analysées indiquent qu’à travers les quintiles de revenu, les ménages consacrent en moyenne des proportions similaires aux différentes catégories de dépenses (Figure 4).
Bureau du directeur parlementaire du budget et Statistique Canada.
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En effet, les dépenses des ménages pour le logement[^4] représentent près d’un quart des dépenses totales, autant en 2019 qu’en 2023, et ce, à travers les quintiles. Similairement, les ménages ont, en moyenne, consacré environ 17 % de leurs dépenses au transport.
La principale exception notée est au niveau des dépenses pour les services de restauration et d’hébergement. Pour les ménages les plus nantis, cette catégorie représente près de 10 % de leurs dépenses totales, autant en 2019 qu’en 2023. En revanche, sur la même période, les ménages les moins nantis ont vu le poids de leurs dépenses en services de restauration et d’hébergement passer de 6 % à 2 %.
Cette réduction pour les ménages les moins nantis coïncide avec une augmentation cumulative de 21 % des prix associés à cette catégorie. En comparaison, l’inflation des dépenses de consommation totales a augmenté de 14 % (Figure 5).
Bureau du directeur parlementaire du budget et Statistique Canada.
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Le transport et le logement, qui représentent les deux catégories les plus importantes dans les paniers de consommation des ménages, ont également vu des hausses de prix de 23 % et 20 % respectivement, soit bien au-delà de l’augmentation du prix du panier de consommation totale.
Logement, transport et alimentation : les principaux contributeurs à l’inflation
En appliquant les variations de prix au profil de consommation moyen propre à chaque quintile de revenu, le DPB obtient la mesure d’inflation qui leur est spécifique. La figure 6 montre qu’en moyenne, les ménages ont fait face à une augmentation des prix d’environ 15 % depuis le dernier trimestre de 2019, et ce, indépendamment de leur niveau de revenu. L’homogénéité de l’inflation à laquelle font face les ménages s’explique par le fait que ceux-ci consacrent des proportions très similaires aux différentes catégories de dépenses de consommation.[^5]
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Il est également intéressant de constater que, bien qu’elles constituent moins de la moitié du panier de consommation de 2019, les dépenses liées à l’alimentation, au logement et au transport représentent plus des trois quarts de l’inflation depuis le dernier trimestre de 2019.
Évolution des revenus
Pour cette analyse, le DPB a considéré deux mesures du revenu apparentées : le revenu de marché et le revenu disponible. Le revenu de marché est le revenu avant transferts et impôts sur le revenu. Quant au revenu disponible, il est composé du revenu de marché, des transferts gouvernementaux reçus et des impôts sur le revenu[^6] payés. Le DPB s’est également intéressé aux composantes des différents types de revenus ainsi qu’à leur évolution, en passant de la rémunération des salariés aux transferts courants payés. Cette analyse a permis de comprendre l’origine des variations du revenu.
Les hausses salariales ont favorisé la croissance du revenu de marché depuis 2022
Lors des premiers trimestres de la pandémie de COVID-19, l'écart entre la croissance du revenu du marché et celle du revenu disponible s’accroît significativement pour l'ensemble des ménages (Figure 7). En effet, entre le dernier trimestre de 2019 et le deuxième trimestre de 2020, le revenu du marché a chuté de 3 %, tandis que le revenu disponible a connu une hausse de 6,4 % en moyenne.
Bureau du directeur parlementaire du budget et Statistique Canada.
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Durant les deux premiers trimestres de 2020, la détérioration du revenu du marché coïncide avec une fermeture quasi-complète de plusieurs secteurs de l'économie et une baisse du nombre de personnes en emploi de plus de 2,5 millions. Face à ces perturbations économiques, les revenus d’emploi s’affaissent alors que les gouvernements lancent des mesures de soutien du revenu comme la prestation canadienne d’urgence (PCU). Ces transferts gouvernementaux soutiennent ainsi l’augmentation du revenu disponible durant cette période.
À mesure que l’économie canadienne se réouvre sous l'administration de mesures sanitaires, les revenus d’emploi prennent du galon. À partir de 2022, l’écart entre la croissance du revenu du marché et celle du revenu disponible se resserre de trimestre en trimestre. Ce phénomène s’explique par l’expiration progressive des mesures de soutien au revenu liées à la pandémie de COVID-19, au moment où les ménages canadiens connaissent d’importantes hausses salariales, en partie favorisées par la tension dans le marché du travail[^7].
À l’approche du premier trimestre de 2024, des mesures temporaires de soutien au revenu viennent pallier le coût de la vie et ponctuent la progression du revenu disponible. Parallèlement, les récentes négociations salariales consolident la hausse du revenu du marché.
Le revenu disponible a augmenté pour tous les ménages, mais des nuances existent
Bien que le revenu disponible ait, en moyenne, augmenté pour les ménages appartenant à toutes les tranches de revenu de la distribution au terme du premier trimestre de 2024 (Figure 8), le portrait des ménages faisant partie des deux premiers quintiles présente des nuances différentes.
En effet, les transferts courants reçus contribuent le plus à la croissance de leur revenu disponible, lesquels ont respectivement augmenté de 22 % et de 15 % par rapport au dernier trimestre de 2019. Néanmoins, leurs propres sources de revenus ne représentent pas le moteur de cette croissance, n’ayant augmenté que de 7,3 %. À cet égard, le DPB constate que les transferts gouvernementaux ont soutenu le revenu disponible de ces ménages. Pour les autres ménages de la répartition, l’augmentation du revenu disponible s’explique principalement par celle du revenu du marché à la fin du premier trimestre de 2024.
Bureau du directeur parlementaire du budget et Statistique Canada.
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Une croissance inégale des revenus du marché depuis 2019
Au terme du premier trimestre de 2024, le revenu du marché a augmenté pour les ménages appartenant à chaque tranche de la distribution de revenu (Figure 9). Cependant, ce portrait révèle des contrastes plus marqués entre les quintiles. En effet, le revenu de marché des ménages faisant partie des deux premiers groupes de revenu a crû plus lentement que celui des autres : il a accusé une augmentation respective de 7 % et 10 % alors que la tranche supérieure des 60 % des ménages gagnant les revenus les plus élevés a enregistré des hausses supérieures à 25 %.
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Afin de mieux comprendre ce qui a propulsé la hausse du revenu du marché, il est important d’analyser les composantes de celui-ci, leur contribution à sa croissance ainsi que le changement total depuis le dernier trimestre de 2019. Plus spécifiquement, le revenu du marché est composé de la rémunération des salariés (revenu d’emploi), du revenu mixte net (entre autres, le revenu d’un travail indépendant[^8], du revenu de la propriété reçu (revenu de placements[^9] et du revenu de la propriété payé (dépenses d’intérêts et autres coûts d’emprunts).
Les diverses vitesses auxquelles les revenus d’emploi ont cru donnent le premier ton à ces différences. Ainsi, à partir du troisième quintile, les ménages ont joui de hausses salariales substantielles qui ont stimulé la majorité de la croissance du revenu du marché.
En ce qui concerne les revenus d’investissement net, la politique monétaire donne le deuxième ton aux disparités entre les quintiles de revenu. En guise d’illustration, la situation moyenne des ménages du quintile inférieur est comparée à celle des ménages du quintile supérieur. Pour ces premiers, les dépenses d’intérêts ont contribué significativement et négativement à la variation du revenu de marché à la fin du premier trimestre de 2024, freinant ainsi sa croissance. En outre, les actifs des ménages moins nantis sont généralement en numéraire ou en autres dépôts à court terme. Il semble donc que les rendements qu’ils ont générés n’ont pas contrebalancé l’augmentation des coûts d’emprunt.
En revanche, les ménages du quintile supérieur enregistrent la hausse la plus marquée du revenu du marché (+32 %) depuis le dernier trimestre de 2019. Ils constituent le seul groupe de revenu dont la hausse des revenus de placements contribue le plus à la croissance du revenu privé, après les gains salariaux. Contrairement aux ménages les moins nantis, ces derniers ont pu tirer avantage de rendements supérieurs dans un environnement à taux d’intérêt élevé.
Autrement dit, l’évolution des revenus à la figure 9 dépeint également les effets distributifs de court terme de la politique monétaire. Couplés aux disparités de revenu d’emploi, ils expliquent essentiellement les différences observées dans l’évolution du pouvoir d’achat au terme du premier trimestre de 2024.
Évolution du pouvoir d’achat
Le pouvoir d'achat correspond à la quantité de biens et de services qu’un revenu permet d’acheter. Il prend donc en compte à la fois le niveau des revenus et celui des prix. Ainsi, l’évolution du pouvoir d’achat correspond à la différence entre l’évolution des revenus des ménages et l’évolution des prix.
Dans le cadre de cette analyse, la mesure du pouvoir d’achat du ménage moyen de chaque quintile est définie comme le ratio de la valeur du panier de biens et services de 2019 et celui du revenu disponible moyen. Pour faciliter l’interprétation de l’évolution du pouvoir d’achat, un indice est utilisé. La croissance de cet indice correspond à l’inverse de la croissance d’une moyenne mobile sur quatre trimestres de notre ratio du pouvoir d’achat.[^10] Ainsi, la croissance de l’indice correspond à une amélioration du pouvoir d’achat des ménages.
2020-2022 : les effets de la pandémie
Durant les premiers trimestres de la pandémie de la COVID-19, les prix ont cru bien en deçà de la cible d’inflation de 2 % de la Banque du Canada alors que les revenus des ménages ont été soutenus par les transferts gouvernementaux, entraînant une amélioration du pouvoir d’achat pour tous les quintiles de revenu (Figure 10). Lors de l’année 2021, bien que les prix aient repris leur croissance, le pouvoir d’achat des ménages s’est maintenu, les revenus ayant crû à un rythme comparable.
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2022 : le pouvoir d’achat face à l’inflation et au resserrement de la politique monétaire
En 2022, l’inflation accélère nettement, entraînant un déclin généralisé du pouvoir d’achat des ménages. En réponse, la Banque du Canada relève son taux directeur à 7 reprises entre le premier trimestre de 2021 et le troisième trimestre de 2023 pour une augmentation totale de 4,75 points de pourcentage. Tandis que le pouvoir d’achat des ménages évolue de manière relativement homogène au cours des deux années précédentes, le resserrement de la politique monétaire aura une incidence asymétrique sur les ménages.
En effet, la hausse des taux d’intérêt augmente les revenus de placements, mais également les paiements d’intérêt relatifs au crédit à la consommation et aux prêts hypothécaires et non hypothécaires. En raison de la composition de leur patrimoine familial, les ménages du quintile supérieur ont vu leurs revenus d’investissements croître au-delà de leurs paiements d’intérêt. Cette augmentation nette du revenu étant supérieure à l’inflation, le pouvoir d’achat moyen de ces ménages s’est amélioré en 2023.
Quant aux ménages des autres quintiles de revenu, les augmentations des paiements d’intérêts ont été, en moyenne, supérieures à celles des revenus d’investissement pour l’année 2023. Ainsi, le pouvoir d’achat moyen des ménages du troisième et quatrième quintile a stagné alors que celui des deux quintiles inférieurs s’est détérioré.
En résumé, le pouvoir d’achat de la majorité des ménages est demeuré plus élevé que son niveau observé au dernier trimestre de 2019. Toutefois, depuis 2022, la montée de l’inflation et le resserrement de la politique monétaire ont entraîné une détérioration du pouvoir d’achat, affectant particulièrement les ménages les moins nantis.
Portrait provincial
Dans la mesure où certaines séries de données utilisées au niveau national ne sont pas disponibles pour les provinces et territoires, la méthodologie utilisée dans le reste du rapport a été modifiée afin de pouvoir offrir une analyse de l’évolution du pouvoir d’achat de l’ensemble des ménages de chaque province ou territoires[^11].
Les ménages des différentes provinces et territoires ont, en moyenne, vu le prix de leur panier de consommation typique augmenter de 13 % à 18 % depuis le dernier trimestre de 2019, comparativement à environ 15 % au niveau national (Figure 11). Tel qu’il a été observé au niveau national, l’augmentation des prix du logement, du transport et de l’alimentation explique la majorité de l’inflation dans les provinces pendant cette période.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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En matière de revenu disponible des ménages, la figure 12 montre que celui-ci a augmenté d’une région à une autre, mais à des vitesses différentes. Cette progression va de 7 % à Terre-Neuve-et-Labrador à 46 % aux Territoires du Nord-Ouest. Elle est principalement due à l’augmentation du revenu du marché. À cet effet, les différences géographiques sont essentiellement dictées par les gains salariaux.
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De manière analogue à l’analyse nationale, l’évolution du pouvoir d’achat est calculée grâce à l’indice du pouvoir d’achat qui combine l’évolution du revenu disponible et du prix du panier de consommation de 2019 propre à chaque province ou territoire (Figure 13).
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Un changement cumulatif positif de l’index du pouvoir d’achat correspond à une amélioration du pouvoir d’achat comparativement au dernier trimestre de 2019.
À des fins de comparaison entre les différentes zones géographiques, la valeur canadienne a été obtenue en utilisant la méthodologie appliquée aux données infranationales.
Le pouvoir d’achat a évolué de façon disparate d’une province à une autre. Le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique sont parmi les provinces qui ont connu une augmentation de leur pouvoir d’achat alors que Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse et l’Alberta ont souffert d’une détérioration de celui-ci. Pour ces derniers, l’inflation a effacé l’avancée du revenu disponible.
Quant aux territoires, depuis le dernier trimestre de 2019, le pouvoir d’achat de l’ensemble des ménages a connu l’une des meilleures progressions au Canada. Dans leur cas, l’augmentation du revenu disponible a nettement eu raison de la hausse des prix.
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À des fins de comparaison entre les différentes zones géographiques, la valeur canadienne a été obtenue en utilisant la méthodologie appliquée aux données infranationales.
Communications
Citations
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Selon notre analyse, le prix du panier de biens et services a augmenté de 15% depuis 2019, mais le revenu disponible a crû de 21 %, soutenu par les transferts gouvernementaux, les gains salariaux et les revenus de placements nets, améliorant ainsi le pouvoir d’achat de la plupart des ménages canadiens.
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Bien que le revenu disponible ait, en moyenne, augmenté pour les ménages à tous les niveaux de revenu à partir de la pandémie, depuis 2022 la hausse de l'inflation et le resserrement de la politique monétaire ont réduit le pouvoir d'achat des ménages à faible revenu.
Directeur parlementaire du budget