Rapport sur la viabilité financière de 2024
Dans le rapport qui suit, le DPB présente son évaluation de la viabilité financière à long terme du gouvernement fédéral, des administrations infranationales et des régimes de retraite généraux.
Résumé
Pour évaluer la viabilité de la politique budgétaire d’un gouvernement, il convient de faire des projections allant au-delà d’un horizon de planification à moyen terme. Une politique budgétaire est dite financièrement viable lorsque la dette publique n’augmente pas de manière continue et proportionnelle à la taille de l’économie.
En raison du vieillissement de la population dans l’ensemble des provinces et des territoires, un grand nombre de Canadiens sortiront de la période maximale d’activité professionnelle pour entamer leur retraite. Ceci occasionne un ralentissement de la croissance de l’économie canadienne.
La décélération de la croissance économique exercera des pressions à la baisse sur les recettes gouvernementales puisqu’elle aura pour effet de ralentir l’augmentation de l’assiette fiscale. Parallèlement, le vieillissement démographique exercera des pressions à la hausse sur les programmes gouvernementaux qui concernent notamment les soins de santé, la Sécurité de la vieillesse et les prestations des régimes de retraite. Néanmoins, la pression pesant sur les programmes destinés aux groupes d’âge les plus jeunes diminuera à mesure que la population vieillira.
L’objectif du présent rapport est de déterminer s’il convient de modifier la politique budgétaire actuelle pour éviter une accumulation non viable de la dette publique, et d’estimer l’ampleur des changements requis, le cas échéant.
Évaluation
Secteur gouvernemental global
En ce qui concerne le secteur des administrations publiques considérées comme un tout, c’est-à-dire le gouvernement fédéral, les administrations infranationales et les régimes de retraite généraux pris ensemble, la politique budgétaire actuelle au Canada est viable à long terme. Par rapport à la taille de l’économie canadienne, la dette publique générale nette devrait diminuer progressivement à long terme en raison de la marge de manœuvre financière au niveau fédéral et de l’amélioration de la situation de l’actif net des régimes de retraite publics (figure 1 du résumé).
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Statistique Canada.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Statistique Canada.
La période de prévision va de 2024 à 2098.
Gouvernement fédéral
La politique budgétaire fédérale actuelle est viable à long terme. Nous estimons que le gouvernement fédéral pourrait augmenter ses dépenses ou réduire les impôts de 1,5 % du PIB (46 milliards de dollars en dollars courants, augmentant par la suite au rythme du PIB), et ce, de façon permanente, tout en stabilisant le ratio de la dette nette à son niveau initial de 29,1 % du PIB, à long terme.
Notre évaluation tient compte de toutes les mesures prévues dans le budget de 2024. Ces mesures comprennent notamment le financement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées, le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres et le soutien à la fabrication de batteries, qui augmentent les dépenses des programmes fédéraux, même en tenant compte des économies constatées lors d’examens des dépenses. Les mesures visant à augmenter les recettes, dont la modification du taux d’inclusion des gains en capital, augmentent de façon permanente les recettes fédérales.
Notre estimation de la marge de manœuvre financière fédérale de 1,5 % du PIB est plus faible que celle indiquée dans notre évaluation précédente (1,7 % du PIB). Cette révision reflète une augmentation des dépenses de programmes qui compense largement l’augmentation des recettes, combinée à une révision à la hausse du taux d’intérêt effectif, d’où une réduction de la marge de manœuvre financière.
Pour évaluer la viabilité financière, le DPB se sert de l’écart financier, soit la différence entre la politique budgétaire actuelle et une politique viable à long terme.
L’écart financier correspond au changement immédiat et permanent dans les revenus, les dépenses de programmes ou les deux (exprimé en proportion du PIB) qui permettra de stabiliser le ratio de la dette nette par rapport au PIB à son niveau initial à long terme.
Un écart financier négatif indique que la dette nette devrait baisser en proportion du PIB et qu’il existe une marge de manœuvre pour augmenter les dépenses ou réduire les taxes et impôts tout en maintenant la viabilité financière.
Pour chaque régime de retraite général, l’écart financier représente le changement immédiat et permanent dans les cotisations ou les prestations qui permet de ramener le ratio de l’actif net au PIB à son niveau initial à long terme.
Administrations infranationales
La politique budgétaire actuelle est viable à long terme pour l’ensemble du secteur des administrations infranationales, qui comprend les gouvernements provinciaux- territoriaux, locaux et autochtones. Notre évaluation tient compte des budgets des gouvernements provinciaux et territoriaux du printemps 2024.
À long terme, par rapport à la taille de leurs économies, les administrations infranationales feront face à une augmentation des dépenses de santé en raison du vieillissement de la population. En outre, elles connaîtront toutes un différentiel de taux d’intérêt effectif et de croissance du PIB moins favorable que celui du gouvernement fédéral. Certaines administrations infranationales subiront également des pressions budgétaires importantes en raison de la réduction des transferts fédéraux (par rapport à la taille de leur économie).
Cela dit, pour l’ensemble du secteur infranational, les recettes autonomes, combinées aux transferts fédéraux, sont suffisantes pour maintenir le ratio de la dette nette par rapport au PIB des administrations infranationales en dessous de son niveau de 2023 pour l’horizon de 75 ans.
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Nous estimons que les politiques budgétaires actuelles de cinq provinces sont viables : ce sont celles du Québec, de la Saskatchewan, de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario et de l’Alberta (figure 2 du résumé).
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Nos estimations indiquent que les gouvernements des provinces ayant des politiques budgétaires viables disposent d’une marge de manœuvre pour augmenter les dépenses ou réduire les taxes et impôts, qui va de 1,4 % du PIB provincial au Québec à 0,3 % du PIB provincial en Ontario.
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Les politiques budgétaires actuelles des autres provinces et des territoires ne sont pas viables. Les mesures requises par les gouvernements de ces administrations pour assurer leur viabilité financière varient de 0,5 % du PIB provincial à Terre‑Neuve‑et‑Labrador à 5,9 % du PIB territorial dans les territoires.
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Selon nos estimations, la part de la marge de manœuvre des gouvernements infranationaux représentée par les provinces du Québec et de l’Ontario réunies est de l’ordre de 0,32 point de pourcentage, tandis que la part de l’écart financier infranational représentée par les provinces de la Colombie-Britannique et du Manitoba réunies est de l’ordre de 0,28 point de pourcentage (figure 3 du résumé).
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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L’écart financier de chaque province et territoire est exprimé en proportion de son PIB. A. I. fait référence au secteur consolidé des administrations infranationales.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Les pourcentages sont exprimés en proportion du PIB du Canada. A. I. fait référence au secteur consolidé des administrations infranationales.
Comparativement à notre évaluation précédente, l’écart financier infranational est en réalité inchangé. Les améliorations des écarts financiers de l’Ontario et du Manitoba compensent la détérioration en Colombie-Britannique, au Québec, en Saskatchewan et dans d’autres provinces.
Régimes de retraite généraux
La structure actuelle tant du Régime de pensions du Canada (RPC) que du Régime de rentes du Québec (RRQ) est viable à long terme. Selon nos estimations, les écarts financiers du RPC et du RRQ sont respectivement de -0,2 % du PIB du Canada et de -0,3 % du PIB du Québec.
Avec la structure actuelle du RPC, il serait possible de réduire les cotisations ou d’augmenter les prestations de 0,2 % du PIB tout en garantissant que la position nette de l’actif par rapport au PIB est égale à sa valeur initiale après 75 ans. Dans le cas du RRQ, il serait possible de réduire les cotisations ou d’augmenter les prestations de 0,3 % du PIB tout en maintenant la viabilité financière.
Comparativement à notre évaluation précédente, notre estimation de l’écart financier s’est améliorée de 0,1 point de pourcentage du PIB pour le RPC et s’est détériorée de 0,2 point de pourcentage du PIB pour le RRQ. Pour le RPC, cette amélioration reflète un taux de rendement présumé plus élevé à long terme qui compense largement les révisions à la baisse des flux de trésorerie nets prévus (par rapport au PIB). Pour le RRQ, la détérioration de l’écart financier, en dépit d’un taux de rendement plus élevé, reflète les révisions à la hausse des prestations versées.
Sensibilité des résultats
Pour évaluer le degré de sensibilité des écarts financiers de référence, nous recourons à des variantes de scénarios démographiques, économiques et budgétaires.
Nous constatons que nos évaluations qualitatives de la viabilité financière du gouvernement fédéral demeurent inchangées dans tous les scénarios envisagés.
Nos évaluations qualitatives de la viabilité pour la plupart des provinces et les territoires demeurent essentiellement les mêmes, quel que soit le scénario envisagé, démographique, économique ou budgétaire. Cependant, notre évaluation de la viabilité est inversée principalement pour les administrations infranationales sous certains scénarios lorsque leur écart financier de référence est presque nul.
Introduction
Une politique budgétaire est dite financièrement viable lorsque la dette publique n’augmente pas de manière continue et proportionnelle à la taille de l’économie. Pour déterminer si la politique budgétaire est viable et dans quelle mesure elle l’est, nous faisons une projection de la dette gouvernementale nette par rapport à la taille de l’économie à long terme en supposant sur le maintien de la politique budgétaire actuelle.
Rappelons que les projections budgétaires à long terme ne sont ni des prévisions ni des prédictions des résultats les plus probables. Ce sont plutôt des scénarios qui illustrent les conséquences du maintien de la politique budgétaire actuelle du gouvernement à long terme, après avoir pris en compte les répercussions économiques et financières du vieillissement de la population.
Ces projections visent à stimuler les discussions afin de déterminer si la politique budgétaire actuelle permet de relever adéquatement les défis à long terme sur les plans économiques et démographiques, car plus les interventions qui s’imposent seront faites rapidement, moins les coûts afférents seront élevés.
Le solde primaire est défini comme étant la différence entre les revenus et les dépenses autres que celles liées aux intérêts. Il représente la contribution à l’accumulation de la dette, sur laquelle la politique budgétaire a une incidence directe. Le solde primaire auquel on soustrait les frais de la dette publique équivaut au concept plus familier de solde budgétaire ou de « prêt net ».
Dans le cas des régimes de retraite généraux, le solde primaire est représenté par le flux de trésorerie net, soit la différence entre les cotisations, d’une part, et les charges au titre des avantages accumulés et les frais d’administration, d’autre part.
L’écart financier indique l’ampleur des changements à apporter à la politique budgétaire pour qu’il soit possible d’atteindre la viabilité[^1]. Plus précisément, l’écart financier de référence du DPB se définit comme étant la modification immédiate et permanente du solde primaire requise pour stabiliser le ratio de la dette nette au PIB à son niveau initial sur un horizon de 75 ans.
L’estimation de l’écart financier reflète tant un facteur politique qu’un facteur structurel :
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Facteur politique : Le solde primaire représente le catalyseur de la viabilité sur le plan des politiques. Les changements permanents de ce solde peuvent être obtenus par le rajustement des recettes et/ou des dépenses engagées pour des programmes.
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Facteur structurel : Lorsque les taux d’intérêt dépassent la croissance du PIB, les frais d’intérêt sur la dette du gouvernement dépassent la croissance de l’économie générale, ce qui peut provoquer un endettement excessif, sauf si un gouvernement dégage des excédents du solde primaire. Toutefois, pour le gouvernement fédéral et quelques provinces, nous prévoyons une différence favorable de la croissance des taux d’intérêt à long terme, c’est-à-dire une croissance du PIB supérieure aux taux d’intérêt effectifs.
Nous fondons nos projections financières sur les comptes économiques provinciaux et territoriaux et les statistiques de finances publiques (SFP) de Statistique Canada[^2]. Les SFP mesurent et analysent les dimensions économiques du secteur public du Canada en conformité avec le système de comptabilité nationale du Canada et les lignes directrices internationales énoncées par le Fonds monétaire international dans le Manuel de statistiques de finances publiques de 2014[^3]. La portée de notre cadre d’analyse se limite au secteur des administrations publiques[^4].
Nos projections économiques et nos projections financières fédérales à moyen terme se basent sur nos Perspectives économiques et financières de mars 2024 et tiennent compte des mesures prévues dans le budget de 2024 ainsi que des comptes du PIB selon les revenus et les dépenses de février 2024 pour le quatrième trimestre[^5]. L’ensemble de nos projections financières à moyen terme pour les administrations infranationales est conforme avec les prévisions budgétaires fondées sur les comptes publics produites par les gouvernements provinciaux au printemps 2024. Les données détaillées relatives à nos projections du Rapport sur la viabilité financière (RVF) peuvent être consultées sous forme électronique sur notre site Web[^6]. Pour plus de détails méthodologiques et techniques, voir notre RVF de 2017[^7].
Projections démographiques
Les projections économiques et financières à long terme du DPB reposent en grande partie sur l’évolution du profil démographique au Canada. En raison du vieillissement de la population dans l’ensemble des provinces et des territoires, un grand nombre de Canadiens sortiront de la période maximale d’activité professionnelle pour entamer leur retraite, d’où le ralentissement de la croissance de la main-d’œuvre et du PIB.
Les hypothèses démographiques de référence du directeur parlementaire du budget (DPB) sont basées sur une version récente du scénario de projection M1 de Statistique Canada[^8]. Les hypothèses démographiques de référence comprennent aussi les objectifs en matière d’immigration de 2023 du gouvernement, mais ne tiennent pas explicitement compte de la réduction du nombre de résidents non permanents annoncée en mars 2024[^9]. Par ailleurs, l’objectif annoncé n’aurait pas de répercussions sur nos estimations à long terme puisque notre projection suppose une réduction graduelle de la part des résidents non permanents, l’objectif étant de 4,38 % de la population totale.
Étant donné la croissance démographique record en 2023 et les changements apportés aux hypothèses démographiques, le niveau de la population projeté dans le Rapport sur la viabilité financière de cette année est en moyenne de 8,7 % plus élevé au cours de la période de projection par comparaison à la projection de l’année dernière[^10]. La croissance de la population au niveau national devrait ralentir, passant de 3,0 % en 2023 à 0,7 % en 2098 (figure 2-1).
Les projections démographiques continuent de varier grandement d’une administration infranationale à l’autre. L’Alberta et la Saskatchewan connaîtront la croissance démographique la plus élevée, mais selon nos prévisions, elle devrait ralentir par rapport aux niveaux actuels. En revanche, la population de Terre-Neuve-et-Labrador devrait baisser au cours de la période de prévision.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Statistique Canada.
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À l’échelle nationale, le rapport de dépendance des personnes âgées – c’est-à-dire le ratio entre les personnes âgées de 65 ans et plus et celles âgées de 15 à 64 ans – devrait augmenter aussi, passant de 28,7 % en 2023 à 47,7 % en 2098 (figure 2-2).
Au niveau infranational, le rapport de dépendance des personnes âgées dans les provinces de l’Atlantique devrait demeurer largement supérieur à la moyenne nationale à long terme. Le rapport de dépendance des personnes âgées plus élevé dans ces provinces reflète les taux de fécondité et de migration nette bas comparativement aux autres provinces.
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Statistique Canada.
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En revanche, le rapport de dépendance des personnes âgées dans les Prairies et les territoires devrait demeurer largement inférieur à la moyenne nationale à long terme. Le rapport de dépendance des personnes âgées est plus faible dans ces provinces étant donné qu’elles devraient avoir des taux de fécondité et de migration nette élevés comparativement aux autres provinces.
Projections économiques
À long terme, nous nous attendons à ce que l’économie canadienne fonctionne à sa capacité de production ou atteigne son PIB potentiel, lequel est déterminé par les tendances du facteur travail (nombre total d’heures travaillées) et de la productivité du travail (PIB par heure travaillée)[^11]. Le RVF de 2017 décrit la méthode qu’utilise le DPB pour établir les projections concernant le PIB des provinces et des territoires[^12].
L’entrée d’une grande proportion de la population dans le groupe des personnes âgées (qui sont moins susceptibles de travailler ou qui travaillent moins d’heures) fera fléchir la croissance du nombre total d’heures travaillées dans l’économie. Il en résultera un ralentissement de la croissance du PIB réel et du PIB réel par habitant, des variables couramment utilisées pour mesurer le niveau de vie moyen.
Le facteur travail correspond au nombre d’heures travaillées et il est fonction de la taille de la population en âge de travailler, du taux d’emploi et du nombre moyen d’heures travaillées.
La productivité du travail mesure le volume de production par heure travaillée.
Le PIB réel est égal au facteur travail multiplié par la productivité du travail. Le PIB potentiel est la production que peut réaliser l’économie lorsque le capital, la main-d’œuvre et la technologie sont conformes à leurs tendances respectives.
La croissance du PIB réel par habitant sert généralement à mesurer l’augmentation du niveau de vie.
Nos perspectives économiques à moyen terme restent en grande partie les mêmes que dans l’évaluation de 2023[^13]. Le niveau du PIB réel projeté en 2028 (la dernière année de notre période de prévision à moyen terme) n’est inférieur que de 0,2 % à ce qu’il était dans notre RVF de 2023.
Les projections de référence à long terme du DPB pour le PIB réel incluent maintenant l’incidence des modifications futures des tendances météorologiques liées au changement climatique. En nous fondant sur l’analyse climatique de 2022 du DPB, nous prévoyons que les changements futurs des tendances météorologiques feront baisser le taux de croissance annuel du PIB réel de 5 points de base[^14].
À long terme, la croissance du PIB nominal pour la plupart des provinces et des territoires est, tout compte fait, légèrement inférieure à notre évaluation de 2023.
En raison du vieillissement de la population, la croissance du nombre d’heures travaillées ralentira à l’échelle nationale, mais l’ampleur du ralentissement projeté variera d’une province et d’un territoire à l’autre. Par exemple, le vieillissement démographique pèsera moins sur la croissance économique de l’Alberta (figure 3-1) que sur celle de Terre-Neuve-et-Labrador, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, des provinces où cette tendance sera particulièrement marquée.
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À l’échelle nationale, la croissance de la productivité du travail devrait converger vers son taux d’équilibre de 1,04 % à long terme, ce qui est inférieur à la croissance annuelle moyenne historique de la productivité du travail de 1,12 % observée de 1982 à 2019 (figure 3-2). L’écart dans la croissance de la productivité du travail prévue à long terme reflète principalement l’incidence des modifications futures aux tendances météorologiques liées au changement climatique.
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Statistique Canada.
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Nous nous servons des taux de croissance moyens historiques (de 1982 à 2019) pour établir nos projections de croissance de la productivité du travail dans les provinces. Ensuite, nous faisons des rectifications pour nous assurer d’une certaine cohérence avec nos projections à l’échelle nationale. Sur un horizon de 75 ans, Terre-Neuve-et-Labrador et la Saskatchewan devraient afficher la croissance de la productivité du travail la plus rapide, tandis que le Québec et la Colombie-Britannique accuseront la croissance la plus lente.
Nous prévoyons que la croissance du PIB réel au Canada ralentira pour s’établir à 1,7 % par année, en moyenne, à long terme (figure 3-3)[^15]. La courbe de croissance relative du PIB réel des provinces et des territoires à long terme est essentiellement définie par les écarts observés dans le nombre total d’heures travaillées. D’ici 2073, la croissance du PIB réel devrait aller de 1,0 % au Nouveau-Brunswick à 2,1 % en Alberta.
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La croissance du PIB réel par habitant, qui est couramment employée pour mesurer l’augmentation du niveau de vie, devrait s’établir en moyenne à 0,9 % par année de 2024 à 2098, soit 0,3 point de pourcentage de moins que la croissance moyenne observée de 1982 à 2019. Ce ralentissement est principalement attribuable au recul de la croissance du nombre total d’heures travaillées. Comme le nombre d’heures travaillées devrait s’accroître à long terme au même rythme que la population, la croissance du PIB réel par habitant sera principalement déterminée par la productivité du travail.
Pour illustrer les répercussions qu’a le ralentissement de la croissance du nombre d’heures travaillées sur le PIB réel par habitant, nous comparons notre projection de référence avec un scénario contrefactuel selon lequel le nombre total d’heures travaillées par habitant augmente au taux moyen historique observé de 1982 à 2019, soit 0,1 % annuellement au lieu de -0,1 % projeté de 2025 à 2048 selon la référence (figure 3-4). Selon nos projections, le PIB réel par habitant devrait s’élever à 4 774 $ en 2048, soit 6,7 % de plus que la valeur obtenue sous le scénario précédent.
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La période de prévision va de 2024 à 2048. Selon le scénario contrefactuel, qui débute en 2025, la croissance du nombre total d’heures travaillées par habitant correspond à la moyenne historique de 1982 à 2019. La progression de la productivité du travail est la même selon les deux projections.
Étant donné que la période de prévision est plutôt longue et bien que les écarts entre les taux de croissance soient relativement faibles, les projections concernant le PIB réel par habitant varient considérablement d’une province et d’un territoire à l’autre. À long terme, c’est en Alberta, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Saskatchewan et dans les territoires que les niveaux de vie devraient être les plus élevés au pays. En revanche, c’est au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard qu’ils devraient être les plus bas (figure 3-5).
Le PIB réel par habitant contribue largement à la capacité fiscale des provinces (cette capacité étant étroitement liée au revenu par habitant) et c’est cette capacité qui détermine leur droit à des paiements de péréquation de la part du gouvernement fédéral. Les provinces dont la capacité fiscale est inférieure à la norme nationale établie ont droit à des paiements de péréquation.
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Nos hypothèses à long terme en matière d’inflation demeurent les mêmes par rapport à celles de notre évaluation de 2023. Au-delà du moyen terme, nous supposons que l’inflation s’établira à 2,0 %. Nous présumons que le taux d’intérêt nominal des bons du Trésor à trois mois sera de 2,70 % à long terme. Nous retenons l’hypothèse que les taux des obligations de référence à 10 ans du gouvernement du Canada et des obligations à long terme (période maximale de 30 ans) atteindront respectivement 3,50 % et 3,75 %, soit 25 points de pourcentage de plus par rapport à notre évaluation de 2023 dans les deux cas[^16].
Le taux d’intérêt fédéral effectif devrait s’établir à 3,3 %. Les écarts entre les taux d’intérêt provinciaux et territoriaux effectifs (c’est-à-dire la différence par rapport au taux fédéral effectif) n’ont pas changé depuis notre dernière évaluation[^17]. À long terme, les écarts entre les taux d’intérêt effectifs varient de 82 points de base en Colombie-Britannique à 108 points de base à Terre-Neuve-et-Labrador.
Dans certains cas (au niveau fédéral de même qu’en Saskatchewan et en Alberta), le taux d’intérêt effectif est inférieur au taux de croissance du PIB nominal, en moyenne, à long terme[^18].
Gouvernement fédéral
La politique budgétaire fédérale actuelle est viable à long terme. Notre évaluation tient compte des mesures contenues dans le budget de 2024. Dans le cadre des politiques de référence, selon nos projections, les dépenses fédérales de programmes diminueront à long terme et ce — proportionnellement à la taille de l’économie avant la pandémie — au chapitre des prestations aux aînés, des prestations pour enfants et des transferts aux autres gouvernements (figure 4-1).
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La période de projection s’étend de 2024 à 2098. L’assurance-emploi englobe les prestations canadiennes d’urgence et les prestations canadiennes de relance économique. Les principaux transferts aux autres gouvernements comprennent la péréquation, le Transfert canadien en matière de santé, le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, la formule de financement des territoires et d’autres transferts.
En 2023, les dépenses fédérales consacrées aux prestations aux aînés correspondaient à 2,6 % du PIB. Nous prévoyons que lorsque les derniers baby-boomers atteindront l’âge de 65 ans, ces dépenses continueront d’augmenter pour culminer à 2,9 % du PIB en 2032. Toutefois, comme les paiements de prestations sont uniquement indexés à l’inflation, les dépenses au titre des prestations pour aînés devraient diminuer à mesure que cette génération vieillira et s’éteindra.
Les prestations pour enfants ont atteint un sommet équivalent à 1,2 % du PIB en 2020, surtout en raison des prestations supplémentaires allouées durant la pandémie. Néanmoins, comme la proportion de personnes âgées de moins de 18 ans sera moindre au sein de la population totale au cours des décennies à venir et que les paiements de prestations seront uniquement indexés à l’inflation, les prestations pour enfants diminueront par rapport à la taille de l’économie. À la fin de la période de prévision, les prestations pour enfants devraient s’établir à 0,4 % du PIB.
Les principaux transferts fédéraux accordés aux autres niveaux de gouvernement devraient également diminuer légèrement entre 2023 et 2098, passant de 5,0 à 4,7 % du PIB. Conformément à la loi, le Transfert canadien en matière de santé (TCS) et la péréquation sont liés à la croissance du PIB nominal. Cependant, dans le cas du Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS), la loi prévoit une augmentation de 3 % par année, soit 0,8 point de pourcentage de moins en moyenne que la croissance projetée du PIB nominal.
En raison des baisses prévues des transferts aux particuliers et aux gouvernements infranationaux, les recettes devraient dépasser les dépenses de programmes au cours d’une grande partie de la période de prévision, une tendance qui devrait se traduire par des excédents primaires considérables d’ici la fin de notre période de prévision à long terme (figure 4-2).
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Statistique Canada.
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La période de projection s’étend de 2024 à 2098.
Par ailleurs, nous nous attendons à ce que le taux d’intérêt fédéral effectif demeure inférieur au taux de croissance du PIB nominal, ce qui contribuera également à la viabilité de la politique budgétaire fédérale. Selon nos projections, la dette nette du gouvernement fédéral (29,1 % du PIB en 2023) serait éliminée en 2058 si les politiques ne changent pas.
Évaluation de la viabilité financière
La politique budgétaire fédérale actuelle est viable à long terme. Ainsi, nous estimons que pour stabiliser la dette nette à 29,1 % du PIB à long terme, le gouvernement fédéral pourrait, tout en maintenant la viabilité financière, augmenter les dépenses ou réduire les impôts de manière permanente dans une proportion correspondant à 1,5 % du PIB (46 milliards de dollars en dollars courants, somme qui progresserait ensuite au rythme du PIB).
Notre évaluation tient compte de toutes les mesures prévues dans le budget de 2024. Ces mesures comprennent notamment le financement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées, le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres et le soutien à la fabrication de batteries, qui augmentent les dépenses des programmes fédéraux, même en tenant compte des économies constatées lors d’examens des dépenses[^19]. Les mesures visant à augmenter les recettes, dont la modification du taux d’inclusion des gains en capital, augmentent de façon permanente les recettes fédérales.
Notre estimation de la marge de manœuvre financière fédérale de 1,5 % du PIB est plus faible que celle indiquée dans notre évaluation précédente (1,7 % du PIB). Cette révision reflète une augmentation des dépenses de programmes qui compense largement l’augmentation des recettes, combinée à une révision à la hausse du taux d’intérêt effectif, d’où une réduction de la marge de manœuvre financière.
Notre évaluation qualitative selon laquelle la politique budgétaire fédérale actuelle est viable à long terme reste inchangée pour l’ensemble des hypothèses démographiques, économiques ou budgétaires envisagées (voir les tableaux A-1 à A-3 à l’annexe A).
Administrations infranationales
La politique budgétaire actuelle est viable à long terme pour l’ensemble du secteur des administrations infranationales, qui comprend les gouvernements provinciaux - territoriaux, locaux et autochtones. Notre évaluation tient compte des budgets des gouvernements provinciaux et territoriaux du printemps 2024.
À long terme, par rapport à la taille de leurs économies, les administrations infranationales feront face à une augmentation des dépenses de santé en raison du vieillissement de la population. En outre, elles connaîtront toutes un différentiel de taux d’intérêt effectif et de croissance du PIB moins favorable que celui du gouvernement fédéral. Certaines administrations infranationales subiront également des pressions budgétaires importantes en raison de la réduction des transferts fédéraux (par rapport à la taille de leur économie).
Cela dit, pour l’ensemble du secteur infranational, les revenus autonomes, combinés aux transferts fédéraux, sont suffisants pour maintenir le ratio de la dette nette par rapport au PIB des administrations infranationales en dessous de son niveau de 2023 sur un horizon de 75 ans (figure 5-1).
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La période de projection s’étend de 2024 à 2098.
La majeure partie des recettes des administrations infranationales est constituée de revenus autonomes, principalement l’impôt sur le revenu, les taxes à la consommation et l’impôt foncier. Nous présumons que ces recettes augmenteront au même rythme que le PIB nominal des provinces à long terme. Ainsi, dans le cadre de nos projections, les recettes totales, exprimées en part du PIB provincial, varient en raison de changements liés aux transferts fédéraux, comme la péréquation, le TCS et le TCPS (figure 5-2)[^20].
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Les paiements de péréquation expliquent en partie les tendances à long terme dans les projections de revenus provenant des transferts fédéraux puisque ceux-ci sont déterminés en fonction de la capacité fiscale de chaque province par rapport à la moyenne canadienne. Les droits à péréquation des provinces où le revenu par habitant est inférieur à la moyenne, comme le Québec et la Colombie-Britannique, tendent à augmenter au fil du temps (par rapport au PIB de ces provinces). Inversement, les provinces où la croissance du revenu par habitant est relativement plus forte verront diminuer les paiements de péréquation par rapport à leur PIB; c’est le cas de l’Île-du-Prince-Édouard et du Manitoba (figure 5-3).
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La période de projection s’étend de 2024 à 2098.
Selon la loi actuelle, l’enveloppe de péréquation augmente au même rythme que le PIB nominal du Canada. En conséquence, les paiements de transfert aux administrations infranationales peuvent être supérieurs ou inférieurs aux montants nécessaires pour amener toutes les provinces à la norme nationale.
Nos projections des disparités financières interprovinciales indiquent que le facteur de majoration annuelle rattaché à la hausse du PIB nominal n’a pas une incidence considérable sur le programme de péréquation. Selon nos projections, la somme des paiements de péréquation n’est que légèrement inférieure au montant requis pour ramener toutes les provinces à la norme nationale sur notre horizon de 75 ans (0,1 % du PIB par an, en moyenne)[^21].
Comme c’est le cas pour les paiements de péréquation, les paiements au titre du TCS et du TCPS n’augmentent pas uniformément d’une province à l’autre par rapport à leur PIB nominal.
Compte tenu de la structure du TCS, les paiements au titre du TCS augmenteront (par rapport à la taille de l’économie) dans les provinces où la croissance du PIB nominal par habitant est plus faible que la moyenne nationale. À l’inverse, les paiements au titre du TCS diminueront par rapport au PIB dans plusieurs autres provinces où la croissance du PIB nominal par habitant devrait être supérieure à la moyenne nationale (figure 5-4)[^22].
Le taux de croissance annuelle établi par la loi concernant les paiements au titre du TCPS (3 %) est inférieur, en moyenne, au taux de croissance du PIB nominal du Canada à long terme. Par conséquent, les provinces et les territoires recevront tous des paiements au titre de ce transfert moins élevé par rapport au PIB à long terme.
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Statistique Canada.
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A. I. fait référence aux administrations infranationales.
Les dépenses de programmes des administrations infranationales se divisent en quatre grandes catégories : les soins de santé, l’éducation, les prestations sociales et les autres dépenses (figure 5-5)[^23]. Les soins de santé représentent une part importante des dépenses de programmes des administrations provinciales et territoriales, qui devront toutes faire face à une hausse des dépenses à ce chapitre en raison du vieillissement de la population. Toutefois, selon nos projections, ces pressions ne se feront pas sentir partout de la même manière, puisque les coûts dépendent de la composition démographique de la population et des politiques en vigueur dans une province donnée[^24].
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Les dépenses en santé des administrations infranationales varient considérablement d’une province et d’un territoire à l’autre. En 2023, la part de ces dépenses allait de 5,7 % du PIB en Alberta, à 13,8 % du PIB dans les territoires (figure 5-6).
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Nous prévoyons qu’à long terme, c’est l’Île-du-Prince-Édouard qui connaîtra la plus forte hausse (en points de pourcentage) des dépenses en santé, soit 6,2 points de pourcentage du PIB. Ce résultat est attribuable à deux facteurs. Premièrement, en vertu des politiques actuelles, l’Île-du-Prince-Édouard consacre des dépenses plus élevées par habitant aux soins de santé aux personnes âgées, par rapport aux autres groupes d’âge, que toute autre province. Deuxièmement, cette province devrait connaître un vieillissement de la population plus marqué que la plupart des autres provinces (mesuré en tant qu’augmentation en points de pourcentage du rapport de dépendance des personnes âgées).
D’autre part, étant donné que les dépenses en santé devraient augmenter plus vite que le PIB nominal et que l’enveloppe fédérale du TCS n’augmentera qu’en proportion du PIB nominal (ou de 3 % par année), nous estimons que le ratio du TCS fédéral aux dépenses infranationales en santé baissera de 19,6 % en 2023 à 16,3 % d’ici 2098.
Les soldes primaires (par rapport au PIB) dans presque toutes les provinces et territoires devraient se détériorer — quoiqu’à différents degrés — à long terme, car le vieillissement de la population exerce une pression à la hausse sur les dépenses en soins de santé. Dans le cas du Québec, le ratio du solde primaire au PIB devrait augmenter, passant de 1,5 % en 2023 à 2,3 % en 2098 (figure 5-7). Cette amélioration s’explique principalement par une augmentation des paiements au titre de la péréquation et du TCS (par rapport à la taille de l’économie de la province) qui compense considérablement l’augmentation des dépenses en soins de santé.
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A. I. fait référence aux administrations infranationales.
Dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard et du Manitoba, les pressions sur les dépenses sont exacerbées par la réduction des paiements de péréquation par rapport à la taille de son économie. En effet, les projections indiquent que la croissance de son PIB nominal par habitant sera plus élevée que celle des autres provinces bénéficiaires. Par conséquent, selon les politiques actuelles, nous prévoyons que ces provinces connaîtront la détérioration la plus forte de son ratio du solde primaire au PIB.
À long terme, les déficits primaires, conjugués à la hausse des frais de la dette publique, se traduisent par une accumulation excessive de la dette dans certaines provinces et dans les territoires. La dette nette dans trois provinces et dans les territoires devrait dépasser 100 % du PIB d’ici 2098. Cependant, le ratio de la dette nette dans les sept autres provinces et l’ensemble du secteur des administrations infranationales restera en deçà de 100 %. Trois d’entre elles (la Nouvelle-Écosse, le Québec et la Saskatchewan) afficheront une position d’actifs nets après 75 ans, selon les politiques budgétaires actuelles (tableau 5-1).
Évaluation de la viabilité financière
Pour ce qui est des administrations infranationales dans leur ensemble, les politiques budgétaires actuelles sont viables à long terme (figure 5-8). Nous estimons que l’écart financier pour le secteur des administrations infranationales est de 0,0 % du PIB. Pour l’ensemble du secteur infranational, les recettes autonomes combinées aux transferts fédéraux sont suffisantes pour maintenir le ratio de la dette nette par rapport au PIB des administrations infranationales en dessous de son niveau de 2023 pour l’horizon de 75 ans.
Nous estimons que la politique budgétaire actuelle des cinq provinces suivantes est viable à long terme : le Québec, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse, l’Ontario et l’Alberta. Sauf pour l’Alberta, nous considérons que ces provinces disposent d’une marge de manœuvre financière leur permettant d’augmenter les dépenses ou de réduire les taxes et les impôts. Cette marge va de 1,4 % du PIB provincial pour le Québec à 0,3 % du PIB provincial pour l’Ontario.
Quant aux autres provinces et les territoires, les politiques budgétaires actuelles ne sont pas viables à long terme. D’après nos estimations, les mesures requises pour assurer la viabilité financière varient de 0,5 % du PIB provincial à Terre‑Neuve‑et‑Labrador à 5.9 % du PIB territorial pour les territoires.
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A. I. fait référence aux administrations infranationales.
Selon nos estimations, la part de la marge de manœuvre budgétaire des gouvernements infranationaux représentée par les provinces du Québec et de l’Ontario réunies est de l’ordre de 0,32 point de pourcentage, tandis que la part de l’écart financier infranational représentée par les provinces de la Colombie-Britannique, du Manitoba et des territoires réunies est de l’ordre de 0,31 point de pourcentage (figure 5-9).
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A. I. fait référence aux administrations infranationales.
Comparativement à notre évaluation précédente, l’écart financier infranational est en réalité inchangé. Les améliorations des écarts financiers de l’Ontario et du Manitoba compensent la détérioration en Colombie-Britannique, au Québec, en Saskatchewan et dans d’autres provinces.
Pour évaluer le degré de sensibilité des écarts financiers de référence, nous recourons à des variantes de scénarios démographiques, économiques et budgétaires. Nos évaluations qualitatives de la viabilité financière de la plupart des administrations demeurent essentiellement les mêmes, quel que soit le scénario envisagé, soit démographique, économique ou budgétaire (voir les tableaux A-1 à A-3 à l’annexe A). Notre évaluation de la viabilité est toutefois inversée principalement sous certains scénarios où les écarts financiers estimatifs sont presque nuls.
Régimes de retraite généraux
Le Régime de pensions du Canada (RPC) et le Régime de rentes du Québec (RRQ) sont des régimes publics à prestations déterminées qui offrent aux travailleurs canadiens des prestations de retraite, d’invalidité et de survivant, indexées à l’inflation. L’employé et l’employeur y cotisent à parts égales. Ces régimes sont constitués d’un régime de base et d’un régime supplémentaire.
Les excédents des flux de trésorerie de ces régimes sont investis et ils continueront de l’être sur les marchés financiers afin d’amasser des actifs qui produiront des revenus de placement. Ces revenus serviront à combler les manques de fonds dus à l’augmentation du nombre de prestataires par rapport au nombre de cotisants en raison du vieillissement de la population.
Nos projections concernant le RPC et le RRQ s’appuient sur le 31e Rapport actuariel du Régime de pensions du Canada au 31 décembre 2021 (publié en décembre 2022) et l’Évaluation actuarielle du Régime de rentes du Québec, également au 31 décembre 2021 (publié en décembre 2022 et mis à jour en octobre 2023 pour tenir compte des changements annoncés dans le budget du Québec de 2023).
Les écarts financiers concernant le RPC et le RRQ représentent la modification immédiate et permanente des cotisations et/ou des prestations qui ramènerait les ratios de l’actif net au PIB à leur niveau initial après 75 ans.
Flux nets de trésorerie et situation financière
Les cotisations au RPC et au RRQ devraient progresser parallèlement aux gains et aux taux de cotisation. Les cotisations au RPC (pour les régimes de base et supplémentaire combinés) devraient passer de 2,7 % du PIB en 2023 à 3,3 % du PIB (du Canada) d’ici la fin de notre horizon de projection. Les cotisations au RRQ devraient également progresser, passant de 4,4 % du PIB en 2023 à 4,9 % du PIB du Québec en 2098.
Les dépenses du RPC et du RRQ devraient augmenter en fonction de la population à la retraite et de l’inflation; elles augmenteront de manière constante étant donné l’incidence du vieillissement de la population sur les prestations de retraite[^25]. Les paiements de prestations au titre du RPC (pour les régimes de base et supplémentaire combinés) devraient passer de 2,3 % du PIB en 2023 à 5,2 % en 2098. Au cours de la même période, les prestations du RRQ devraient augmenter également de 3,2 % du PIB à 7,6 %.
Nous sommes partis de l’hypothèse selon laquelle les frais d’administration du RPC et du RRQ, y compris les dépenses d’investissement, équivalent à 1,0 % de l’actif financier de chacun des régimes au cours de la période de projection. Pour le régime de base (supplémentaire) du RPC et du RRQ, nous avons supposé que le taux nominal ultime de rendement de l’actif, avant les dépenses d’investissement, sera de 6,72 (6,02) %[^26]. Ces taux de rendement sont de 25 points de base supérieurs à notre évaluation précédente et reflètent la révision à la hausse de notre taux d’intérêt neutre présumé.
Nous combinons les prestations et les cotisations supplémentaires du RPC et du RRQ aux régimes de base afin d’établir nos projections concernant leurs situations financières respectives à long terme. Le flux net de trésorerie (différence entre les cotisations et les dépenses) du RPC devrait diminuer par rapport à un excédent de 0,5 % du PIB en 2023 à un déficit de 1,9 % d’ici la fin de l’horizon de projection (figure 6-1). Le flux net de trésorerie du RRQ devrait diminuer, passant d’un excédent de 1,2 % du PIB en 2023 à un déficit de 2,8 % en 2098.
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Le flux net de trésorerie est exprimé par rapport au PIB, soit le PIB du Canada pour le RPC et le PIB du Québec pour le RRQ.
Même si les cotisations au RPC et au RRQ devraient être inférieures aux dépenses des régimes à long terme, le taux de rendement de l’actif des régimes permet d’obtenir des revenus de placement additionnels pour aider à couvrir les déficits annuels provenant des flux de trésorerie.
La situation de l’actif net du RPC, tel que celui-ci est structuré à l’heure actuelle, devrait passer de 20,5 % du PIB en 2023 à un sommet de 62,3 % du PIB en 2076, avant de redescendre à 57,1 % du PIB d’ici la fin de l’horizon de projection (figure 6-2). Quant au RRQ, tel qu’il est structuré à l’heure actuelle, la situation de l’actif net devrait augmenter, passant de 22,1 % du PIB en 2023 à 105,2 % du PIB en 2098.
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L’actif net est exprimé par rapport au PIB, soit le PIB du Canada pour le RPC et le PIB du Québec pour le RRQ.
L’actif net du RRQ devrait être supérieur à celui du RPC (en pourcentage du PIB), même si les hypothèses relatives au rendement de l’actif sont les mêmes pour les deux régimes et que son déficit de trésorerie net (par rapport au PIB) est supérieur à celui du RPC à long terme. Cette dynamique s’explique par le taux de rendement relatif plus élevé du RRQ à long terme[^27].
Évaluation de la viabilité financière
La structure actuelle tant du RPC que du RRQ est viable à long terme. Selon nos estimations, les écarts financiers du RPC et du RRQ sont respectivement de -0,2 % du PIB du Canada et de -0,3 % du PIB du Québec[^28].
Considérant la structure actuelle du RPC, il serait possible de réduire les cotisations ou d’augmenter les prestations de 0,2 % du PIB tout en garantissant que la position nette de l’actif par rapport au PIB est égale à sa valeur initiale après 75 ans. Dans le cas du RRQ, il serait possible de réduire les cotisations ou d’augmenter les prestations de 0,3 % du PIB tout en maintenant une viabilité financière.
Notre évaluation qualitative selon laquelle le RPC et le RRQ sont viables à long terme demeure inchangée, quels que soient les scénarios démographiques et économiques envisagés (voir les tableaux A-1 et A-2 de l’annexe A).
Comparativement à notre évaluation précédente, notre estimation de l’écart financier s’est améliorée de 0,1 point de pourcentage du PIB pour le RPC et de 0,2 point de pourcentage du PIB pour le RRQ. Pour le RPC, cette amélioration reflète un taux de rendement présumé plus élevé à long terme qui compense largement les révisions à la baisse des flux de trésorerie nets prévus (par rapport au PIB). Pour le RRQ, la détérioration de l’écart financier, en dépit d’un taux de rendement plus élevé, reflète les révisions à la hausse des prestations versées[^29].
Estimations des taux de cotisation de régime permanent
Conformément à notre rapport de mars 2021 sur la viabilité du RPC, nous calculons les taux de cotisation de régime permanent en fonction de la stabilisation du ratio de l’actif aux dépenses à la fin de notre horizon de projection de 75 ans[^30]. Pour calculer le taux de cotisation de régime permanent des régimes de base, la valeur finale (2098) retenue est le ratio de l’actif aux dépenses en 2023. Pour les régimes supplémentaires, la valeur finale est établie à 24,5, soit le ratio cible qu’utilise le 31e Rapport actuariel[^31].
En ce qui concerne le régime de base du RPC, nous estimons que le taux de cotisation de régime permanent est de 9,61 % (des gains cotisables de base), ce qui est moins élevé que le taux législatif de 9,90 % et indique que le régime de base est viable à l’intérieur de ce cadre (tableau 6-1). Toutefois, pour le régime supplémentaire du RPC, les taux de cotisation de régime permanent sont un peu plus élevés que les taux législatifs, ce qui donne à penser que le régime supplémentaire du RPC n’est pas viable à long terme dans ce cadre. Ce constat contraste avec notre évaluation fondée sur l’estimation de l’écart financier et il témoigne du seuil supérieur pour atteindre la viabilité que nécessite la stabilisation du ratio de l’actif par rapport aux dépenses à long terme[^32].
Pour ce qui est du RRQ de base, nous évaluons à 10,19 % (des gains cotisables de base) le taux de cotisation de régime permanent. Comme ce taux est inférieur au taux législatif (10,80 %), le régime de base est viable dans ce cadre. En revanche, pour le RRQ supplémentaire, les taux de cotisation de régime permanent sont plus élevés que les taux législatifs. Cela porte à croire que les régimes supplémentaires ne seraient pas viables à long terme dans ce cadre.
Comme dans notre rapport de mars 2021 d’évaluation de la viabilité du RPC, afin d’examiner la sensibilité de nos estimations aux hypothèses de taux de rendement, nous calculons les taux de cotisation de régime permanent en fonction des hypothèses de taux de rendement du 31e Rapport actuariel du RPC. Ces hypothèses de taux de rendement (supérieures) améliorent considérablement nos estimations des taux de cotisation de régime permanent des régimes de base et supplémentaires du RPC et du RRQ comparativement aux estimations présentées dans le tableau 6-1[^33].
Secteur gouvernemental global
En ce qui concerne le secteur des administrations publiques considérées comme un tout, c’est-à-dire le gouvernement fédéral, les administrations infranationales et les régimes de retraite généraux pris ensemble, la politique budgétaire actuelle au Canada est viable à long terme.
Selon la politique de référence et par rapport à la taille de l’économie canadienne, la dette publique générale nette devrait diminuer progressivement à long terme en raison de la marge de manœuvre financière au niveau fédéral et de l’amélioration de la situation de l’actif net des régimes de retraite généraux (figure 7.1). En même temps, la position de dette nette du secteur des administrations infranationales revient effectivement à son niveau actuel.
Nous prévoyons que la dette nette totale des administrations publiques diminuera, passant de 21,3 % du PIB en 2023 à une position d’actifs nets en 2034. Comme l’excédent du solde primaire total est maintenu à long terme, le ratio d’actifs nets total devrait atteindre 125 % du PIB en 2098.
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La période de prévision va de 2024 à 2098.
Analyse de sensibilité
Pour évaluer le degré de sensibilité des écarts financiers de référence, nous recourons à des variantes des scénarios démographiques, économiques et budgétaires. Les écarts financiers propres à chaque administration que produisent nos projections de référence et nos variantes de scénarios sont exprimés en pourcentage du PIB dans les tableaux A-1 à A-3 ci-dessous.
Les variantes de scénarios sont décrites plus en détail ci-dessous.
Variantes – projections démographiques
Nous projetons quel serait l’écart financier selon trois scénarios démographiques différents : 1) la croissance démographique est plus élevée, la fertilité est accrue, l’espérance de vie est prolongée et les taux d’immigration sont plus élevés; 2) la croissance démographique est plus faible, la fertilité et l’espérance de vie sont moindres et les taux d’immigration sont réduits; 3) la migration interprovinciale se poursuit selon les tendances observées récemment.
Variantes – projections économiques
Pour évaluer la sensibilité des hypothèses économiques, nous établissons des variantes des projections concernant la croissance du PIB réel (± 0,5 point de pourcentage) et des taux d’intérêt (± 50 points de base), à partir de 2029. Les variantes des projections de croissance du PIB réel reposent sur différentes hypothèses relatives à la croissance de la productivité du travail.
Variantes envisagées – politique budgétaire
En termes d'hypothèses alternatives sur le plan de la politique budgétaire, nous envisageons des variantes quant aux dépenses en santé et à la valeur ultime des ratios de la dette publique.
Nos projections infranationales de référence supposent que la croissance des dépenses en santé est déterminée par la croissance des revenus (PIB nominal) et l’évolution de la structure par âge de la population. Dans nos variantes de scénarios, nous projetons ce que seraient les coûts liés à la santé si leur croissance excédentaire (croissance excédentaire par rapport au PIB nominal et attribuable au vieillissement de la population) était de ± 0,25 point de pourcentage, à compter de 2029.
Nous estimons l’écart financier de référence en partant de l’hypothèse selon laquelle le ratio de la dette nette au PIB convergera vers son niveau actuel dans 75 ans. Enfin, nous projetons deux scénarios alternatifs pour le gouvernement fédéral et les administrations infranationales en supposant que le ratio de la dette nette au PIB est de 0% ou de 100 % du PIB.
Communications
Citation
-
Bien que nous ayons connu une croissance démographique record en 2023, nous devons garder à l’esprit que de nombreux Canadiens prendront leur retraite après leurs meilleures années de travail, ce qui se traduira par un ralentissement de la croissance de la main-d’œuvre et du PIB. Le vieillissement de la population exercera une pression financière accrue sur les programmes gouvernementaux tels que les soins de santé, la sécurité de la vieillesse et les prestations de retraite publiques.
Directeur parlementaire du budget