Norme sur la disponibilité des véhicules électriques : coûts de possession et l’offre de bornes de recharge
En vertu de la norme sur la disponibilité des véhicules électriques, les constructeurs seront tenus de veiller à ce que les offres de parcs de véhicules légers correspondent à une part de marché des véhicules zéro émission (VZE) de 20 % en 2026, de 60 % en 2030 et de 100 % en 2035. Ce rapport analyse la manière dont les coûts de propriété relatifs des véhicules VZE et des véhicules à moteur à combustion interne (ICE), ainsi que l’offre d’infrastructures de recharge, pourraient devoir être ajustés pour atteindre les objectifs de vente de VZE prévus par la norme d'ici à 2030.
Résumé
En décembre 2023, Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) a annoncé les détails de la norme sur la disponibilité des véhicules électriques. Les constructeurs seront tenus de veiller à ce que les offres de parcs de véhicules légers correspondent à une part de marché de VZE de 20 % en 2026, de 60 % en 2030 et de 100 % en 2035. Ces objectifs de vente représentent une augmentation considérable par rapport à la projection de référence de la part de marché des VZE sans la norme (figure 1 du résumé).
Bureau du directeur parlementaire du budget, Environnement et Changement climatique Canada et Transports Canada.
Bureau du directeur parlementaire du budget, Environnement et Changement climatique Canada et Transports Canada.
Le scénario de référence du Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) est tiré du [Règlement](https://gazette.gc.ca/rp-pr/p2/2023/2023-12-20/html/sor-dors275-fra.html) de décembre 2023.
Ce rapport fournit aux parlementaires une analyse de la manière dont les coûts de propriété relatifs des véhicules VZE et des véhicules à moteur à combustion interne (ICE), ainsi que l’offre d’infrastructures de recharge, pourraient devoir être ajustés pour atteindre les objectifs de vente de VZE prévus par la norme d'ici à 2030. Les conditions du marché pourraient évoluer de plusieurs façons pour atteindre la part de marché de 60 % des VZE d’ici 2030, comme l’exige la norme. Ces changements pourraient se refléter dans les préférences des consommateurs, les avancées technologiques inattendues, de nouvelles mesures stratégiques et les révisions de prix par les constructeurs automobiles.
En présumant que les préférences, la technologie et les politiques restent les mêmes que ce qui est prévu dans un scénario de référence sans la norme, nous estimons que le coût relatif de possession d’un véhicule électrique à batterie (VEB) devrait diminuer de 31 % pour atteindre l’objectif de vente de VZE de 60 % en 2030 (figure 2 du résumé). Autrement dit, le coût de possession d’un VZE par rapport à celui d’un véhicule à moteur à combustion interne en 2030 en vertu de la norme serait inférieur de 31 % à celui du scénario de référence sans la norme en 2030.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Pour chaque année, les répercussions estimées montrent la différence en pourcentage entre le coût relatif de possession des VEB par rapport aux véhicules à moteur à combustion interne en vertu de la norme et le coût relatif de propriété des VEB par rapport aux véhicules à moteur à combustion interne dans le scénario de référence sans la norme. Ces estimations supposent que les préférences, la technologie et les politiques resteront les mêmes que celles d’un scénario de référence sans la norme. Les rajustements des coûts relatifs et l’augmentation du nombre de bornes de recharge permettent à eux seuls d’atteindre les objectifs de vente des VZE en vertu de la norme.
De plus, nous estimons que le fait d’atteindre les objectifs de vente de VZE en vertu de la norme ferait augmenter l’offre de bornes de niveau 2 et de niveau 3 (rapide) de 33 900 et à 4 700 unités, respectivement, au-dessus du scénario de référence en 2030 (figure 3 du résumé). Nous estimons que, d’ici 2030, l’offre de bornes de recharge publiques sera quelque peu inférieure à ce qui est requis selon une analyse des besoins (Dunsky, 2024) commandée par Ressources naturelles Canada.
Bureau du directeur parlementaire du budget, Dunsky (2024).
Bureau du directeur parlementaire du budget, Dunsky (2024).
Les projections ne tiennent pas compte des bornes de recharge sur les lieux de travail ou les résidences privées. Les chiffres de Dunsky (2024) présentés font référence au nombre de bornes de recharge publiques communautaires requises d’ici 2030.
Introduction
Norme sur la disponibilité des véhicules électriques
Dans son Plan de réduction des émissions de 2022, le gouvernement fédéral s’est engagé à mettre en place un mandat de vente progressive de VZE pour que les VZE représentent la totalité des nouveaux véhicules légers mis en vente d’ici 2035. En décembre 2023, Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) a annoncé les détails de la norme sur la disponibilité des véhicules électriques[^1][^2]. Le tableau 1‑1 présente les objectifs de vente de VZE par année de modèle.
Les crédits de conformité constituent un important incitatif financier et un mécanisme de flexibilité en vertu de la norme. Les entreprises peuvent obtenir des crédits pour les VZE excédentaires mis en vente, qu’elles peuvent utiliser pour compenser les déficits de conformité futurs ou qu’elles peuvent vendre à d’autres entreprises en situation déficitaire. Des crédits peuvent également être créés en versant une contribution financière maximale de 20 000 $ pour l’infrastructure de recharge[^3]. En guise de mesure de transition, les véhicules hybrides rechargeables (VHR) ayant une autonomie électrique inférieure à 80 kilomètres recevront des crédits partiels jusqu’à l’année de modèle 2028.
Les objectifs de vente de VZE constituent un changement important dans le marché des véhicules légers neufs et pourraient avoir une incidence importante sur les politiques fédérales liées aux VZE et aux bornes de recharge, ainsi que sur d’autres recettes fiscales fédérales. Compte tenu de ces changements importants, les parlementaires ont demandé au DPB d’analyser les répercussions de la norme sur l’accessibilité des véhicules électriques.
Pour pouvoir analyser et chiffrer les programmes liés à la vente de VZE et de bornes de recharge, le DPB a élaboré un modèle de demande et d’offre de bornes de recharge pour VZE au Canada. Le modèle du DPB est étalonné en fonction du REIR d’ECCC et peut être utilisé pour analyser les répercussions des prix des véhicules, des coûts d’exploitation, de la taille du réseau de recharge au Canada, ainsi que des subventions pour l’achat de VZE ou l’installation de bornes de recharge. Le principal objectif du modèle est d’estimer l’incidence sur le marché et le coût financier des politiques, dont le mandat de vente de VZE, et non de prévoir l’utilisation de VZE.
Le REIR d’ECCC fournit une analyse coûts-avantages de la norme. Il porte sur trois grandes catégories de répercussions monétaires : les coûts des véhicules et des bornes de recharge résidentielle, les économies d’énergie et les dommages climatiques évités grâce à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). L’analyse conclut que la norme sur la disponibilité des véhicules électriques aura des retombées nettes totales de 78,6 milliards de dollars de 2024 à 2050. Ces avantages s’accumulent par rapport à un scénario de référence hypothétique sans la norme, et la part des VZE évolue en fonction des politiques et des tendances actuelles (figure 1-1). Le REIR n’a pas tenté d’évaluer l’incidence de la norme sur le coût de possession des véhicules légers.
Bureau du directeur parlementaire du budget, Environnement et Changement climatique Canada et Transports Canada.
Bureau du directeur parlementaire du budget, Environnement et Changement climatique Canada et Transports Canada.
Les infrastructures de recharge se distinguent en fonction de leur puissance et de leur vitesse de recharge : les bornes de recharge résidentielles de niveau 1, les bornes de recharge de niveau 2 pour les lieux où les temps de recharge sont plus longs (p. ex. les lieux de travail) et les bornes de recharge de niveau 3, bornes de recharge rapide à courant continu (BRCC) pour les autoroutes et les corridors routiers. Les objectifs du gouvernement du Canada en matière d’infrastructures de recharge et de ravitaillement en carburant sont actuellement de déployer 84 500 bornes de recharge et 45 stations d’hydrogène d’ici 2029[^4]. Les principales sources de financement public pour financer les infrastructures de recharge des VZE sont les suivantes :
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630 millions de dollars provenant du Programme d’infrastructure pour les véhicules à émission zéro qui soutient les projets visant l’installation de bornes de recharge dans des lieux publics, sur la rue, dans des immeubles résidentiels à logements multiples, sur des lieux de travail et pour les parcs de véhicules. Ressources naturelles Canada assumera jusqu’à 50 % des coûts des projets;
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500 millions de dollars que la Banque de l’infrastructure du Canada investira dans des infrastructures de recharge des VZE et de ravitaillement en carburant à grande échelle qui génèrent des revenus et sont dans l’intérêt public;
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637 millions de dollars en engagements de financement de la part des gouvernements provinciaux qui ciblent les infrastructures de recharge publiques.
Le gouvernement fédéral n’a publié aucune projection quant au nombre de bornes de recharge dans le réseau public canadien. Dunsky (2024) estime que le réseau public de recharge du Canada nécessitera 154 900 bornes communautaires et 79 600 bornes en milieu de travail d’ici 2030 pour répondre à la demande croissante en vertu de la norme.
Le présent rapport vise à fournir aux parlementaires l’analyse suivante de la norme sur la disponibilité des véhicules électriques :
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une estimation de la variation des coûts relatifs de possession des VZE et des véhicules à moteur à combustion interne pour atteindre l’objectif de vente de VZE de 60 % en 2030 selon la norme, si les préférences, la technologie et d’autres facteurs évoluent selon les tendances actuelles (scénario de référence d’ECCC);
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une projection du nombre de bornes de recharge pour véhicules électriques qui seront ajoutées au réseau public d’ici 2030 en vertu de la norme.
Mise en adéquation avec les normes sur les émissions des véhicules des États-Unis
Dans son Plan de réduction des émissions, le gouvernement fédéral s’est engagé à harmoniser la réglementation canadienne sur les véhicules légers avec les normes de rendement les plus strictes en Amérique du Nord pour l’après 2025, que ce soit au niveau fédéral aux États-Unis, ou au niveau des États[^5]. Le 20 mars 2024, l’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis a publié les nouvelles normes d’émissions de GES des véhicules pour les véhicules légers, de 2027 à 2032[^6].
Le Canada n’a pas encore officiellement adopté les nouvelles normes de l’EPA et, par conséquent, elles ne sont pas incluses dans le scénario de référence d’ECCC. Puisque le Canada s’est, par le passé, aligné sur l’EPA en ce qui concerne les normes d’émissions de GES, il s’agit d’un contexte important pour l’analyse du scénario de référence hypothétique.
Structure et données du modèle
Structure du modèle
Faisant suite aux travaux de Cole et coll. (2023) et du Congressional Budget Office (2023)[^7], le DPB a élaboré un modèle dans lequel la demande (la quantité) de VZE et l’offre de bornes de recharge sont déterminées conjointement. Toute politique ayant une incidence sur la demande de VZE aura une incidence sur l’offre de bornes de recharge et vice versa.
Demande de véhicules électriques
La composante de la demande du modèle du DPB utilise un cadre de modèle de choix discret pour deux catégories de véhicules : les voitures et les véhicules utilitaires légers[^8]. Le modèle suppose que, pour chaque catégorie, les consommateurs font un choix entre un VZE et un véhicule à moteur à combustion interne. Ce choix est déterminé par les coûts relatifs de possession des véhicules, le nombre de bornes de recharge de niveau 2 et de niveau 3/BRCC au Canada et l’évolution de la préférence pour les VZE. Le paramètre de préférence vise à saisir les caractéristiques évolutives non modélisées des VZE, comme l’autonomie de la batterie ou la sensibilisation des consommateurs[^9]. Le modèle fournit des parts de vente de VZE par année pour les voitures et les véhicules utilitaires légers. Les parts de marché des VZE sont ensuite utilisées pour obtenir le nombre de VZE requis pour l’offre de bornes de recharge.
Le modèle de choix est étalonné à l’aide d’estimations de paramètres tirées de la littérature pour correspondre aux parts de vente observées de VZE pour les voitures et les véhicules utilitaires légers en 2023. En outre, le paramètre responsable de la sensibilité des parts de vente aux coûts de possession est fixé de telle sorte qu’en 2023, l’élasticité de la demande par rapport au coût de possession était de -2,5 comme dans Cole et coll. (2023). Les paramètres responsables de la sensibilité au stock des bornes de recharge sont la valeur moyenne des paramètres utilisés par le Congressional Budget Office (CBO) (2023). Le paramètre évolutif de préférence est étalonné en projetant le modèle dans le temps, modèle qui intègre notre modèle d’offre de bornes de recharge, et a été choisi de telle sorte qu’en 2035, les parts de vente totales des VZE correspondent au scénario de référence du REIR (51,8 %).
Offre de bornes de recharge
Le modèle du DPB pour l’offre de bornes de recharge suit celui de Cole et coll. (2023). Il est fondé sur un modèle statique d’entrée et de sortie selon lequel les entreprises décident de faire aménager ou non une borne de recharge. Si une entreprise installe une borne de recharge au cours d’une année donnée, elle verra un flux actualisé de ses revenus qui est fonction du stock actuel et futur de VZE, mais elle doit également payer un coût fixe pour l’installation. Dans un équilibre de libre entrée, il importe peu si la borne est installée cette année ou l’année suivante, ce qui implique que le revenu de l’année en cours (qui est lui-même fonction du stock actuel de véhicules électriques) est égal à la différence actualisée des coûts de construction d’une borne de recharge aujourd’hui par rapport à l’année prochaine[^10]. Cette relation entre le parc de VZE et le coût d’installation des bornes de recharge est utilisée pour déterminer le parc total de bornes de recharge au cours d’une année donnée dans le modèle.
Le modèle d’offre de bornes de recharge utilise à la fois des paramètres tirés de la littérature et d’autres paramètres étalonnés pour qu’il corresponde au stock observé de bornes de recharge de niveau 2 et de niveau 3/BRCC en 2023. Le paramètre principal d’élasticité que nous avons choisi pour l’offre de bornes de recharge par rapport au parc de véhicules électriques pour les bornes de recharge de niveau 2 est 0,8[^11]. Pour ce qui est de l’offre de bornes de recharge par rapport au parc de véhicules électriques pour les bornes de recharge de niveau 3/BRCC, le paramètre d’élasticité est le même que celui du CBO (2023), soit 0,65[^12]. Comme dans Cole et coll. (2023), le coût fixe de la construction d'une borne de recharge diminue chaque année à un taux décroissant et est supposé atteindre 50 % du coût de 2023 à long terme. Le coût est supposé diminuer d'environ 3 % la première année et d'environ 2,4 % en 2030.
Pour de plus amples détails sur les caractéristiques du modèle, voir l’annexe B.
Données du modèle
Les données du modèle ont été élaborées à partir de données historiques et de projections concernant le nombre de véhicules et bornes de recharge, les ventes, les prix et les coûts d’exploitation, ainsi que les taxes et subventions qui s’appliquent. Le DPB a combiné les données de Transports Canada, d’ECCC, de l’International Council on Clean Transportation et du CBO (2023) pour produire des données relatives aux quantités et aux prix des véhicules qui sont propres au marché canadien.
Coûts de possession
Le DPB a estimé les coûts de propriété des véhicules à moteur à combustion interne, des VEB et des VHR en utilisant, entre autres, l’approche du CBO (2023)[^13]. Nous avons combiné le prix d’achat d’un véhicule et d’une borne résidentielle, ajusté pour tenir compte des taxes et des subventions, ainsi que la valeur de l’année courante des coûts d’exploitation futurs tels que les prix de l’énergie, l’efficacité du moteur et l’entretien[^14]. Pour plus de détails sur les sources qui sous-tendent ces calculs, voir l’annexe A.
Le DPB estime que les VEB sont moins compétitifs que les véhicules à moteur à combustion interne sur la base du prix d’achat (en l’absence de subventions)[^15], mais qu’ils ont des coûts d’exploitation annuels considérablement plus faibles (tableau 2-1). Il est important de noter que notre analyse complète la littérature existante en fournissant des estimations des coûts de possession qui tiennent compte des politiques propres au Canada, comme les incitatifs gouvernementaux et la redevance fédérale sur les combustibles.
Nous supposons que les incitatifs fédéraux arriveront à échéance à la fin de 2025 et les incitatifs provinciaux, d’ici la fin de 2026[^16]. C’est pourquoi nous constatons une forte augmentation du prix d’achat (net) des VEB et des VHR en 2026. Malgré la fin des incitatifs gouvernementaux, nous prévoyons que les VEB auront des coûts de possession totaux sur huit ans inférieurs à ceux des véhicules à moteur à combustion interne en raison de coûts d’exploitation nettement inférieurs (figure 2-1). En revanche, les VHR ne devraient pas atteindre la parité des coûts avant 2030.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
La parité des coûts (1,00) implique que le coût de possession d’un VEB ou d’un VHR est égal au coût de possession d’un véhicule à moteur à combustion interne équivalent. Les coûts de propriété comprennent le prix d’achat d’un véhicule, les taxes et les incitatifs applicables, l’équipement de recharge à domicile et la valeur actuelle sur huit ans des coûts d’exploitation, actualisée à 3 %.
Infrastructure de recharge
Nous avons obtenu des données historiques du Alternative Fuels Data Center sur le nombre de bornes de recharge publiques pour VZE au Canada, par type, taille et emplacement (figure 2-2). Nous estimons qu’en 2023, il y avait 20 700 bornes de recharge de niveau 2 et 4 640 de niveau 3 dans le réseau public du Canada. Dunsky (2024) prévoit que les coûts totaux d’immobilisations et d’installation seront de 15 000 $ pour les bornes de niveau 2 et de 160 000 $ pour les bornes de niveau 3/BRCC.
Bureau du directeur parlementaire du budget et Alternative Fuels Data Center.
Bureau du directeur parlementaire du budget et Alternative Fuels Data Center.
Résultats
Le présent rapport vise à fournir aux parlementaires une analyse du marché canadien de l’automobile dans le cadre de la norme sur la disponibilité des véhicules électriques. Cette analyse s’articule principalement sur la façon dont les coûts de propriété relatifs des VZE et des véhicules à moteur à combustion interne, ainsi que l'offre d'infrastructures de recharge sur le marché, pourraient s'ajuster pour atteindre une part de marché plus importante pour les VZE dans le cadre de la norme.
Les répercussions sur les coûts de propriété relatifs et les infrastructures de recharge ont été estimées de 2026 à 2030. Notre approche serait trop restreinte au-delà de cette période puisque nos hypothèses de modélisation reposent sur les tendances actuelles du marché et les projections technologiques et ne prévoient que peu de changements comportementaux.
Estimation de l'ajustement des coûts
Les conditions du marché pourraient évoluer de plusieurs façons pour atteindre l’objectif de ventes de 60 % des VZE d’ici 2030, comparativement à la part de marché de 30 % utilisée dans le scénario de référence[^17]. Ces changements pourraient se refléter dans les préférences des consommateurs, les avancées technologiques inattendues, les mesures stratégiques et les révisions de prix par les constructeurs automobiles.
Notre modélisation suppose que les préférences, la technologie[^18] et les politiques resteront les mêmes que celles d’un scénario de référence sans la norme. Notre analyse suppose que les constructeurs automobiles atteignent les objectifs de vente chaque année et qu'ils n'utilisent pas de mécanisme de flexibilité en matière de conformité. Nous estimons également le montant auquel il faudrait revoir les coûts de possession pour atteindre les objectifs de vente de VZE prescrits par la norme. Cependant, notre modélisation est indépendante de la façon dont ces frais seront ajustés. Les constructeurs pourraient augmenter (ou réduire) le prix des véhicules à moteur à combustion interne (ou des VZE) ou les gouvernements pourraient accorder de nouvelles subventions pour les VZE, augmenter les taxes sur l’essence ou réduire les prix de l’électricité. Les avancées technologiques dans le domaine de l’efficacité énergétique pourraient également contribuer à réduire les coûts de possession.
Nous estimons le coût total de possession des différents types de véhicules à l’aide du prix d’achat, ajusté en fonction des incitatifs ou des subventions, et des futurs coûts d’utilisation du véhicule sur une période de huit ans. Le coût d’utilisation englobe les coûts liés au carburant ou à l’électricité, aux changements dans le rendement du moteur et à l’entretien et est actualisé au taux de 3 % après l’année d’acquisition.
Le coût relatif de possession d’un VZE est calculé en divisant le total du coût de possession d’un VZE sur huit ans par le coût total de possession d’un véhicule à moteur à combustion interne sur la même période de huit ans. Dans le modèle du DPB, le coût relatif de possession est un facteur important de la part de marché des véhicules et, par conséquent, un mécanisme d’ajustement qui pourrait revêtir une certaine importance dans l’atteinte de l’équilibre du marché pour un objectif de vente prescrit.
En présumant que les préférences, la technologie et les politiques restent les mêmes que ce qui est prévu dans un scénario de référence sans la norme, nous estimons que le coût relatif de possession d’un VEB devrait diminuer de 31 % pour atteindre l’objectif de vente de VZE de 60 % en 2030 (figure 3-1). Autrement dit, le coût de possession d’un VZE par rapport à celui d’un véhicule à moteur à combustion interne en 2030 en vertu de la norme serait inférieur de 31 % à celui d’un scénario de référence sans la norme. Par exemple, dans le scénario de référence de 2030, le coût de possession relatif (sur huit ans) d’un camion électrique à batterie est de 0,95 (c.-à-d. que le coût de possession d’un camion électrique à batterie serait équivalent à 95 % du coût de possession d’un camion utilitaire à moteur à combustion interne); la réduction de 31 % nécessaire pour atteindre l’objectif de vente entraînerait un coût relatif de possession d’un camion électrique à batterie de 0,65 (c.-à-d. que le coût de possession d’un camion électrique à batterie serait équivalent à 65 % du coût de possession d’un camion léger à moteur à combustion interne).
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Pour chaque année, les répercussions estimées montrent la différence en pourcentage entre le coût relatif de possession des VEB par rapport aux véhicules à moteur à combustion interne en vertu de la norme et le coût relatif de propriété des VEB par rapport aux véhicules à moteur à combustion interne dans le scénario de référence sans la norme. Ces estimations supposent que les préférences, la technologie et les politiques resteront les mêmes que celles d’un scénario de référence sans la norme. Les rajustements des coûts relatifs et l’augmentation du nombre de bornes de recharge permettent à eux seuls d’atteindre les objectifs de vente des VZE en vertu de la norme.
Selon Axsen et Bhardwaj (2022), une norme pour les véhicules électriques visant la totalité de parts de marché d’ici 2035 ferait augmenter le prix des véhicules à moteur à combustion interne de 6,1 % et réduirait le prix des VZE de 22 % d’ici 2035, par rapport à un scénario de référence sans norme.
Projections pour les infrastructures de recharge
Nous prévoyons qu’en vertu de la norme sur la disponibilité des véhicules électriques, le nombre de bornes de recharge de niveau 2 dans le réseau public passera de 20 700 en 2023 à 122 810 en 2030 (figure 3-2) en raison des investissements réalisés par le secteur privé pour répondre à la demande de nouveaux VZE. Ce nombre de bornes de recharge publiques de niveau 2 est supérieur de 33 900 à celui du scénario de référence, mais inférieur aux 132 900 bornes estimées dans l’évaluation des besoins de Dunsky (2024)[^19].
Bureau du directeur parlementaire du budget, Dunsky (2024).
Bureau du directeur parlementaire du budget, Dunsky (2024).
Nous utilisons les estimations pour les bornes de recharge communautaires publiques de niveau 2 de Dunsky (2024), qui exclut les bornes de recharge sur les lieux de travail ou les résidences privées.
En ce qui concerne les bornes de recharge de niveau 3 (rapide), nous prévoyons qu’en vertu de la norme sur la disponibilité des véhicules électriques, le nombre de bornes passera de 4 640 en 2023 à 20 330 en 2030 (figure 3-3). Ce nombre de bornes de recharge publiques de niveau 3 est supérieur de 4 700 à celui du scénario de référence, mais inférieur aux 22 000 bornes estimées dans l’évaluation des besoins de Dunsky (2024).
Bureau du directeur parlementaire du budget, Dunsky (2024).
Bureau du directeur parlementaire du budget, Dunsky (2024).
Nous utilisons les estimations pour les bornes de recharge communautaires publiques de niveau 3 de Dunsky (2024), qui exclut les bornes de recharge sur les lieux de travail ou les résidences privées.
Dans notre modèle, l’offre d’infrastructures de recharge est largement tributaire de la demande et augmente selon le parc total de VZE. Pour tenir compte des fonds publics disponibles pour les infrastructures de recharge, notre modélisation prévoit une subvention qui couvrira 50 % des coûts du projet en fonction des paramètres du programme d’infrastructure pour les VZE[^20]. Notre projection relative aux bornes de recharge implique une aide publique totale d’environ 2 milliard de dollars d’ici 2030, qui est un peu plus élevé que l’enveloppe gouvernementale de 1,8 milliard de dollars déjà annoncée[^21].
Mises en garde
Le DPB a utilisé une approche de modélisation parcimonieuse pour évaluer la demande de VZE et l’offre de bornes de recharge au Canada. Cette approche limite le type de questions auxquelles la modélisation peut répondre et évite tout risque de partialité pouvant découler des choix faits dans ladite modélisation. Il est important de noter que le modèle compte sur les coûts relatifs de possession pour attribuer la part de vente des VZE. En outre, le modèle ne peut pas être utilisé pour estimer les effets économiques des politiques sur le secteur automobile.
Il ne tient également pas compte de la réaction des constructeurs automobiles aux politiques. Par conséquent, les décisions des constructeurs automobiles relatives aux prix et aux quantités de VZE et de véhicules à moteur à combustion interne vendus ne sont pas modélisées, ce qui rend plus difficile d’évaluer les répercussions des subventions et leur incidence globale sur la demande de VZE. Cependant, il est supposé dans ce modèle que les subventions sont entièrement octroyées aux acheteurs. De plus, les écarts de prix entre les VZE et les véhicules à moteur à combustion interne sont fondés sur la différence de coûts des fabricants et ne comportent pas d’autres marges.
Un autre aspect important de l’approche de modélisation parcimonieuse est que les modèles de substitution autorisés sont restreints. Dans le modèle, seules deux catégories de véhicules sont considérées et modélisées en deux groupes distincts, ce qui limite les possibilités de remplacement entre les véhicules utilitaires légers et les voitures. Dans une même catégorie, les deux seuls choix sont les VZE et les véhicules à moteur à combustion interne. De plus, les autres modes de transport et leur attrait ne sont pas modélisés. Les VHR ne sont pas modélisés explicitement en tant qu’option (bien que les actions et les parts de marché des voitures électriques en 2023 comprennent les actions et les ventes de VHR).
Le modèle du DPB tient compte de la demande de VZE et de l’offre de bornes de recharge à l’échelle nationale. Les coûts de possession de chaque type de véhicule sont établis comme moyenne nationale des différents prix. Le modèle est ensuite étalonné de manière à atteindre les objectifs nationaux en 2023. Les mandats provinciaux relatifs aux ventes sont pris en compte dans l’étalonnage, mais ne sont pas modélisés explicitement. Le modèle ne prévoit pas de résultats pour chaque province.
Dans le modèle, l’hétérogénéité des préférences des consommateurs est limitée aux chocs de préférence idiosyncrasiques. Les types de consommateurs hétérogènes plus précis (voir Axsen et Bhardwaj [2022]), comme les premiers utilisateurs par exemple, ne sont pas pris en compte. De plus, dans le modèle, le paramètre évolutif de préférence est adapté pour correspondre à la part de marché des VZE en 2035, selon le scénario de référence du REIR. Les goûts des consommateurs peuvent évoluer différemment en fonction des changements requis au coût relatif de possession pour atteindre les objectifs de vente de VZE en vertu de la norme ou en réponse directe aux objectifs de vente de VZE.
Hypothèses du modèle
Modèle de demande de véhicules électriques et d’offre de bornes de recharge
Demande en véhicules électriques
Le DPB a fait la modélisation de la demande en véhicules électriques à l’aide d’un modèle de choix discret logit. Un consommateur, marqué de l’indice $i$, choisit entre un véhicule électrique et un véhicule à moteur à combustion interne pour en optimiser l’utilité. L’utilité pour le consommateur $i$ d’acheter un véhicule électrique de catégorie $j$ au cours de l’année $t$ par rapport à un véhicule à moteur à combustion interne est calculée à l’aide de l’équation :
$$u_{ijt}=\alpha_j+\betap\ln{\left(P{jt}\right)}+\beta_{L2}\ln{\left(Nt^{L2}\right)}+\beta{L3}\ln{\left(N_t^{L3}\right)}+\psit+\epsilon{ijt}=V{jt}+\epsilon{ijt},$$
où $P_{jt}$ représente le ratio entre le coût de possession d’un véhicule électrique et le coût de possession d’un véhicule à moteur à combustion interne au cours de l’année $t; N_t^{L2}$ et $N_t^{L3}$ représentent respectivement le nombre de bornes de recharge de niveau 2 et de niveau 3 pour l’année $t; \psit$ représente le paramètre évolutif de préférence; $\epsilon{ijt}$ représente un choc de préférence idiosyncrasique qui est distribué de manière indépendante, une valeur extrême identique. En normalisant l’utilité de posséder un véhicule à moteur à combustion interne à 0, la part des ventes des véhicules électriques pour la catégorie de véhicules $j$ au cours de l’année $t$ est représentée par l’équation suivante :
$$s{jt}=\frac{\exp{\left(V{jt}\right)}}{1+\exp{\left(V_{jt}\right)}}.$$
Conformément à cette précision, l’élasticité de la demande par rapport au coût relatif de possession $P_{jt}$ est $\etaP=\left(1-s{jt}\right)\betaP$ et l’élasticité de la demande par rapport au stock de niveau K des bornes de recharge est $\eta{Lk}=\left(1-s{jt}\right)\beta{Lk}.$
Enfin, le paramètre évolutif de préférence pour l’année t évolue selon l’équation suivante :
$$\psit=\mu+\psi{t-1},$$ où $\psi_0=0$.
Enfin, le nombre de véhicules électriques de catégorie $j$ dans le parc pour l’année $t$ évolue selon l’équation
$$Q{jt}=M{jt}s_{jt}+\left(1-\thetaj\right)Q{jt-1},$$ où $M_{jt}$ représente le nombre prévu de véhicules de catégorie $j$ vendus au cours de l’année $t$, qui a une cause externe au modèle et où $\theta$ est le taux de mise à la ferraille des véhicules électriques. Par conséquent, le nombre total de véhicules électriques $Q_t$ au cours de l’année, est composé de la somme du nombre de voitures et du nombre de camions légers.
Offre de bornes de recharge
L’équilibre de libre entrée établit un rapport entre les revenus au cours de l’année $t$ et l’écart des coûts liés à l’infrastructure de recharge entre l’année $t$ et $t+1$, c’est-à-dire
$$\pi_t^{Lk}\left(N_t^{Lk},Q_t\right)=Ct^{Lk}-\frac{1}{1+\rho}C{t-1}^{Lk},$$
où $\pi_t^{Lk}$ représente les revenus de l’année $t$ provenant de l’utilisation d’une borne de recharge de niveau $k; C_t^{Lk}$ représente le coût fixe de construction d’une borne de recharge au cours de l’année $t$ et $\rho$ est le taux d’actualisation. L’équation pour déterminer le nombre de bornes de recharge de niveau $k$ au cours de l’année $t$ est obtenue en utilisant la forme fonctionnelle suivante pour les revenus :
$$\pi_t^{Lk}\left(N_t^{Lk},Qt\right)=\left(\frac{\exp{\left(\kappa{Lk}\right)}}{N_t^{Lk}}\right)^{1/\gamma}{\cdot Q}_t,$$
En prenant le logarithme de la condition de libre entrée des deux côtés et à la suite d’une certaine réorganisation, on obtient l’équation suivante pour le nombre de bornes de recharge de niveau $k$ au cours de l’année $t$ :
$$\ln{\left(Nt^{Lk}\right)}=\kappa{Lk}+\gamma\ln{\left(Q_t\right)-\gamma\ln{\left({\widetilde{C}}_t^{Lk}\right),}}$$ où ${\widetilde{C}}_t^{Lk}=Ct^{Lk}-\frac{1}{1+\rho}C{t-1}^{Lk}.$
Le modèle prévoit que le coût fixe de la construction des bornes de recharge évolue selon l’équation suivante :
$$C_t^{Lk}=C_0^{Lk}\cdot\left(0.5+0.5\exp{\left(\zeta\cdot t\right)}\right).$$
Références
David Austin, Modeling the Demand for Electric Vehicles and the Supply of Charging Stations in the United States, Congressional Budget Office, 2023.
Jonn Axsen et Chandan Bhardwaj, Modelling a Zero-Emission Vehicle Standard and Subsidies in Canada’s Light-Duty Vehicle Sector (2023-2035), 2022.
California Air Resources Board, ACC II ZEV Technology Assessment, 2022.
Règlement modifiant le Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des automobiles à passagers et des camions légers, DORS/2023-275, dans Gazette du Canada, Partie II, vol. 157, no 26, 2023.
Cassandra Cole et coll., Policies for Electrifying the Light-Duty Fleet in the United States, 2023.
Dunsky, Infrastructure de recharge pour les véhicules électriques au Canada : Prévisions actualisées des besoins de recharge des véhicules, de l’impact sur le réseau et des coûts pour tous les segments de véhicules, 2024. Source : Infrastructure de recharge pour les véhicules électriques au Canada
Environnement et Changement climatique Canada, Le Plan de réduction des émissions du Canada pour 2030, 2022.
Shanjun Li et coll., « The Market for Electric Vehicles: Indirect Network Effects and Policy Design », Journal of the Association of Environmental and Resource Economists, vol. 4, no 1, p. 89 à 133, 2017.
Nic Lutsey et Michael Nicholas, Update on electric vehicle costs in the United States through 2030, document de travail de l’International Council on Clean Transportation, 2019.
Peter Slowik et coll., Assessment of Light-Duty Electric Vehicle Costs and Consumer Benefits in the United States in the 2022-2035 timeframe, International Council on Clean Transportation, 2022.
Communications
Citation
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Selon notre modèle, des ajustements importants des conditions du marché au pays seront nécessaires pour atteindre les cibles annuelles de ventes de VZE. D’après nos estimations, afin d'induire un changement dans le comportement des consommateurs pour atteindre la cible de 2030, le coût relatif de possession d’un VZE comparativement aux véhicules traditionnels devra diminuer de 31 % en comparaison à son coût attendu en 2030 sans la norme.
Directeur parlementaire du budget