Élargissement de Déclarer simplement par téléphone et mise en place d’un système automatisé de déclarations de revenus
En réponse à une demande formulée par le sénateur Percy Downe, ce rapport fournit une analyse des répercussions budgétaires de l’élargissement du service Déclarer simplement par téléphone offert par l’Agence du revenu du Canada (ARC) ainsi que des coûts associés à la création d’un nouveau service automatisé de production des déclarations de revenus.
Le 19 juin 2024, la figure 2 et le texte qui l’accompagne dans le rapport ont été mis à jour pour refléter de l’information fournie par l’Agence du revenu du Canada après la publication initiale.
Résumé
Le présent rapport répond à la demande du sénateur Percy Downe et fournit une analyse des répercussions budgétaires de l’élargissement du service Déclarer simplement par téléphone offert par l’Agence du revenu du Canada (ARC) ainsi que de la mise en place du service automatisé de production des déclarations de revenus.
Dans le budget de 2023, le gouvernement a indiqué qu’il compte faire passer à deux millions d’ici 2025 le nombre de Canadiens admissibles au service Déclarer simplement par téléphone, lequel permet à certaines personnes à faible revenu de soumettre leur déclaration de revenus par téléphone en répondant à une courte série de questions.
Le gouvernement a aussi annoncé dans le budget de 2023 qu’il souhaite lancer un nouveau programme pilote de production automatisée des déclarations de revenus en 2024. Bien que la dernière phase de développement du programme n’ait pas encore été définie, le gouvernement a annoncé en mars 2024 qu’il mettrait à l’essai des versions numérique et papier de son service Déclarer simplement dans toutes les provinces et les territoires à compter de l’été 2024[^1]. Les options numérique et papier du service cibleront les personnes à faible revenu qui ne remplissent pas leur déclaration de revenus ou qui ont omis de soumettre certaines déclarations de revenus par le passé. L’ARC a indiqué qu’elle poursuivrait les consultations auprès des experts et de divers intervenants dans le but de mettre au point la prochaine version du système automatisé de déclarations de revenus et qu’elle ferait le point sur les progrès réalisés à l’automne 2024.
Outre les frais administratifs que l’ARC devra payer pour financer l’élaboration de son service automatisé de déclarations des revenus, la mise en œuvre de ce service entraînera des répercussions à la hausse sur les coûts liés aux prestations gouvernementales à verser aux personnes qui, autrement, n’auraient pas rempli de déclaration de revenus et auraient renoncé aux montants auxquels elles avaient droit. Dans ce rapport, le directeur parlementaire du budget (DPB) présente une estimation des montants au titre de l’Allocation canadienne pour enfants (ACE), de l’Allocation canadienne pour les travailleurs (ACT) et du crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) que l’ARC devra remettre aux non-déclarants par l’intermédiaire d’un service automatisé de production de déclarations de revenus.
Le DPB estime que l’élargissement du service Déclarer simplement par téléphone sera associé à des coûts de 2 millions de dollars au cours de la période de projection. Si l’on suppose que l’ARC mettra en place un service automatisé de production des déclarations de revenus destiné à tous les non-déclarants pour lesquels elle détient suffisamment de renseignements, l’adoption et l’exploitation du service représenteront des coûts administratifs évalués entre 57 millions de dollars pour l’exercice 2024-2025 et 65 millions de dollars pour l’exercice 2028-2029. En outre, la valeur des prestations publiques qui seraient versées à la suite de la mise en œuvre du service est estimée à 1,8 milliard de dollars pour 2028-2029. Le total des coûts est évalué à environ 9 milliards de dollars sur une période de 5 ans.
Contexte
Depuis 2018, l’ARC offre aux Canadiens à faible revenu le service automatisé Déclarer simplement par téléphone, anciennement appelé Produire ma déclaration, qui leur permet de produire leur déclaration de revenus par téléphone en répondant à une courte série de questions. Dans le budget de 2023, le gouvernement a annoncé qu’il ferait passer à deux millions d’ici 2025 le nombre de Canadiens admissibles au service Déclarer simplement par téléphone et qu’il offrirait un nouveau service automatisé de production des déclarations de revenus.
Ce ne sont pas tous les résidents qui ont l’obligation légale de transmettre à l’ARC une déclaration de revenus au moyen du formulaire T1. Par exemple, les personnes qui n’ont pas d’impôt à payer pour une année donnée ne sont généralement pas tenues de produire une déclaration, sauf si elles ont touché des revenus d’un travail indépendant, ont réalisé des gains en capital ou doivent rembourser des prestations[^2]. Toutefois, de nombreuses prestations gouvernementales, dont l’Allocation canadienne pour enfants (ACE), l’Allocation canadienne pour les travailleurs (ACT), le crédit pour la taxe sur les produits et services ou la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) et la Remise canadienne sur le carbone (RCC), sont versées uniquement aux personnes qui produisent une déclaration de revenus.
Il ressort d’une étude réalisée par Robson et Schwartz (2020) qu’entre 10 % et 12 % des Canadiens ne produisent pas de déclaration de revenus chaque année et se privent par le fait même des prestations auxquelles ils auraient droit[^3]. En mesurant le taux de non‑déclaration deux ans après la date limite de dépôt, celui-ci diminue légèrement selon une étude interne menée par l’ARC[^4]. La mise en œuvre d’un système automatisé des déclarations de revenus renforcerait la capacité de l’ARC à accorder des prestations gouvernementales à certaines des personnes qui ne les reçoivent pas actuellement parce qu’elles n’ont pas produit de déclaration de revenus[^5].
À partir des feuillets de renseignements fiscaux produits par des tiers, l’ARC est en mesure de rassembler une quantité importante de données détaillées. Elle peut ensuite se servir de ces données pour offrir des services comme Déclarer simplement par téléphone et Préremplir ma déclaration[^6], par exemple. Il existe cependant de nombreux facteurs de complexité[^7] sur le plan fiscal que l’ARC ne peut pas observer directement. Ces facteurs peuvent empêcher l’ARC d’évaluer de manière indépendante l’admissibilité d’un contribuable aux différents crédits d’impôt non remboursables, aux diverses déductions et d’avoir une vue d’ensemble de ses obligations fiscales. Néanmoins, l’ARC dispose vraisemblablement des renseignements nécessaires pour être en mesure de produire et de remplir avec précision la déclaration de revenus des personnes dont la situation est simple et qui n’ont pas d’impôt à payer.
Des estimations récentes tirées d’une étude de Genest-Grégoire et coll. (2023)[^8] montrent qu’en 2019, 42 % des familles dont le revenu annuel était inférieur à 50 000 $ et environ deux tiers des prestataires de l’assistance sociale ont produit des déclarations de revenus simples, c’est-à-dire une déclaration T1 qui ne comporte aucun facteur de complexité selon la définition de l’ARC. Ce résultat indique qu’en principe, l’ARC pourrait remplir de manière indépendante la déclaration de revenus d’une grande partie des Canadiens à faible revenu au moyen d’un système automatisé de déclaration de revenus en se fondant sur les renseignements qu’elle détient.
La section qui suit donne un aperçu du service Déclarer simplement par téléphone et présente une estimation des coûts relatifs à l’élargissement de celui-ci. Les sections suivantes portent sur l’éventuelle création d’un système automatisé de production des déclarations de revenus au Canada, sur les données et la méthodologie utilisées aux fins de la présente analyse et sur l’estimation des coûts liés à un tel système.
Élargissement du service Déclarer simplement par téléphone
Déclarer simplement par téléphone est un service téléphonique automatisé de l’ARC qui offre aux Canadiens à faible revenu une méthode simplifiée pour produire leur déclaration de revenus. Grâce à l’interface téléphonique, les personnes admissibles peuvent soumettre leur déclaration de revenus en répondant à une courte série de questions visant à confirmer les informations dont dispose l’ARC.
Le service est accessible sur invitation seulement, c’est-à-dire qu’un certain nombre de particuliers peuvent utiliser le service pour remplir leur déclaration de revenus, à condition d’avoir reçu une invitation de l’ARC. En outre, les personnes invitées doivent enclencher le processus en suivant les instructions fournies par l’ARC. Les particuliers admissibles doivent avoir un revenu faible ou fixe qui se situe dans la fourchette de revenus non imposables[^9] et avoir une situation fiscale simple[^10] qui demeure inchangée d’une année à l’autre.
Depuis le lancement du programme, en 2018, et la publication du budget de 2023, l’ARC a envoyé chaque année entre 500 000 et 1,3 million d’invitations à utiliser le service (figure 1). Lors de la période des impôts de 2024, ce nombre d’invitations est passé à 1,6 million. Il devrait atteindre 2 millions en 2025 selon l’annonce du budget de 2023.
Agence du revenu du Canada.
Agence du revenu du Canada.
Le nombre de déclarants qui se sont prévalus du service a atteint un sommet en 2020, avec 69 620 utilisateurs, et est redescendu à 50 450 utilisateurs lors de la période de déclaration de 2023. De 2018 à 2023, la proportion de personnes invitées ayant opté pour le service Déclarer simplement par téléphone était de 5 à 10 % du nombre total d’invitations envoyées.
En 2023, environ 7 % des personnes invitées ont utilisé le service, tandis que 89 % d’entre elles ont choisi une autre méthode de production de déclaration (figure 2).
Agence du revenu du Canada.
Agence du revenu du Canada.
Approximativement 46 % des personnes invitées (65 %) en 2023 ont choisi de faire appel à un fournisseur de service de transmission électronique des déclarations (TED) agréé pour produire leur déclaration en leur nom. Cela laisse croire que près de la moitié d’entre elles ont payé pour les services d’un professionnel pour les aider alors qu’elles auraient pu utiliser gratuitement Déclarer simplement par téléphone. Cela dit, certains des déclarants invités ont peut-être décidé de faire appel à un professionnel en raison d’une situation fiscale plus complexe que celles que Déclarer simplement par téléphone est en mesure de traiter. Les données limitées ne permettent pas de cerner les facteurs qui ont poussé les personnes invitées à choisir d’autres méthodes de production de déclarations malgré leurs coûts potentiellement plus élevés.
De plus, près d’une personne sur cinq invitées à utiliser Déclarer simplement par téléphone en 2023 a choisi de produire sa déclaration avec l’aide des comptoirs d’impôts gratuits du Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt (PCMBI)[^11]. Cela représente presque le triple du nombre d’utilisateurs de Déclarer simplement par téléphone.
Coût de l’élargissement du service Déclarer simplement par téléphone
Les frais administratifs liés à l’exploitation du service Déclarer simplement par téléphone ont été calculés à partir du coût annuel moyen des invitations envoyées dans le cadre du programme fourni par l’ARC. Ce montant comprend les coûts d’envoi des lettres d’invitation aux contribuables admissibles ainsi que les coûts des ressources nécessaires au bon fonctionnement du service. L’ARC a indiqué qu’elle n’était pas en mesure de comptabiliser séparément le coût de traitement des déclarations de revenus des utilisateurs du service Déclarer simplement par téléphone et que, par conséquent, elle ne pouvait pas évaluer les coûts liés à l’exploitation des services téléphoniques. En se basant sur les données antérieures pour la période de 2018 à 2023, le coût administratif annuel moyen est estimé à environ 1,19 $ par invitation envoyée.
Comme il a été mentionné plus haut, les invitations à utiliser Déclarer simplement par téléphone ne sont envoyées qu’aux personnes qui ont l’habitude de remplir volontairement leur déclaration de revenus. Par conséquent, le DPB ne prévoit pas d’augmentation des coûts liés aux prestations versées aux personnes invitées en raison de l’élargissement du service. En effet, on suppose que les personnes nouvellement invitées auraient tout de même produit une déclaration de revenus en utilisant une autre méthode si elles n’avaient pas reçu d’invitation.
Le DPB estime que le coût de l’élargissement du service Déclarer simplement par téléphone annoncé dans le budget de 2023 s’élèvera à environ 1 million de dollars par année pour 2024-2025 et 2025-2026, pour un total d’environ 2 millions de dollars au cours de la période de projection[^12].
Mise en place d’un système automatisé de production des déclarations de revenus au Canada
Dans le budget de 2023, le gouvernement a annoncé son intention de lancer un projet pilote de production automatisée des déclarations de revenus destiné aux personnes à faible revenu qui ne produisent habituellement pas de déclaration.
Depuis, il a été annoncé dans le budget de 2024 que l’ARC mettra à l’essai une version numérique et papier de son service Déclarer simplement pour les particuliers qui ont des lacunes dans leurs antécédents de déclaration de revenus ou qui n’en ont jamais produit. Comme c’est le cas pour le service Déclarer simplement par téléphone, seules les personnes ayant reçu une invitation de l’ARC pourront participer au projet pilote. Par ailleurs, les contribuables invités devront lancer le processus en respectant les lignes directrices fournies par l’ARC afin que leur déclaration de revenus soit produite par l’intermédiaire du service[^13]. Les estimations de coûts pour les options numérique et papier de Déclarer simplement ne figurent pas dans le présent rapport, car nous supposons qu’il s’agit d’une première étape limitée vers la mise en œuvre d’un système automatisé de production des déclarations de revenus ayant une plus vaste portée dans les années à venir.
À l’heure actuelle, l’ARC n’a publié que peu de détails sur la conception et la portée prévues de la dernière phase du système automatisé de déclaration de revenus. L’ARC s’est engagée à tenir des consultations avec des experts et des organisations communautaires et a déclaré qu’elle ferait le point à l’automne 2024 sur l’élaboration de la prochaine phase du projet.
Aux fins de la présente analyse, le DPB considère qu’un système automatisé de production des déclarations de revenus est un service par lequel l’ARC prépare et remplit les déclarations de revenus des particuliers qui n’ont pas produit de déclaration au cours d’une année d’imposition donnée et pour lesquels elle dispose de suffisamment d’informations pour le faire. Compte tenu de l’incertitude qui règne quant à la conception et à la portée du service dans sa phase finale de développement, les estimations de coûts présentées dans cette analyse reposent sur des hypothèses concernant les paramètres du service qui pourraient différer de ce que le gouvernement mettra en œuvre en définitive.
Comment fonctionnent les systèmes automatisés de déclarations de revenus?
Le régime fiscal d’un grand nombre de pays n’exige pas de la plupart des contribuables qu’ils remplissent une déclaration de revenus[^14]. Par exemple, les administrations de près de 30 pays fournissent une déclaration de revenus préremplie comprenant une évaluation préliminaire des obligations fiscales à leurs résidents qui peuvent alors examiner et modifier les informations figurant sur la déclaration de revenus, si nécessaire, avant de la soumettre. Certains pays, comme la Suède et la Nouvelle-Zélande, considèrent que l’évaluation préliminaire des obligations fiscales est acceptée si le déclarant ne soumet aucune modification, tandis que d’autres pays, comme le Danemark et le Royaume-Uni, exigent que les contribuables confirment l’exactitude de la déclaration préremplie pour terminer le processus, même si aucune correction n’est nécessaire. Aux États-Unis, l’Internal Revenue Service (IRS) a lancé le service pilote Direct File lors de la saison de déclaration des revenus de 2024 afin de permettre aux personnes admissibles dans 12 États de transmettre leur déclaration de revenus par voie électronique en utilisant une plateforme gratuite fournie par l’IRS[^15].
En outre, il existe plusieurs pays où le fisc ajuste cumulativement tout au long de l’année le montant de l’impôt retenu sur les revenus d’emploi afin que les contribuables en situation fiscale simple qui ne perçoivent que des revenus d’emploi ou de pension n’aient pas besoin d’être remboursés. Un système de retenues exactes peut contribuer à l’automatisation du système fiscal s’il permet à une partie importante de la population, généralement les contribuables dont la situation fiscale est simple, d’éviter d’avoir à produire une déclaration de revenus à la fin de l’année. Toutefois, ce type de système oblige souvent les contribuables qui ne sont pas légalement tenus de remplir une déclaration de le faire afin de réclamer de façon distincte les crédits d’impôt et avantages fiscaux auxquels ils peuvent avoir droit.
Méthodologie
La mise en place au Canada d’un système de production automatisée des déclarations de revenus se traduirait par deux types de coûts pour le gouvernement. En premier lieu, il y a les coûts administratifs que l’ARC devra assumer pour élaborer et mettre en œuvre le programme. En second lieu, il faut tenir compte des coûts liés aux prestations gouvernementales accordées aux personnes qui, autrement, n’auraient pas produit de déclaration et se seraient ainsi privées de certaines sommes auxquelles elles ont droit.
Les sections suivantes décrivent les données et la méthodologie utilisées pour estimer le montant des prestations gouvernementales additionnelles qui pourraient être versées à la suite de la mise en place d’un service automatisé de déclaration des revenus. L’analyse est axée sur l’Allocation canadienne pour enfants (ACE), l’Allocation canadienne pour les travailleurs (ACT) et le crédit pour la taxe sur les produits et services ou la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH), car il n’y a pas suffisamment de données disponibles (en particulier sur les critères d’admissibilité) pour estimer les autres prestations qui pourraient faire l’objet de versements supplémentaires. Il convient de noter qu’il est peu probable que les paiements effectués au titre de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti augmentent considérablement en raison de l’adoption d’un système automatisé de déclaration de revenus, puisque le ministère de l’Emploi et du Développement social Canada a adopté une approche proactive depuis 2018 pour communiquer avec les personnes âgées admissibles.
Données
Aux fins de l’analyse, le DPB s’est servi de données agrégées tirées du recensement de 2021 et du Fichier des familles T1 (FFT1) fourni par Statistique Canada. Les données présentent le nombre total de particuliers qui n’ont pas produit de déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2020 et qui sont liés à un dossier de l’ARC, ainsi qu’une ventilation selon plusieurs caractéristiques sociodémographiques. Elles indiquent également le nombre de familles dont aucun parent n’a pu être associé à une déclaration T1 pour l’année d’imposition 2020, ventilé par type de famille. Pour étoffer les données analysées, le DPB a également utilisé des estimations provenant de deux études menées par Statistique Canada pour formuler certaines hypothèses[^16].
Allocation canadienne pour enfants
Le DPB utilise l’estimation de Statistique Canada du nombre de personnes ou de couples non déclarants ayant des enfants de moins de 18 ans liés aux dossiers de l’ARC[^17] afin d’établir des projections à l’aide de ses indicateurs démographiques. À partir des données du recensement de 2021, le DPB a ensuite estimé les taux d’admissibilité à l’ACE, c’est-à-dire le pourcentage de familles non déclarantes qui auraient droit à un montant au titre de l’ACE ventilé en fonction du nombre d’enfants de moins de 18 ans que comptent ces familles. On suppose que les taux d’admissibilité à l’ACE resteront constants pendant toute la durée de la période de projection. La moyenne des prestations est estimée séparément pour les familles comptant un, deux et trois enfants ou plus âgés de moins de 18 ans selon les données du recensement de 2021 et est majorée en fonction des projections de l’Indice des prix à la consommation (IPC) estimées à l’interne par le DPB. La valeur totale des prestations de l’ACE versées aux familles non déclarantes grâce au système automatisé de déclaration des revenus est calculée en multipliant le nombre de familles non déclarantes par le taux d’admissibilité et par le montant moyen des prestations correspondant au nombre d’enfants au sein de la famille.
Il est important de mentionner que l’ARC accorde aux familles qui présentent une demande tardive au titre de l’ACE des paiements rétroactifs sur une période pouvant aller jusqu’à 10 ans. Cela représente une source d’incertitude dans l’estimation du total des paiements au titre de l’ACE qui seraient versés à la suite de la mise en œuvre d’un système automatisé de déclaration des revenus[^18].
Statistique Canada estime que 2,2 % des enfants qui vivent au Canada ne figurent pas dans les dossiers de l’ARC, probablement parce que leurs parents n’ont pas présenté de demande pour recevoir l’ACE à la naissance de l’enfant ou à leur arrivée au pays. Ces familles n’ont pas été prises en considération dans la présente analyse. Le DPB présume que l’ARC accordera des prestations de l’ACE par l’intermédiaire de son service automatisé de déclaration des revenus uniquement aux familles admissibles ayant des enfants et pour lesquelles elle dispose d’une quantité suffisante de renseignements.
D’après les hypothèses présentées dans le tableau 2, le DPB estime que la valeur totale des montants versés aux familles non déclarantes au titre de l’ACE à la suite de la mise en place d’un système automatisé de production des déclarations de revenus s’élèverait à 675 millions de dollars pour l’exercice 2024-2025.
Allocation canadienne pour les travailleurs
En ce qui concerne l’Allocation canadienne pour les travailleurs, le DPB s’est fondé sur l’estimation de Statistique Canada du nombre de travailleurs admissibles gagnant un revenu déclaré sur un feuillet T4 en 2021 qui n’avaient pas produit de déclaration de revenus à la fin de l’année[^19]. L’admissibilité à la prestation a été déterminée en évaluant les revenus figurant sur les feuillets T4, l’âge, la province de résidence et le statut d’étudiant des contribuables. Statistique Canada évalue le taux d’admissibilité des non-déclarants en se basant sur la proportion de déclarants T1 admissibles ayant des caractéristiques sociodémographiques similaires et qui reçoivent une partie de la prestation. Le nombre estimé de travailleurs non-déclarants ayant un salaire figurant sur un feuillet T4 qui sont réputés admissibles à la prestation, c’est-à-dire le nombre de salariés non-déclarants ayant un feuillet T4 multiplié par le taux d’admissibilité, est lui‑même multiplié par le montant moyen de l’ACT reçu par les travailleurs déclarants en 2021. Le coût agrégé est ensuite projeté à l’aide des taux de croissance démographique et de l’IPC prévus par le DPB.
Le DPB estime à 255 millions de dollars la valeur des paiements au titre de l’ACT qui devraient être versés en 2024-2025 aux non-déclarants à la suite de la mise en place d’un système automatisé de déclaration de revenus[^20].
Crédit pour la TPS/TVH
Dans le cas du crédit pour la TPS/TVH, nous utilisons le nombre de particuliers non déclarants associés à des dossiers de l’ARC selon les données du recensement de 2021. À l’aide de la Base de données et du Modèle de simulation de politiques sociales (BD/MSPS) de Statistique Canada (version 30.1)[^21], le DPB calcule ensuite le montant moyen du crédit pour la TPS/TVH reçu par des particuliers faisant partie de groupes de revenus après impôt comparables, conformément aux seuils des quartiles de revenus après impôt des non-déclarants établis à partir des données du recensement. Les montants sont calculés selon l’état matrimonial afin de tenir compte de l’effet de celui-ci sur le montant du crédit pour la TPS/TVH auquel un particulier pourrait avoir droit. La valeur totale du crédit pour la TPS/TVH versé grâce au système automatisé de déclaration de revenus aux particuliers non déclarants est calculée en multipliant le nombre de particuliers non déclarants par le taux d’admissibilité et par le montant moyen des prestations applicables à leur état matrimonial. Le coût agrégé pour l’année d’imposition 2020 est calculé à partir de ces données et appliqué aux années suivantes à l’aide des taux de croissance démographique et de l’IPC prévus par le DPB.
Comme l’illustre le tableau 4, le taux d’admissibilité au crédit pour la TPS/TVH varie grandement selon l’état matrimonial. Cela s’explique en partie par le fait que les personnes à faible revenu qui sont mariées ou vivent avec un conjoint de fait peuvent avoir un revenu familial net rajusté beaucoup plus élevé en raison du revenu de leur partenaire, si bien qu’elles n’ont pas droit au crédit pour la TPS/TVH.
Le DPB estime que les montants totaux supplémentaires au titre du crédit pour la TPS/TVH qui seraient versés aux non-déclarants à la suite de la mise en place d’un système automatisé de déclaration de revenus s’élèveraient à 695 millions de dollars en 2024‑2025.
Remise canadienne sur le carbone
Dans toutes les provinces, à l’exception du Québec et de la Colombie-Britannique, 93 % des produits de la redevance fédérale sur les combustibles sont remis aux ménages au titre de la remise canadienne sur le carbone (RCC). Les ménages non déclarants de ces régions pourraient également recevoir la RCC si l’ARC produit leur déclaration de revenus.
L’augmentation du nombre de bénéficiaires de la RCC résultant de la mise en œuvre d’un système automatisé de déclaration des revenus n’entraînerait pas de coût net pour le gouvernement. En revanche, elle pourrait réduire légèrement le montant perçu par chaque ménage dans la mesure où les sommes seraient réparties parmi un plus grand nombre de ménages.
Frais administratifs
Les frais administratifs liés à un système automatisé de déclaration des revenus ont été évalués à partir des récentes estimations de coûts de l’IRS pour le système Direct File aux États-Unis[^22]. Les coûts estimés comprennent les dépenses liées au développement et à la maintenance de la nouvelle technologie ainsi qu’à la prestation de soutien à la clientèle supplémentaire en raison de la mise en place du nouveau système. Le coût par déclaration estimé par l’IRS a été pondéré pour tenir compte du nombre plus faible de contribuables qui seraient susceptibles d’utiliser le système au Canada[^23]. Le coût total pour 2024-2025 a ensuite été calculé en fonction des hypothèses du DPB concernant le taux d’inflation de l’IPC et la croissance démographique. En dollars de 2024, le coût moyen par déclaration est d’environ 19 $.
L’ARC a accordé des subventions à hauteur de 5,2 millions de dollars en 2023 aux organismes ayant participé au PCBMI[^24]. Sur la base du nombre de déclarations produites par l’intermédiaire du PCBMI en 2023, cela représente un coût moyen de 6 $ par déclaration. Il est probable que le besoin de comptoirs d’impôts gratuits du PCBMI diminuera avec l’introduction d’un système automatisé de production de déclarations de revenus, ce qui pourrait compenser en partie des coûts administratifs du système[^25].
Le DPB suppose que les coûts liés au renforcement du soutien à la clientèle nécessaire à la suite de la mise en place du nouveau service représentent environ deux tiers des frais administratifs totaux, ce qui correspond à l’hypothèse de l’IRS. Une incertitude considérable entoure l’ampleur du processus de développement et de maintenance de la nouvelle solution technologique dont l’ARC aura besoin pour fournir un service automatisé de déclaration de revenus. D’autres projets informatiques réalisés par l’ARC, notamment pour assurer le stockage de données de tiers ou pour moderniser son infrastructure afin de faciliter le versement des prestations et la fourniture des services, ont des budgets très variables qui sont souvent rajustés au fil du temps[^26].
L’estimation des frais administratifs présentée ci-dessous ne doit pas être interprétée comme une évaluation définitive des coûts, mais plutôt comme une approximation étant donné le manque de données détaillées sur les paramètres exacts du service. Comme cela a été mentionné précédemment, les estimations de coûts sont fondées sur l’idée que l’ARC se charge d’établir et de produire les déclarations de revenus des particuliers non déclarants[^27].
Résultats
Le tableau 5 présente une estimation du coût total lié à la mise en place d’un système automatisé de déclaration des revenus au Canada pour la période de 2024-2025 à 2028‑2029. Il présente une évaluation des coûts administratifs ainsi que de la valeur de certaines prestations qui seraient versées aux particuliers.
Le DPB estime que le coût annuel d’un système automatisé de production des déclarations de revenus se situerait entre 1,7 milliard de dollars en 2024-2025 et 1,9 milliard de dollars en 2028-2029, pour un total d’environ 9 milliards de dollars sur une période de cinq ans. Cette estimation des coûts repose sur l’hypothèse que l’ARC mettra en œuvre un service automatisé de déclaration de revenus qui lui permettra de produire la déclaration de revenus de tous les non-déclarants pour lesquels elle dispose de suffisamment d’informations une fois la phase finale du développement du service terminée.
Les estimations de coûts présentées ci-dessus sont basées sur un scénario selon lequel un tel système serait mis en œuvre à partir de 2024-2025. Toutefois, l’ARC n’a pas encore annoncé publiquement de date précise pour le lancement du système.
Limitations
Les coûts présentés ci-dessus peuvent varier considérablement en fonction de la conception et de la portée du système automatisé de déclaration de revenus lorsqu’il sera mis en œuvre. Il y a encore beaucoup d’incertitude concernant le nombre de déclarations que l’ARC pourrait remplir de manière indépendante ainsi que sur les critères d’admissibilité des non-déclarants qui verraient leur déclaration traitée par l’intermédiaire du système. Les estimations de coûts figurant dans le présent rapport sont fondées sur un scénario selon lequel l’ARC produirait indépendamment la déclaration de tous les non-déclarants qui sont associés à un dossier administratif de l’ARC, ce qui représente vraisemblablement une estimation de la limite supérieure.
Bien que l’estimation des coûts tienne compte des principales prestations auxquelles renoncent généralement les non-déclarants, elle ne tient pas compte de l’ensemble des prestations administrées par le gouvernement fédéral que les non-déclarants sont susceptibles de recevoir si l’ARC remplit leur déclaration de revenus, et plus particulièrement des prestations provinciales fondées sur le revenu versées par l’intermédiaire du système fiscal.
La nature agrégée des données utilisées aux fins de cette analyse limite inévitablement la précision des estimations relatives aux prestations auxquelles les non‑déclarants pourraient avoir droit.
Enfin, plusieurs des hypothèses utilisées pour produire l’estimation des coûts repose sur les données de l’année d’imposition 2020. Il s’agit là d’un autre facteur qui limite l’exactitude des estimations dans la mesure où les revenus et les habitudes de déclaration pendant la pandémie de COVID-19 ne sont peut-être pas représentatifs de ce qui pourrait se passer au cours de la période de projection. En outre, le nombre de non-déclarants inclus dans l’analyse ne tient pas compte des personnes qui ont produit une déclaration de revenus tardive pour l’année d’imposition 2020, c’est-à-dire après la fin de l’année civile.