La formation de ménages et le stock de logements
Le présent rapport présente des estimations de la formation de ménages et du stock de logements au Canada. On y trouve aussi une estimation de l’écart de l’offre de logements à l’échelle nationale en fonction du taux d’inoccupation total.
Résumé
Le présent rapport présente des estimations de la formation de ménages et du stock de logements au Canada. On y trouve aussi une estimation de l’écart de l’offre de logements à l’échelle nationale en fonction du taux d’inoccupation total. Le rapport ne fait qu’évaluer les déséquilibres liés aux logements à l’échelle nationale, ce qui peut masquer des écarts importants entre les régions.
La formation de ménages et le stock de logements
Depuis 2015, et avant le début de la pandémie, la formation de ménages (c’est-à-dire le changement dans le nombre de ménages) augmentait de façon constante, atteignant 238 000 en 2019, tandis que le nombre net d’habitations achevées (c’est-à-dire les logements achevés plus les logements transformés moins les logements démolis) est demeuré relativement stable, à 188 000 unités annuellement en moyenne.
- Nos estimations démographiques fondées sur la demande indiquent que la formation de ménage a dépassé ses niveaux d’avant la pandémie pour s’établir à 460 000 (net) nouveaux ménages en 2023, beaucoup plus que le nombre net d’habitations achevées record de 242 000 unités pour la même année.
Afin d’obtenir une estimation de la demande de logements, il faut tenir compte de la non-formation de ménages à savoir le nombre de ménages qui n’ont pas été formés en raison de l’absence d’options de logement accessibles.
- Nous estimons que la non-formation de ménages au Canada s’établissait à 631 000 ménages en 2021. Autrement dit, le nombre de ménages en 2021 au Canada aurait compté 631 000 ménages (4,1 %) de plus si des options de logement accessibles avaient existé.
Les habitations achevées sont la source ultime d’ajouts au stock de logements, les démolitions neutralisant de loin les augmentations attribuables aux transformations. Afin d’estimer le stock total de logements de 2000 à 2023, nous adoptons une approche utilisée par la Banque du Canada dans sa récente analyse de l’offre de logements.
- Nous estimons que le stock de logements au Canada a augmenté de 4,5 millions d’unités, passant de 12,6 millions en 2000 à 17,1 millions en 2023. Cette augmentation représente 195 000 unités d’habitation achevées nettes en moyenne annuellement.
Il est utile d’évaluer la formation de ménages par rapport aux habitations nettes achevées pour jauger le déséquilibre dans les « flux » de logement. Cependant, le taux d’inoccupation total, à savoir le nombre d’unités d’habitation vacantes à vendre ou à louer par rapport au total d’unités dans le stock, offre un point de vue plus complet en termes de stock du déséquilibre dans le marché du logement.
- En tenant compte de l’augmentation inégalée de la formation de ménages, nous estimons que le taux d’inoccupation total au Canada a atteint un creux record de 5,1 % en 2023, soit 1,8 point de pourcentage de moins que sa moyenne de 6,9 % de 2000 à 2019. Cette détérioration indique une croissance de la demande excédentaire, ce qui exerce encore plus de pression à la hausse sur les prix des maisons et sur les loyers.
Perspectives à moyen terme
Éclairés par notre projection de l’investissement résidentiel présentée dans les Perspectives économiques et financières de mars du DPB, afin de créer un profil de référence pour le stock de logements, nous supposons que le nombre net d’habitations achevées sera de 255 000 logements par année et que ce rythme sera maintenu de 2024 à 2030. Ces perspectives reflètent un statu quo politique et n’incluent aucune mesure récemment annoncée incluse dans le Budget 2024.
Afin d’établir une projection de référence pour la formation des ménages, nous avons utilisé une version récemment mise à jour du scénario M1 de Statistique Canada, qui reflète les tendances récentes dans le flux de résidents non permanents et de l’immigration. Nos perspectives à moyen terme pour la formation des ménages ne reflètent toutefois que de facteurs démographiques (c’est-à-dire la croissance et le vieillissement de la population).
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Dans nos perspectives de référence, la formation de ménage prend une avance considérable sur le nombre net d’habitations achevées (272 000 ménages par rapport à 255 000 logements par année en moyenne). Ce déséquilibre dans les flux du marché du logement donne lieu à une baisse du taux d’inoccupation total, qui s’établira à 3,9 % en 2025 avant de se stabiliser à 4,0 % environ d’ici 2030.
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Étant donné que le taux d’inoccupation devrait baisser davantage et demeurer loin de sa moyenne historique à long terme, la demande excédentaire dans le marché du logement s’intensifierait selon nos perspectives de référence.
Estimations de l’écart de l’offre de logements au Canada du DPB
L’évaluation du déséquilibre dans le marché du logement en comparant le taux d’inoccupation total à sa moyenne historique à long terme fournit un cadre naturel pour estimer l’écart de l’offre de logements au Canada à l’échelle nationale. Une telle approche doit cependant être modifiée afin de tenir compte de la non-formation de ménages.
À l’échelle nationale, nous définissons l’écart de l’offre de logements en tant que nombre de logements additionnels qui seraient requis pour ramener le taux d’inoccupation total à sa moyenne à long terme d’ici 2030, en tenant compte de la non-formation de ménages.
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Par rapport à nos perspectives de référence, nous estimons que 1,3 million d’unités d’habitation additionnelles, soit 181 000 unités annuellement en moyenne de 2024 à 2030 devraient être achevées d’ici 2030 pour éliminer l’écart de l’offre de logements au Canada.
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Conjuguée à nos perspectives de référence, l’élimination de l’écart de l’offre de logements nécessiterait l’achèvement net de 3,1 millions d’unités d’habitation d’ici 2030, ce qui équivaut à l’achèvement de 436 000 unités par année en moyenne de 2024 à 2030. Ce rythme d’achèvement représenterait une augmentation de 80 % au-dessus du niveau record d’habitations achevées en 2023 maintenue pendant 7 ans.
Étant donné l’incertitude entourant nos perspectives à moyen terme, nous tenons compte de scénarios alternatifs de construction et de croissance de la population afin de déterminer la sensibilité de notre estimation de référence de l’écart de l’offre de logements. L’interaction entre ces scénarios donne lieu à une fourchette d’estimations illustrative de l’écart de l’offre de logements.
- Dans les scénarios de construction plus élevée et de croissance de la population plus faible, notre estimation de l’écart de l’offre de logements en 2030 baisserait pour s’établir à 0,7 million d’unités. Dans les scénarios de construction plus faible et de croissance de la population plus élevée, notre estimation de l’écart de l’offre de logements en 2030 augmenterait pour s’établir à 1,9 million d’unités.
Dans sa mise à jour de septembre 2023, la Société canadienne d’hypothèques et de logements (SCHL) estimait que l’écart de l’offre de logements au Canada s’établissait à 3,5 millions de logements. L’écart de l’offre de logements de la SCHL représente les logements supplémentaires requis pour rétablir l’abordabilité du logement à des niveaux « observés pour la dernière fois vers 2004 » d’ici 2030.
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L’écart de l’offre de logements estimé par la SCHL de 3,5 millions d’unités en 2030 est près de trois fois plus élevé que l’estimation du DPB de 1,3 million d’unités. Cette différence reflète sans doute le retour de l’abordabilité du logement aux conditions très favorables ciblées dans l’approche de la SCHL.
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Si l’on regroupe les projections de référence pour le nombre net d’habitations achevées et les estimations de l’écart, l’analyse de la SCHL indique qu’il faudra 5,1 millions d’unités de 2023 à 2030 (un nombre net de 639 000 habitations achevées par année en moyenne). Cette projection est de loin supérieure à celle du DPB de 3,1 millions d’unités de 2024 à 2030 (un nombre net de 436 000 habitations achevées par année en moyenne).
Introduction
En septembre 2023, Statistique Canada a présenté ses estimations démographiques annuelles, qui montraient que la population du Canada avait augmenté de 1,2 million de personnes (2,9 %) – soit le taux de croissance le plus élevé depuis 1957 – pour s’établir à un nombre estimé de 40,1 millions en date du 1er juillet 2023. Selon Statistique Canada, 98 % de cette croissance découlait de la migration internationale (nette), le nombre de résidents non permanents au Canada ayant augmenté de 46 % une proportion record.
Dans son Rapport sur la politique monétaire, la Banque du Canada a fait remarquer que « [l]a contrainte structurelle sur l’offre de logement est intensifiée par l’augmentation du nombre de nouveaux arrivants, plus importante que par le passé ». En fait, la Banque a estimé que l’afflux accru de nouveaux arrivants avait contribué à la baisse du taux d’inoccupation – soit le nombre de logements vacants à vendre ou à louer par rapport au stock de logements total – vers ses plus bas niveaux historiques.
Ce rapport fait fond sur une analyse antérieure de la formation de ménages et du stock de logements du DPB[^1]. Le rapport ne fait qu’évaluer les déséquilibres liés au logement à l’échelle nationale, ce qui peut masquer des écarts importants entre les régions.
Le rapport présente d’abord des estimations historiques de la formation de ménages et fournit une estimation de la non-formation de ménages en 2021. Nous présentons ensuite l’estimation du stock de logements du DPB et le taux d’inoccupation total de 2000 à 2023.
Le rapport expose ensuite des perspectives à moyen terme pour le taux d’inoccupation total et présente une estimation de l’« écart de l’offre de logements », à savoir le nombre projeté de logements supplémentaires requis pour équilibrer l’offre et la demande en matière de logement selon le taux d’inoccupation total. Pour conclure, le rapport présente une analyse de sensibilité de notre estimation de l’écart de l’offre de logements selon des scénarios possibles de construction et de croissance de la population.
Ménages et formation de ménages
Estimer le nombre de ménages
Dans le présent rapport, comme dans le cadre des recensements, « ménage » s’entend d’une personne ou d’un groupe de personnes (autres que des résidents étrangers) occupant un logement privé et n’ayant pas de lieu habituel de résidence ailleurs au Canada. La formation de ménages représente le changement net dans le nombre de ménages.
Afin de créer des estimations historiques du nombre de ménages, les taux de chefs de ménage fondés sur les recensements (c’est-à-dire, le rapport entre le nombre de chefs de ménage ou de soutiens de ménages et la population âgée de 15 ans et plus) sont multipliés par les estimations de la population qui ont été rajustées afin de tenir compte du sous-dénombrement. Nos taux de chefs de ménage fondés sur les recensements ont été calculés pour les provinces et les territoires (combinés) parmi divers groupes d’âge. À l’échelle nationale, nos estimations du nombre de ménages représentent le regroupement de l’ensemble des provinces, des territoires et des groupes d’âge.
La figure 1 présente les estimations du nombre de ménages pour les années de recensement allant de 1971 à 2021 du DPB. Nous estimons que le nombre de ménages au Canada a plus que doublé au cours des 50 dernières années, passant de 6,2 millions de ménages en 1971 à 15,4 millions en 2021.
Statistique Canada et Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Décomposer la formation de ménages
La formation de ménages, qui s’entend de la croissance du nombre de ménages, peut être décomposée selon la croissance de la population (âgée de 15 ans et plus) et la croissance du taux de chefs de ménage regroupé.
La figure 2 montre que la formation de ménages a baissé, passant de 3,4 % (230 000 nouveaux ménages nets) annuellement, en moyenne, de 1972 à 1976, à 1,3 % (201 000) annuellement, en moyenne, de 2017 à 2021. La baisse de la formation de ménages au cours de cette période était attribuable à de fortes baisses de la croissance de la population; et de la croissance du taux de chefs de ménage regroupé. En outre, depuis 2001, la croissance de la population représente près de la totalité de la formation de ménages.
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La baisse de la contribution de la croissance de la population dans les années 1980 reflète la baisse marquée du taux de fécondité totale à la suite de la période du baby-boom (de 1946 à 1966). Cependant, la contribution moindre de la croissance du taux de chefs de ménage regroupé reflète des facteurs compensateurs.
Les groupes d’âge plus jeunes sont plus susceptibles de partager un logement et donc moins susceptibles de former des ménages que les groupes d’âges plus vieux. Compte tenu de cette tendance dans le cycle de vie, une population vieillissante donnerait lieu, toutes choses demeurant égales par ailleurs, à une augmentation du taux de chefs de ménage à mesure que la proportion de la population qui appartient aux groupes d’âge plus vieux augmente. En ce qui concerne l’évaluation des fluctuations du taux de chefs de ménage, nous donnons à ce phénomène le nom d’ « effet démographique ». Cependant, les taux de chefs de ménage propres aux groupes d’âge peuvent aussi varier dans le temps et influencer le taux de chefs de ménage regroupé. Cet « effet comportemental » peut comprendre un éventail de facteurs économiques comme les frais de logement, le chômage, les taux d’intérêt et la croissance du revenu, ainsi que de facteurs sociaux comme les attitudes à l’égard du mariage et du divorce[^2].
La figure 3 présente une estimation des apports des effets démographiques et comportementaux à l’évolution du taux de chefs de ménage regroupé de 1971 à 2021[^3]. Selon nos estimations, depuis 1976, le vieillissement de la population exerce une pression à la hausse sur le taux de chefs de ménage regroupé, et représente plus des trois quarts de l’augmentation du taux de chefs de ménage regroupé observé de 1971 à 2021. Cependant, depuis 2001, les augmentations du taux chefs de ménage regroupé se sont atténuées, étant donné que les effets comportementaux ont tempéré la pression à la hausse exercée par le vieillissement de la population.
Statistique Canada et Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Afin d’estimer la formation de ménages au-delà de 2021, nous avons supposé que les taux de chefs de ménage provinciaux et territoriaux propres aux groupes d’âge demeureraient à leurs niveaux de 2021. Par conséquent, nos estimations de la formation de ménages en 2022 et en 2023 ne reflètent que les changements démographiques et ne saisissent donc pas les changements des effets comportementaux après 2021. Compte tenu de ces hypothèses, nous estimons qu’un nombre record de 460 000 (net) nouveaux ménages ont été formés en 2023, ce qui porte le nombre total de ménages au Canada à 16,2 millions.
Non-formation de ménages
Moffatt (2022) indique que (traduction) « le nombre de ménages est intrinsèquement fonction du nombre de maisons, ce qui signifie que les deux ne sauraient être traitées de façon indépendante ». Afin de fournir une estimation de la demande en logements, il faut donc tenir compte de la non-formation de ménages, c’est-à-dire le nombre de ménages qui « auraient été formés, n’eût été l’absence d’options accessibles »[^4].
Afin d’estimer la formation de ménages inhibée en fonction des plus récentes données des recensements disponibles, nous nous appuyons sur Moffatt (2022) et adoptons la base de référence du « reste du Canada », où le reste du Canada exclut l’Ontario et la Colombie-Britannique[^5].
Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), les résidents de l’Ontario et de la Colombie-Britannique sont exposés au ratio des coûts du logement au revenu le plus élevé et consacrent en moyenne plus de 55 % du revenu du ménage aux coûts de logement.[^6] C’est aussi dans ces deux provinces que l’on trouve les taux de chefs de ménage les moins élevés dans la plupart des groupes d’âge. C’est particulièrement évident pour le groupe d’âge des 25 à 34 ans (figure 4), celui où les adultes sont les plus susceptibles de créer leur propre ménage. Même si le taux de chefs de ménage de ce groupe d’âge a été relativement stable pour le reste du Canada, il baisse de façon constante dans les deux provinces où les coûts de logement relatifs sont les plus élevés.
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Selon la base de référence du reste du Canada, nous estimons que la non-formation de ménages s’établissait à 631 000 ménages en 2021. Autrement dit, le nombre de ménages en 2021 au Canada aurait compté 631 000 ménages (4,1 %) de plus si des options de logement accessibles avaient existé.
Cette donnée fait ressortir un défi de plus pour le marché du logement, étant donné que l’offre, non seulement doit composer avec la demande des ménages existants et des nouveaux arrivants au Canada, mais aussi avec celle des particuliers, surtout les jeunes adultes, qui reportent peut-être la formation d’un ménage.
Stock de logements
Estimer le nombre de logements
Afin d’estimer le stock de logements au Canada de 2000 à 2023, nous adoptons une approche utilisée par la Banque du Canada dans sa récente analyse de l’offre de logements pour calculer le taux d’inoccupation total[^7]. Cette approche[^8] est rajustée afin de tenir compte du sous-dénombrement du recensement et extrapole le stock de logements de 2001 au moyen de flux d’habitations achevées, de transformations (c’est-à-dire, « des logements supplémentaires créés à partir d’immeubles non résidentiels ou d’autres types d’unités résidentielles ») et de démolitions. L’équation suivante décrit l’évolution du stock de logements :
Stock de logementst = Stock de logementst -1 + Logements achevést + Logements transformést – Logements démolist
La figure 5 montre la contribution au stock de logements des flux annuels de logements achevés, transformés et démolis. Les logements achevés sont la source la plus importante des ajouts au stock de logements, les démolitions neutralisant de loin les augmentations attribuables aux transformations. Le nombre net d’habitations achevés se définit comme la somme des logements achevés et transformés, moins les logements démolis.
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Pour l'année 2023, le nombre total de projets achevés à l'échelle nationale a été estimé en utilisant la relation historique entre le nombre total de projets achevés et le nombre total de projets achevés dans les RMR.
Nous estimons que le stock de logements a augmenté de 4,5 millions d’unités d’habitation, passant de 12,6 millions d’unités en 2000 à 17,1 millions en 2023 (figure 6). Cette augmentation représente 195 000 habitations achevées nettes en moyenne annuellement.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Taux d’inoccupation
La figure 7 compare nos estimations (annuelles) de la formation de ménages et le nombre net d’habitations achevées fourni par Statistique Canada[^9]. Il est important de mentionner que nos estimations de la formation de ménages pour 2022 et 2023 ne reflètent que des facteurs démographiques (à savoir, la croissance de la population et le vieillissement de la population).
Depuis 2015, et avant le début de la pandémie, en 2020, la formation de ménages augmentait de façon constante, atteignant 238 000 en 2019. En revanche, le nombre net d’habitations achevées est resté relativement stable, à 188 000 unités en moyenne au cours de la même période. Nos estimations démographiques fondées sur la demande donnent à penser que la formation de ménages a augmenté de façon marquée, dépassant ses niveaux d’avant la pandémie, en 2022 et en 2023, et bien au-delà du nombre net d’habitations achevées.
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L’évaluation du nombre d’habitations achevées par rapport à la formation de ménages permet de jauger le déséquilibre dans les « flux » du logement, mais le taux d’inoccupation totale offre un point de vue plus complet en termes de stock du déséquilibre dans le marché du logement. Le Congressional Budget Office des États-Unis fait remarquer que le taux d’inoccupation est (traduction) « une mesure clé de l’équilibre entre l’offre et la demande dans le marché du logement »[^10].
Le taux d’inoccupation total représente le nombre de logements vacants, à vendre ou à louer, par rapport au stock total de logements, ce qui comprend les logements occupés et vacants[^11]. Le fait de comparer le taux d’inoccupation actuel à sa moyenne historique à long terme permet d’obtenir une mesure du déséquilibre dans le marché du logement[^12].
Un taux d’inoccupation supérieur à sa moyenne historique indique une offre excédentaire dans le marché du logement, ce qui exercerait une pression à la baisse sur le prix des maisons et sur les loyers. De même, un taux d’inoccupation inférieur à sa moyenne historique indique une demande excédentaire, ce qui exercerait une pression à la hausse sur le prix des maisons et sur les loyers.
Pour calculer le nombre de logements vacants résiduels, nous soustrayons nos estimations du nombre de ménages de nos estimations du stock de logements. Étant donné que, par définition, un ménage doit occuper une maison privée, nous déterminons que le nombre d’habitations occupées est équivalent à notre estimation du nombre de ménages.
Le taux d’inoccupation a atteint un creux record de 5,1 % en 2023, soit 1,8 point de pourcentage de moins que sa moyenne historique de 6,9 % de 2000 à 2019 (figure 8), ce qui reflète l’augmentation inégalée de la formation de ménages. La dégradation du taux d’inoccupation indique une croissance de la demande excédentaire, ce qui exerce une pression à la hausse supplémentaire sur le prix des maisons et sur les loyers.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Perspectives à moyen terme
En préparant ses Perspectives économiques et financières (PEF), le DPB ne produit pas de projection du stock de logements en unités et de ses flux sous-jacents (à savoir, les logements achevés, transformés et démolis).
Éclairés par nos perspectives liées à l’investissement résidentiel présentées dans les PEF de mars, afin de créer un profil de référence pour le stock de logements, nous supposons que le nombre net d’habitations achevées est de 255 000 logements par année et que ce rythme sera maintenu de 2024 à 2030 (Figure 9). Ce chiffre est un peu plus élevé que le nombre record net d’habitations achevées en 2023 (242 000 unités). Ces perspectives reflètent un statu quo politique et n’incluent aucune mesure récemment annoncée incluse dans le Budget 2024.
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La période de prévision va de 2024 à 2030.
Selon notre rythme supposé d’achèvements nets, le stock de logements du Canada atteindrait, en 2030, 18,8 millions de logements, soit une augmentation de 10,5 % par rapport à 2023.
Afin de créer une projection de référence de la formation de ménages après 2021, nous avons supposé que les taux de chefs de ménage provinciaux propres aux groupes d’âge demeureraient à leurs niveaux de 2021. Ces taux de chefs de ménage ont ensuite été appliqués aux estimations de la population de Statistique Canada pour 2023, et par la suite à une version récemment mise à jour du scénario M1 de Statistique Canada qui reflète davantage les tendances récentes dans le flux de résidents non permanents et de l’immigration[^13]. Par conséquent, nos perspectives relatives à la formation de ménages ne reflètent que des facteurs démographiques (croissance de la population naturelle et migratoire et vieillissement de la population).
Selon nos projections, la formation des ménages atteindra en moyenne 272 000 ménages par année de 2024 à 2030 (figure 10). D’après notre projection, le nombre de ménages au Canada atteindrait 18,1 millions en 2030, soit une augmentation de 11,8 % par rapport à 2023. Le tableau 1 montre le nombre projeté de ménages par provinces et dans les territoires (regroupés) en 2023 et en 2030.
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La période de prévision va de 2024 à 2030. Les estimations pour 2022 et 2023 et les prévisions pour 2024 à 2030 ne reflètent que la demande démographique en logement.
Dans notre projection de référence, la formation de ménage prend une avance considérable sur le nombre net d’habitations achevées (272 000 ménages par rapport à 255 000 unités d’habitation par année en moyenne). Ce déséquilibre dans les flux du marché du logement donne lieu à une baisse du taux d’inoccupation total, qui s’établira à 3,9 % en 2025 avant de se stabiliser à 4,0 % environ d’ici 2030 (figure 11).
Étant donné que le taux d’inoccupation devrait baisser davantage et demeurer loin de sa moyenne historique à long terme, la demande excédentaire dans le marché du logement s’intensifierait selon nos perspectives de référence.
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La période de prévision va de 2024 à 2030.
Écart de l’offre de logements
L’évaluation du déséquilibre dans le marché du logement en comparant le taux d’inoccupation total à sa moyenne historique à long terme fournit un cadre naturel pour estimer l’écart de l’offre de logements au Canada à l’échelle nationale. Une telle approche doit cependant être modifiée afin de tenir compte de la non-formation de ménages.
À l’échelle nationale, nous définissons l’écart de l’offre de logements en tant que nombre de logements additionnels qui seraient requis pour ramener le taux d’inoccupation total à sa moyenne à long terme d’ici 2030, en tenant compte de la non-formation de ménages. Autrement dit, il s’agit du nombre net d’habitations achevées supplémentaires requis pour éliminer toute demande démographique excédentaire et la non-formation de ménages, ainsi que tout écart restant entre le taux d’inoccupation total et son niveau moyen observé de 2000 à 2019.
Dans nos perspectives de référence, la dégradation du taux d’inoccupation reflète notre attente selon laquelle la construction de logement selon la politique du statu quo ne suivra pas le rythme de la demande démographique. Selon nos perspectives de référence, le nombre net d’habitations achevées de 255 000 par année est maintenu de 2024 à 2030, mais ne parvient pas à suivre le rythme de la formation de ménages (272 000 annuellement en moyenne).
Afin d’éliminer cette demande démographique excédentaire dans les perspectives de référence (c’est-à-dire, la formation de ménages projetée moins le nombre net d’habitations achevées), nous estimons que 385 000 unités d’habitation supplémentaires seraient nécessaires (tableau 2)[^14].
En fonction de l’hypothèse selon laquelle la non-formation de ménages demeure inchangée à notre niveau estimé en 2021, il faudrait 631 000 unités de plus pour éliminer la non-formation de ménages.
Malgré l’élimination de la demande démographique excédentaire et la non-formation de ménages, le taux d’inoccupation projeté en 2030 demeure inférieur à sa moyenne de 2000 à 2019. Il faudrait 250 000 unités d’habitation de plus pour ramener le taux d’inoccupation à sa moyenne historique à long terme d’ici 2030.
Au total, par rapport à nos perspectives de référence, nous estimons que l’achèvement de 1,3 million d’unités d’habitation additionnelles, soit 181 000 unités annuellement en moyenne de 2024 à 2030 serait nécessaire d’ici 2030 pour éliminer l’écart de l’offre de logements au Canada.
Conjuguée à nos perspectives de référence, l’élimination de l’écart de l’offre de logements nécessiterait l’achèvement net de 3,1 millions d’unités d’habitation d’ici 2030, ce qui est équivalent à l’achèvement de 436 000 unités par année en moyenne de 2024 à 2030. Ce rythme d’achèvement représenterait une augmentation de 80 % au-dessus du niveau record d’habitations achevées en 2023 maintenue pendant 7 ans.
D’après nos estimations et notre cadre, l’augmentation du stock de logements de 3,1 millions de logements d’ici 2030 éliminerait théoriquement la contribution de la demande excédentaire en tant que facteur des coûts du logement; cependant, cela ne suffirait pas à apaiser entièrement les préoccupations liées à l’abordabilité dans l’ensemble des provinces et des territoires. D’autres facteurs, comme le revenu des ménages, les taux d’intérêt et les disparités régionales, devraient aussi être pris en considération. En outre, la répartition géographique et les caractéristiques fondamentales de ces unités supplémentaires devraient être harmonisées avec le côté demande pour améliorer l’équilibre dans les marchés du logement.
Dans sa mise à jour de septembre 2023, la SCHL estimait que l’écart de l’offre de logements au Canada s’établissait à 3,5 millions de logements. L’écart de l’offre de logements de la SCHL représente les logements supplémentaires requis pour rétablir l’abordabilité du logement à des niveaux « observés pour la dernière fois vers 2004 » d’ici 2030.
L’écart de l’offre de logements estimé par la SCHL de 3,5 millions d’unités en 2030 est près de trois fois plus élevé que l’estimation du DPB de 1,3 million d’unités. Cette différence reflète sans doute le retour de l’abordabilité du logement aux conditions très favorables ciblées dans l’approche de la SCHL.
À l’instar de l’approche du DPB, l’écart de l’offre de logements de la SCHL s’ajoute aux logements construits selon une projection de référence. Selon cette base de référence, la SCHL prévoyait que 1,7 million de logements seraient construits (sur une base nette) de 2023 à 2030, soit l’équivalent d’un nombre net de 208 000 habitations construites par année en moyenne. Ce rythme de construction de logement est de beaucoup inférieur à la base de référence de 255 000 unités supposée par le DPB de 2024 à 2030.
Si l’on regroupe les projections de référence pour le nombre net d’habitations achevées et les estimations de l’écart, l’analyse de la SCHL indique qu’il faudra 5,1 millions d’unités de 2023 à 2030 (un nombre net de 639 000 habitations achevées par année en moyenne). Cette projection est de loin supérieure à celle du DPB de 3,1 millions d’unités de 2024 à 2030 (un nombre net de 436 000 habitations achevées par année en moyenne).
Analyse de sensibilité
Étant donné l’incertitude entourant nos perspectives à moyen terme, nous tenons compte de scénarios alternatifs de construction et de croissance de la population afin de déterminer la sensibilité de notre estimation de référence de l’écart de l’offre de logements. Ces scénarios visent à illustrer l’incidence des changements du côté de l’offre et de la demande du marché du logement à l’échelle nationale.
Selon notre scénario où la construction augmente, le nombre net d’habitations achevées est de 25 000 unités de plus par année, ce qui donne lieu à 280 000 habitations achevées annuellement de 2024 à 2030. Selon notre scénario où la construction baisse, le nombre net d’habitations achevées est de 25 000 unités de moins par année, ce qui donne lieu à 230 000 habitations achevées annuellement de 2024 à 2030. Selon ces scénarios, le stock de logements en 2030 varie de 18,7 millions d’unités (baisse de la construction) à 19,0 millions (augmentation de la construction).
En ce qui concerne la formation des ménages, nos scénarios de rechange se fondent sur une projection de croissance de la population plus élevée (sous l’effet de l’augmentation du taux de fécondité, d’une plus grande espérance de vie, de taux d’immigration plus élevés et d’un niveau plus élevé de résidents non permanents), et d’une projection de croissance de la population inférieure (sous l’effet de la baisse du taux de fécondité, d’une moins grande espérance de vie, de taux d’immigration plus bas et d’un niveau plus bas de résidents non permanents)[^15]. Dans ces scénarios, le nombre total de ménages en 2030 varie de 17,7 millions (croissance de la population plus faible) à 18,6 millions (croissance de la population plus élevée).
L’interaction entre ces scénarios donne lieu à une fourchette d’estimations illustrative de l’écart de l’offre de logements (tableau 3). Dans les scénarios de construction plus élevée et de croissance de la population plus faible, notre estimation de l’écart de l’offre de logements en 2030 baisserait pour s’établir à 0,7 million d’unités. Dans les scénarios de construction plus faible et de croissance de la population plus élevée, notre estimation de l’écart de l’offre de logements en 2030 augmenterait pour s’établir à 1,9 million d’unités.
Communications
Citation
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Combinée à nos perspectives de référence pour la création de nouveaux logements, combler le manque de logements au Canada nécessiterait l’achèvement net de 3,1 millions d’unités d’habitation d’ici 2030, ce qui équivaut à 436 000 unités par année en moyenne de 2024 à 2030. Ce rythme représenterait une augmentation de 80 % au-dessus du niveau record d’habitations achevées en 2023, maintenue pendant 7 ans.
Directeur parlementaire du budget