[{"label":"Accueil","url":"https:\/\/www.pbo-dpb.ca\/fr"},{"label":"Publications","url":"https:\/\/www.pbo-dpb.ca\/fr\/publications"},{"label":"R\u00e9activit\u00e9 du revenu imposable aux changements des taux d\u2019imposition du revenu des petites entreprises","url":"https:\/\/www.pbo-dpb.ca\/fr\/publications\/RP-2324-005-S--responsiveness-taxable-income-changes-in-corporate-income-tax-rate-small-businesses--reactivite-revenu-imposable-changements-taux-imposition-revenu-petites-entreprises"}]

Réactivité du revenu imposable aux changements des taux d’imposition du revenu des petites entreprises

Ce rapport présente une estimation de la réponse (communément appelée « élasticité » dans la littérature scientifique) du revenu imposable à un changement au taux d’imposition du revenu des sociétés. Une estimation fiable de cette réponse permet de mieux évaluer l’effet des changements proposés au régime fiscal des sociétés sur les recettes fédérales.

Résumé

À l’instar des particuliers, les sociétés réagissent aux changements apportés à leurs taux d’imposition. Une augmentation du taux d’imposition des sociétés n’entraînera pas nécessairement une augmentation des recettes fiscales du même ordre. En effet, les sociétés peuvent réduire leur revenu imposable en réaction à une augmentation d’impôt. Dans la littérature économique, cette réponse est appelée élasticité du revenu imposable des sociétés (ERIS), concept permettant de mesurer la sensibilité du revenu imposable à l’impôt.

Le présent rapport vise à évaluer l’ampleur des effets qu’auraient des changements au taux d’imposition du revenu des sociétés sur le revenu imposable des sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC). La méthode du regroupement est utilisée pour estimer l’ERIS. En l’occurrence, on utilise les données administratives de l’entreprise indiquées dans les déclarations de revenus T2 des sociétés de 2008 à 2019. Cette méthode empirique utilise des changements aux incitatifs créés par des changements ponctuels dans le régime fiscal à un point précis, appelé coude. Le rapport utilise le changement à 500 000 $ de revenu imposable du taux d’imposition marginal des SPCC admissibles à la déduction accordée aux petites entreprises comme coude.

Nous constatons que l’élasticité du revenu imposable des SPCC varie de 0,26 au Nouveau‑Brunswick à 1,43 en Alberta. Le tableau sommaire 1 présente les résultats de notre estimation de l’élasticité par province ainsi qu’un intervalle de confiance de 95 %.

Ce rapport offre aussi un exemple d’application des élasticités estimées à une estimation des recettes engendrées par une augmentation du taux d’imposition des petites entreprises à l’aide des données fiscales de 2019. La prise en compte de la réponse comportementale des SPCC à la suite d’une augmentation d’un point de pourcentage du taux d’imposition fédéral des petites entreprises réduit de 7,6 % les recettes fédérales estimatives par rapport à l’estimation où aucun changement comportemental n’est incorporé. En d’autres termes, ne pas considérer la réponse comportementale entraîne une surestimation de l’augmentation des recettes fiscales fédérales de l’ordre de 8,2 %.

Introduction

À l’instar des particuliers, les sociétés réagissent aux changements apportés à leurs taux d’imposition. Une augmentation du taux d’imposition des sociétés n’entraînera pas nécessairement une augmentation des recettes fiscales du même ordre. En effet, les sociétés peuvent réduire le revenu imposable qu’elles déclareront, soit en réduisant leur activité économique réelle (par exemple, en relocalisant certaines activités de production dans une autre province), soit en effectuant des changements « de façade » ayant une incidence sur la façon de déclarer les revenus à des fins fiscales (par exemple, en déclarant des pertes autres qu’en capital d’une année antérieure). Dans la littérature économique, cette réponse est généralement appelée élasticité du revenu imposable des sociétés (ERIS), concept permettant de mesurer la sensibilité du revenu imposable à l’impôt.

La littérature fournit plusieurs estimations de l’élasticité du revenu imposable à l’égard des changements apportés au taux d’imposition du revenu des sociétés[^1]. Ces estimations varient grandement selon le pays étudié ainsi que les données et la méthode employée. À notre connaissance, seuls deux articles publiés dans des revues à comité de lecture ont tenté d’évaluer l’élasticité du revenu imposable des sociétés dans le contexte canadien[^2]. Cependant, ces deux documents portent sur l’écart des taux d’imposition des sociétés entre les provinces et le transfert interprovincial des revenus qui en résulte.

Le présent rapport vise à évaluer l’ampleur des effets qu’auraient des changements au taux d’imposition du revenu des sociétés sur le revenu imposable des sociétés privées sous contrôle canadien. L’élasticité est une donnée essentielle pour évaluer l’incidence qu’auraient sur les recettes des changements proposés au taux d’imposition des sociétés. La méthode du regroupement est utilisée pour estimer l’ERIS. Cette approche utilise les données administratives de l’entreprise indiquées dans les déclarations de revenus T2 des sociétés de l’Agence du revenu du Canada, ainsi que les caractéristiques du régime fiscal canadien pour susciter des réponses comportementales.

Les estimations obtenues, fondées sur le taux d’imposition fédéral‑provincial combiné prévu par la loi, sont aisément utilisables pour évaluer les changements au taux d’imposition fédéral pour les petites entreprises. Nous constatons que l’élasticité du revenu imposable des SPCC varie de 0,26 au Nouveau‑Brunswick à 1,43 en Alberta.

Le reste du rapport va comme suit : la prochaine section expose brièvement la méthodologie employée; la section 2 présente les données utilisées aux fins de l’estimation; la section 3 résume les principaux résultats; la section 4 applique notre estimation de l’élasticité aux recettes à la suite d’un changement au taux d’imposition fédéral pour les petites entreprises et la section 5 présente la conclusion.

1. Méthodologie

Ce rapport utilise la méthode du regroupement. Cette méthode empirique mise au point par Saez (2010) et Chetty et coll. (2011) utilise des changements aux incitatifs créés par des changements ponctuels dans le régime d’imposition et de transfert à un point précis. Dans le cas présent, le changement d’intérêt est un changement ponctuel au taux marginal d’imposition du revenu imposable des SPCC. Le point où survient un changement dans le taux d’imposition est appelé coude. Par exemple, le taux d’imposition de la SPCC changera lorsque son revenu imposable atteindra 500 000 $ (limite pour la déduction accordée aux petites entreprises (DAPE)), c’est‑à‑dire que le revenu au-dessus de ce seuil sera imposé à un taux plus élevé que le revenu situé sous ce seuil.  

La présence d’un coude dans le barème d’imposition incitera certaines entreprises à ne pas faire passer leurs revenus légèrement au‑dessus du seuil parce que le coût marginal serait supérieur au revenu supplémentaire. Ainsi, vu la présence de ce changement ponctuel du taux marginal d’imposition, on pourrait en théorie s’attendre à ce que beaucoup d’entreprises aient un revenu situé exactement sur le seuil et à ce que peu d’entreprises aient un revenu situé juste au-dessus du coude. Autrement dit, les entreprises se « regrouperont » au coude.

Cette prévision théorique est observable dans les données fiscales des sociétés canadiennes. La Figure 1 montre la répartition empirique des SPCC admissibles à la DAPE en Ontario de 2012 à 2015 autour du coude de 500 000 $. Une concentration importante de sociétés se trouve autour de ce coude. Sans ce point, la courbe de la figure serait plus plate, comme cela est le cas lorsqu’on s’éloigne du coude, là où il n’y a pas de changement ponctuel au taux d’imposition des sociétés. Nous appelons « regroupement » les entreprises qui se trouvent au coude en plus grand nombre que dans le scénario hypothétique où il n’y aurait pas de coude.

Données administratives T2;

Statistique Canada.

Données administratives T2;

Statistique Canada.

L’approche du regroupement montre essentiellement que plus les sociétés se regroupent en réduisant leurs revenus au coude, plus elles sont sensibles aux changements du taux d’imposition; c’est‑à‑dire que plus l’élasticité du revenu imposable est grande, plus la concentration sera importante.

Pour motiver cette approche montrant qu’il existe un lien entre la concentration et le paramètre de l’élasticité, nous utilisons un modèle néoclassique de l’entreprise où celle-ci tente de maximiser sa valeur pour les actionnaires. L’annexe C offre plus de détails sur ce modèle.

Pour estimer l’élasticité du revenu imposable des sociétés à partir de cette concentration, nous appliquons la méthodologie de Bertanha, McCallum et Seegert (2022)[^3]. Cette méthode repose sur le fait que le regroupement peut être présenté sous la forme d’un modèle de régression censurée. Plus précisément, elle utilise un modèle Tobit mi-censuré pour déterminer l’élasticité en utilisant des données tronquées dans un intervalle autour du coude.

Enfin, la prévision théorique selon laquelle chaque société faisant partie du regroupement choisira le revenu imposable situé exactement au coude est très forte. Comme le montre la Figure 1, on observe une concentration accrue autour du coude de 500 000 $ et non pas seulement exactement au coude. En pratique, cette situation peut s’expliquer par de nombreux facteurs, dont les frictions d’optimisation comme les coûts de rajustement, pouvant empêcher les sociétés de choisir le niveau de revenu imposable idéal. Il peut aussi s’agir d’erreurs de mesure ou d’autres distorsions. Théoriquement, ces sociétés tentent de se regrouper au coude et devraient donc être comptées dans la concentration sur laquelle repose l’élasticité. Pour faire face à ce problème, nous employons une méthode de filtrage qui applique un polynôme à la répartition empirique du revenu imposable, excluant les observations dans un intervalle désigné autour du coude, afin de créer une répartition hypothétique dans l’intervalle exclu. À l’aide de cette répartition, nous obtenons un revenu imposable « filtré » pour chaque observation des données, à partir duquel nous pouvons estimer l’élasticité du revenu imposable[^4].

2. Données

Nous avons utilisé les données du Système de traitement des déclarations de revenus des sociétés (CORTAX), qui contient toutes les déclarations et annexes T2 produites par les sociétés canadiennes depuis 2000. Le système intègre en moyenne quelque deux millions de déclarations de revenus par année. Cette base de données est générée par l’Agence du revenu du Canada et mise à la disposition de Statistique Canada. Les chercheurs du DPB ont eu accès à une version anonymisée des microdonnées par l’entremise du Centre canadien d’élaboration de données et de recherche économique (CDRE) de Statistique Canada.

Nous avons construit plusieurs échantillons, chacun regroupant les sociétés assujetties au même taux d’imposition fédéral‑provincial combiné prévu par la loi, avant et après le coude sur une même année d’imposition donnée. Un tableau des taux d’imposition des sociétés par année et province est présenté à l’annexe A et la liste complète des sous‑échantillons et de leurs caractéristiques est présentée à l’annexe B.

Les sociétés admissibles à la déduction accordée aux petites entreprises (DAPE) sont assujetties à un taux d’imposition moins élevé pour leurs premiers 500 000 $ de revenu imposable (appelé plafond des affaires). Le revenu imposable excédant 500 000 $ est ensuite imposé au taux général d’imposition du revenu des sociétés. Par exemple, l’échantillon 16 comprend les sociétés en Ontario dont l’année d’imposition commence le 1er janvier 2012 ou après et se termine le 31 décembre 2015 ou avant. Ces sociétés étaient assujetties à un taux combiné de 15,5 % (taux fédéral de 11 % et taux provincial de 4,5 %) pour leurs premiers 500 000 $ de revenu imposable, puis à un taux combiné de 26,5 % (taux fédéral de 15 % et taux provincial de 11,5 %) après le coude.

Dans certains cas, le plafond des affaires d’une SPCC peut être inférieur à 500 000 $[^5]. Pour les sociétés ayant un plafond des affaires différent, le coude ne se situerait pas au même niveau de revenu imposable et celles-ci seraient donc incitées à se regrouper à un niveau différent. Pour éviter que ces sociétés ne « contaminent » la répartition autour du coude de 500 000 $, nous les avons exclues de tous les échantillons[^6]. Les sociétés inactives ont également été exclues[^7].

Les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) considérées comme « petites », c’est‑à‑dire que leur capital imposable total est inférieur à 10 millions de dollars, sont admissibles à la DAPE. La DAPE assujettit la société à un taux d’imposition fédéral et provincial inférieur pour les premiers 500 000 $ de revenu imposable (appelé plafond des affaires). Le plafond des affaires est graduellement réduit si la SPCC gagne entre 50 000 $ et 150 000 $ en revenu de placement passif ou si son capital imposable total se situe entre 10 millions et 50 millions de dollars. Tout le revenu imposable des sociétés qui ne sont pas des SPCC (sociétés cotées en bourse et autres sociétés privées) est assujetti au taux général d’imposition du revenu des sociétés.

3. Résultats de l’estimation

Le Tableau 1 présente les résultats de notre estimation de l’élasticité par province ainsi qu’un intervalle de confiance de 95 %[^8]. Comme l’indique l’annexe B, certaines provinces sont représentées dans plus d’un échantillon. Pour ces provinces, l’élasticité présentée dans le tableau représente la moyenne des échantillons, pondérée avec l’inverse de la variance[^9].

Les estimations varient de 0,26 au Nouveau-Brunswick à 1,43 en Alberta. L’estimation de l’élasticité des SPCC tend à être plus élevée dans les provinces où les revenus pétroliers et gaziers sont importants (Terre‑Neuve‑et‑Labrador, Saskatchewan et Alberta), ce qui pourrait indiquer des différences propres à chaque industrie. Malheureusement, les codes du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN) indiqués dans les données fiscales sont déclarés par les entreprises elles‑mêmes et sont manquantes pour environ 20 % des SPCC, de sorte qu’ils ne permettent pas d’arriver à une estimation solide par industrie.

Ces estimations sont légèrement supérieures à ce que l’on retrouve dans la littérature, par exemple dans Gruber et Rauh (2007), mais elles sont semblables à celle de Coles et coll. (2022). Les auteurs ont également constaté que les petites sociétés privées aux États‑Unis sont plus sensibles aux changements du taux d’imposition que les sociétés publiques, étant plus libres d’utiliser des techniques de gestion des bénéfices pour réduire leur revenu imposable. Il est raisonnable de supposer que les sociétés privées canadiennes ont elles aussi une plus grande marge de manœuvre dans la présentation de leur information financière, ce qui pourrait très bien expliquer les élasticités plus élevées obtenues dans notre analyse.

4. Exemple d’application

Le DPB a conçu un modèle de microsimulation utilisé pour estimer les changements dans les recettes du gouvernement fédéral découlant de modifications apportées au régime fiscal des sociétés[^10]. Le modèle calcule de façon mécanique l’incidence d’un changement fiscal sur les recettes. Par exemple, si une société a un revenu imposable de 100 000 $ et qu’elle est assujettie au taux fédéral d’imposition des petites entreprises de 9 %, elle paiera un impôt de 9 000 $ (100 000 $ * 9 %) selon le scénario de référence (c.‑à‑d. le système actuel). Si nous voulions mesurer l’effet qu’aurait une augmentation du taux d’un point de pourcentage (en le faisant passer à 10 %) sur les recettes fiscales, notre modèle calculerait l’impôt à payer de la façon suivante : 100 000 $ * 10 %, ce qui donnerait un impôt à payer de 10 000 $. Ainsi, l’effet de cette augmentation du taux d’imposition sur les recettes fiscales serait de 1 000 $ (10 000 $ - 9 000 $).

L’effet comportemental peut être mesuré à l’aide de la formule suivante :

$$dRI=\ -e\ast RI\ast d\tau/(1-\tau)$$

$dRI$ représentant le changement du revenu imposable déclaré, $e$ représentant l’élasticité du revenu imposable de la société (ERIS), $RI$ représentant le revenu imposable déclaré par la société avant l’augmentation du taux d’imposition, $d\tau$ représentant le changement du taux d’imposition et d\tau représentant le taux d’imposition combiné fédéral et provincial avant l’augmentation.

En supposant une ERIS de 0,5 et un taux d’imposition des petites entreprises de 3 %, nous pouvons insérer ces valeurs et celles de l’exemple précédent dans la formule ci-dessus et obtenir un changement de ‑568,18 $ à l’égard du revenu imposable déclaré. Par conséquent, en réaction à une augmentation d’un point de pourcentage du taux fédéral d’imposition des sociétés, la société déclarerait maintenant un revenu imposable de 99 431,82 $ seulement. En multipliant ce montant par le nouveau taux d’imposition de 10 %, nous obtenons des recettes fiscales de 9 943,18 $. Ainsi, en tenant compte de l’effet comportemental, nous constatons que l’augmentation des recettes fiscales n’est que de 943,18 $, plutôt que de 1 000 $ comme nous l’avions prévu à l’aide du calcul mécanique, ce qui représente une réduction de 56,82 $ (-5,7 %) par rapport à notre estimation automatique. En supposant une ERIS de 1,0, la réduction serait égale à 113,64 $ (-11,4 %).

En utilisant les estimations de l’élasticité indiquées à la section 3, le

Tableau 2 présente l’effet sur les recettes fédérales d’une augmentation d’un point de pourcentage du taux d’imposition des petites entreprises (ce qui correspond à une diminution d’un point de pourcentage du taux de la déduction accordée aux petites entreprises). Les augmentations de recettes sont calculées à l’aide de notre modèle de microsimulation[^11].

Dans l’estimation mécanique, l’augmentation se traduit par des recettes fédérales supplémentaires de 1 100,4 millions de dollars. Cependant, lorsque nous tenons compte du facteur comportemental, l’augmentation des recettes fédérales est estimée à 1 017,1 millions de dollars. Ainsi, ne pas prendre en compte la réponse comportementale des SPCC à la suite d’une augmentation du taux d’imposition surestime de 8,2 % l’augmentation des recettes fédérales[^12].

5. Conclusion

Les estimations présentées dans ce rapport s’appuient sur la réponse des petites SPCC et peuvent ne pas être représentatives de la réponse des grandes sociétés à l’égard des mesures fiscales. D’autres analyses pourraient être réalisées pour estimer l’élasticité des grandes entreprises assujetties au taux général d’imposition du revenu des sociétés. Toutefois, la méthodologie du regroupement requiert un changement ponctuel au barème d’imposition des entreprises. Pour les grandes sociétés, le seul coude dans le barème d’imposition se situe à un revenu imposable de zéro. En effet, un revenu négatif n’est pas imposé (assujetti à un taux de 0 %), mais dès qu’il dépasse zéro, l’entreprise est assujettie à un taux fédéral d’imposition du revenu des sociétés de 15 %, auquel s’ajoute le taux provincial d’imposition du revenu des sociétés en vigueur. L’estimation de l’ERIS à l’aide de la méthodologie du regroupement requiert d’apporter certaines modifications à l’approche utilisée dans le présent rapport, comme dans Agostini et coll. (2022) ou requiert d’utiliser une méthodologie différente, comme dans Coles et coll. (2022).

De plus, comme on le mentionne dans l’introduction, la réponse comportementale des sociétés peut englober de nombreux comportements différents. Bien que le modèle théorique utilisé pour motiver l’approche implique une réponse réelle prenant la forme d’un choix à l’égard du capital, il n’implique pas que ce que nous mesurons découle entièrement de réponses réelles. D’autres analyses pourraient être effectuées pour démêler les réponses réelles des comportements de gestion des bénéfices. En outre, les élasticités présentées dans ce rapport tiennent compte des réactions de la marge intensive, c'est-à-dire des changements dans le niveau du revenu imposable, mais ne tiennent pas compte des changements de la marge extensive, tels que la décision d'opérer ou peut-être de se délocaliser dans une autre juridiction.

Taux d’imposition fédéraux et provinciaux

Échantillons de données

Modèle

Pour obtenir une relation paramétrique entre le regroupement au coude dans le barème d’impôt et l’élasticité du revenu imposable en ce qui concerne le taux après impôt, nous utilisons un modèle d’entreprise néoclassique à deux périodes[^13].

Prenons des entreprises ayant une productivité hétérogène, désignée par $A_i$, en activité pendant deux périodes. Chaque entreprise appartient à un seul actionnaire. Au cours de la première période, l’entreprise $i$ génère des bénéfices non répartis $K_1$ et doit choisir la quantité de dividendes ( $D\geq0$ ) qu’elle versera et la quantité d’actions ( $E\geq0$ ) qu’elle émettra. Les choix que fera l’entreprise détermineront implicitement la quantité de capitaux propres qu’elle aura dans la deuxième période, c’est-à-dire $K_2=K_1+E-D$.

$$Y\left(K_2\right)=\frac{1+e}{e}{A_i^{\frac{1}{1+e}}K}_2^{\frac{e}{1+e}},$$

$$Y_i=\begin{cases}\frac{1+e}er^{-e}(1-t_0)^eA_i,\quad A_i\leq\underline{A}\\kappa,\quad\underline{A}<A_i<\overline{A}\\frac{1+e}er^{-e}(1-t_1)^eA_i,\quad A_i\geq\overline{A},&\end{cases}$$ $e$ représentant l’élasticité du revenu imposable relativement au taux après impôt. Les actionnaires peuvent aussi détenir des obligations d’État, qui produisent un taux de rendement exempt d’impôt $r>0$. Enfin, à la fin de la période 2, toutes les entreprises procèdent à leur liquidation, l’ensemble du capital et des profits étant alors remis aux actionnaires. Les entreprises sont assujetties à un régime fiscal linéaire par morceaux, où le taux d’imposition marginal du revenu imposable est $t_0$ pour $Y_i\le\kappa$ et $t_1$ pour $Y_i>\kappa$.

Le problème de l’entreprise pour ce qui est de maximiser sa valeur actuelle pour les actionnaires est le suivant :

$$\begin{aligned}\max_{\mathcal{K}_2}V=&K_1-\frac{r}{1+r}K_2+\frac{\mathbb{I}(Y(K_2)\leq\kappa)(1-t_0)Y(K_2)}{1+r}\&+\frac{\mathbb{I}(Y(K_2)>\kappa){(1-t_0)\kappa+(1-t_1)[Y(K_2)-\kappa]}}{1+r},\end{aligned}$$

$\mathbb{I}$ représentant la fonction indicatrice[^14]. La solution relative au choix du capital dans la deuxième période donne la fonction linéaire par morceaux suivante pour le revenu imposable :

$$\underline{A}=\frac{\kappa}{\frac{1+e}{e}r^{-e}\left(1-t_0\right)^e}\ \ \ and \ \ \ \overline{A}=\frac{\kappa}{\frac{1+e}{e}r^{-e}\left(1-t_1\right)^e}$$

Les entreprises ayant une productivité $A_i$, telle que $\underline{A}<A_i<\ \overline{A}$, ont une solution non intérieure et se regroupent au coude. Notons que la solution a une forme semblable à celles que l’on retrouve dans la littérature sur le regroupement dans un contexte différent, par exemple Saez (2010), et est en conformité avec le cadre présenté dans Berthanta, McCallum et Seegert (2022), où le logarithme naturel du revenu imposable est utilisé.

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