Montant estimatif d’un impôt sur les bénéfices exceptionnels
Ce rapport présente une estimation des recettes fédérales que rapporterait l’impôt sur le revenu des sociétés si un taux d’imposition supplémentaire de 15 % était appliqué aux bénéfices exceptionnels réalisés par les grandes sociétés en 2020.
Résumé
Ce rapport repose sur une demande du député Peter Julian (New Westminster-Burnaby) qui souhaitait obtenir une estimation de ce que rapporterait une « taxe sur les bénéfices exceptionnels des grandes sociétés qui engrangent des profits exorbitants pendant la pandémie[^1] ».
Le rapport évalue plus particulièrement les recettes fédérales que rapporterait l’impôt sur le revenu des sociétés si un taux d’imposition supplémentaire de 15 % était appliqué aux bénéfices :
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Réalisés au cours de l’année civile 2020;
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Réalisés par des sociétés canadiennes dont le chiffre d’affaires était supérieur à 10 millions de dollars au cours d’au moins une année entre 2016 et 2020;
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Supérieurs à ceux prévus par l’entreprise pour 2020, qui sont calculés pour chaque entreprise en multipliant sa marge bénéficiaire de la période 2014-2019 par son chiffre d’affaires total de 2020.
Cet impôt s’ajouterait au taux d’imposition du revenu des sociétés prévu par la loi, qui est actuellement de 15 %.
Nous estimons qu’un impôt sur les bénéfices exceptionnels générerait, au titre de l’impôt sur le revenu des sociétés, des recettes fiscales de 7,9 milliards de dollars pour l’année 2020.
Il s’agit d’une estimation statique. Nous ne cherchons pas à quantifier les effets de la réponse comportementale des contribuables et nous partons de l’hypothèse que des mesures complémentaires sont mises en place afin d’empêcher les sociétés visées de réduire leur charge fiscale en 2020, par exemple en appliquant des pertes ou en déplaçant la dépréciation et l’amortissement enregistrés au cours d’autres exercices.
Il convient aussi de noter qu’il ne faut pas voir dans notre estimation une preuve d’une augmentation indue des prix au cours de la pandémie. Une augmentation des bénéfices peut tenir à plusieurs facteurs, comme l’augmentation de la productivité, des économies d’échelle ou la réduction du coût des intrants.
Introduction
Ce rapport repose sur une demande du député Peter Julian (New Westminster-Burnaby) qui souhaitait obtenir une estimation de ce que rapporterait une « taxe sur les bénéfices exceptionnels des grandes sociétés qui engrangent des profits exorbitants pendant la pandémie[^2] ».
Le taux d’imposition fédéral sur le revenu des sociétés actuellement prévu par la loi est de 15 %; les entreprises admissibles à la déduction d’impôt accordée aux petites entreprises voient leur taux passer à 9 %[^3]. Ces taux d’imposition s’appliquent à tout revenu imposable des sociétés, ci-après appelé bénéfices.
La mesure fiscale proposée appliquerait un impôt supplémentaire de 15 % aux « bénéfices exceptionnels » réalisés par les grandes sociétés en 2020, de sorte que les « bénéfices exceptionnels » seraient assujettis à un taux fédéral d’imposition des sociétés de 30 %[^4].
Le demandeur a mentionné au DPB que la mesure fiscale fédérale proposée équivaudrait à une mesure semblable adoptée en temps de guerre. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Canada a assujetti à un taux d’imposition de 100 % tous les bénéfices jugés exceptionnels[^5][^6]. Les bénéfices exceptionnels étaient définis comme étant des bénéfices dépassant les « bénéfices normaux », à savoir les bénéfices annuels moyens réalisés de 1936 à 1939[^7].
Paramètres
L’impôt proposé sur les bénéfices exceptionnels s’accompagne de plusieurs paramètres et définitions fournis par le demandeur :
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Le premier paramètre essentiel concerne la définition du terme bénéfices exceptionnels. Aux fins de la demande, les bénéfices exceptionnels sont les bénéfices réalisés en 2020 qui sont supérieurs aux bénéfices qui auraient normalement été attendus en 2020 si la marge bénéficiaire de 2020 avait été égale à la marge bénéficiaire moyenne de 2014 à 2019[^8].
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Le paramètre essentiel suivant est la définition de grandes sociétés; le DPB suppose qu’il s’agit des entreprises ayant enregistré un chiffre d’affaires total (brut) de 10 millions de dollars ou plus au cours d’au moins une année pendant la période 2016-2020.
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La période constitue un autre paramètre essentiel pour l’application de l’impôt sur les bénéfices exceptionnels à tous les bénéfices exceptionnels réalisés au cours de l’année d’imposition 2020. L’année d’imposition n’étant pas nécessairement la même pour toutes les entreprises, nous avons utilisé l’année civile aux fins du présent rapport[^9].
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Le dernier paramètre essentiel est le taux d’imposition qui sera appliqué aux bénéfices exceptionnels des grandes sociétés, à savoir 15 %. Le taux proposé s’ajoute au taux d’imposition du revenu des entreprises actuellement prévu par la loi, qui est aussi de 15 %.
Données et méthode
Pour évaluer les recettes tirées d’un impôt sur les bénéfices exceptionnels en 2020, le DPB a estimé, à l’échelle de l’entreprise, les bénéfices réalisés en 2020 et au cours des années précédentes.
Capital IQ a été utilisé pour obtenir des données financières et des données sur la classification industrielle des entreprises. Cette source de données, constamment mise à jour, compile et normalise les renseignements sur les sociétés cotées en bourse dans le monde[^10]. Le DPB a choisi des entreprises :
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Dont le chiffre d’affaires total était supérieur à 10 millions de dollars au cours d’au moins une année entre 2016 et 2020;
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Qui avaient déclaré des revenus pour l’année 2020;
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Qui avaient leur siège au Canada[^11].
Il a été considéré qu’une société avait réalisé des bénéfices exceptionnels si, en 2020, sa marge bénéficiaire était supérieure à sa marge bénéficiaire moyenne de la période 2014-2019[^12]. Selon les revenus de 2020, tout bénéfice supérieur à ce qui aurait été obtenu d’après les données sur la marge bénéficiaire antérieure est assujetti à l’impôt.
Les données de Capital IQ ne tenant pas compte des sociétés privées et ne donnant pas nécessairement une idée complète de l’univers des sociétés imposables, le DPB a mis ces résultats à l’échelle de manière à représenter l’ensemble du secteur des entreprises canadiennes selon l’industrie, conformément à leur code du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN) aux fins de l’agrégation[^13][^14].
Des données de Statistique Canada ont été utilisées afin de déterminer les bénéfices selon l’industrie pour la période 2014-2019[^15]. Les données pour 2020 n’étant pas disponibles, le DPB a établi une projection des bénéfices pour 2020 à l’aide des prévisions de croissance du PIB selon l’industrie à partir des Perspectives pré-budgétaires 2021[^16][^17].
Les bénéfices exceptionnels ont ensuite été regroupés par secteur. Le DPB a calculé la part des bénéfices exceptionnels de chaque industrie et l’a multipliée par la part des bénéfices prévus pour les entreprises canadiennes par secteur[^18]. Ces résultats ont ensuite été réduits de la part de l’activité économique réalisée par les grandes sociétés[^19].
Dans neuf secteurs, Capital IQ proposait moins de 10 observations sur les bénéfices en 2020. Pour ces secteurs, le DPB a supposé que la moyenne nationale du pourcentage de bénéfices jugés exceptionnels s’appliquerait aux bénéfices prévus dans les grandes sociétés canadiennes, d’après le calcul à partir des données de Statistique Canada. Ensemble, ces secteurs représentent 30,9 % des bénéfices prévus en 2020[^20].
Pour évaluer les recettes fédérales que rapporterait l’impôt sur les bénéfices exceptionnels en 2020, le DPB a multiplié le total des bénéfices exceptionnels estimatifs par le taux d’imposition proposé de 15 %.
Il s’agit d’une estimation statique. Nous ne cherchons pas à quantifier les effets de la réponse comportementale des contribuables et nous partons de l’hypothèse que des mesures complémentaires sont mises en place afin d’empêcher les sociétés visées de réduire leur charge fiscale en 2020, par exemple en appliquant des pertes ou en déplaçant la dépréciation et l’amortissement enregistrés au cours d’autres exercices[^21].
Résultats
Nous estimons qu’un impôt sur les bénéfices exceptionnels réalisés par les grandes sociétés rapporterait environ 7,9 milliards de dollars en 2020. Les « bénéfices exceptionnels » réalisés dans un secteur donné ne devraient pas être interprétés comme une indication que les sociétés ont augmenté les prix en réponse à la pandémie. Plusieurs facteurs peuvent expliquer une augmentation des bénéfices, comme l’augmentation de la productivité, des économies d’échelle ou la réduction des coûts.