Analyse financière et distributive d’un revenu de base garanti à l’échelle nationale
Plusieurs parlementaires ont demandé au DPB de préparer une analyse distributive d’un revenu de base garanti au moyen des paramètres établis dans le Projet pilote de l’Ontario portant sur le revenu de base, d’examiner les répercussions sur les quintiles de revenu, les types de famille et les sexes, et de déterminer l’augmentation nette des recettes fédérales requise pour compenser le coût net du nouveau programme. L’analyse tient également compte de la réponse comportementale.
Résumé
Le présent rapport répond à l’intérêt continu des parlementaires à l’égard d’un revenu de base garanti (RBG). En particulier, il fait fond sur les travaux antérieurs du directeur parlementaire du budget (DPB) afin de répondre aux questions sur l’analyse distributive, les compensations de revenus et les réactions comportementales.
En guise de première étape pour répondre à cette question, le DPB continue d’utiliser les paramètres établis dans le Projet pilote de l’Ontario portant sur le revenu de base mené en 2017. En 2018, le projet garantissait que les participants recevraient jusqu’à concurrence de 75 % de la mesure de faible revenu (MFR), estimée à 16 989 $ pour une personne célibataire et à 24 027 $ pour un couple. Les personnes handicapées recevraient un montant supplémentaire universel de 6 000 $ par année. Le RBG est réduit à mesure qu’une personne voit son revenu d’emploi augmenter, à raison de 0,50 $ pour chaque dollar gagné[^1].
Le DPB utilise également les sources de recettes fédérales et provinciales possibles présentées dans son rapport précédent sur le RBG afin de financer entièrement le programme de revenu de base, y compris le revenu de base universel pour les personnes handicapées[^2][^3].
Le RBG a une incidence progressive sur le revenu disponible des ménages. L’avantage le plus grand se constate dans le quintile de revenu le plus bas, avec un montant moyen de 4 535 $ (augmentation de 17,5 %). Les ménages qui se situent dans les troisième, quatrième et cinquième quintiles voient leur revenu disponible moyen baisser légèrement, entre 1 371 $ (une baisse de 2,0 %) et 1 969 $ (une baisse de 0,8 %) (figure 1 du résumé). Cette perte est subie quand les personnes qui travaillent activement voient leur impôt à payer augmenter à cause de l’élimination de nombreux crédits d’impôt remboursables et non remboursables et d’un transfert relativement bas du RBG.
Calculs réalisés par le DPB.
Calculs réalisés par le DPB.
En ce qui concerne la répartition de l’incidence du RBG à l’échelle provinciale, la figure 2 du résumé indique une variation considérable d’une province à l’autre. À titre d’exemple, les ménages qui se situent au plus bas de l’échelle des revenus au Manitoba sont ceux qui profitent de l’augmentation la plus élevée de leur revenu disponible, soit 6 094 $ (une augmentation de 23,7 %), tandis que les ménages à faible revenu de l’Île-du-Prince-Édouard obtiendront la plus faible augmentation du revenu de leur ménage (2 966 $, soit une augmentation de 11,4 %).[^4]
Calculs réalisés par le DPB.
Calculs réalisés par le DPB.
À l’échelle nationale, comme on le voit à la figure 3 du résumé, le RBG réduit considérablement les taux de pauvreté au Canada. La mesure du panier de consommation (MPC) indique que le RBG réduirait les taux de pauvreté de près de la moitié en 2022, quoique le taux varie d’une province à l’autre.
C’est au Manitoba (baisse de 61,9 %) et au Québec (baisse de 60,4 %) que la réduction de la pauvreté est la plus importante. Dans le cas du Québec, le taux de pauvreté est réduit, malgré le fait que l’incidence du RBG sur le revenu disponible au plus bas de l’échelle des revenus est l’une des plus faibles parmi toutes les provinces (15,2 % au Québec, comme on le voit dans la figure 2 du résumé). Ce résultat porte à croire que de nombreuses personnes à faible revenu qui habitent au Québec se situent près de la limite supérieure du seuil de pauvreté (figure 3 du résumé).
Calculs réalisés par le DPB.
Calculs réalisés par le DPB.
Le RBG a de faibles répercussions sur l’offre de main-d’œuvre dans l’ensemble des provinces (figure 4 du résumé). Les estimations indiquent que les ménages bénéficiaires de la Nouvelle-Écosse réduiront leurs heures travaillées de 1,5 %, ce qui représente la réduction la plus importante de l’ensemble des provinces. En comparaison, les ménages bénéficiaires de l’Alberta réduiront leurs heures travaillées de 0,7 %, ce qui représente la réduction la plus faible de l’ensemble des provinces. L’incidence sur la masse salariale est plus faible que celle sur les heures travaillées (une baisse de 0,5 % par rapport à une baisse de 1,3 % respectivement à l’échelle nationale).
Calculs réalisés par le DPB.
Calculs réalisés par le DPB.
Les calculs du DPB se fondent sur les changements estimés des taux effectifs marginaux d’imposition (TEMI), des taux d’imposition à la participation (TIP) et du revenu disponible à la suite de la mise en œuvre du RBG, au moyen d’élasticités exogènes reposant sur l’examen de Green (2020).
Les répercussions sur les heures travaillées sont estimées en supposant que le salaire horaire moyen ne change pas en réponse au RBG.
Le comportement est sensible au choix des élasticités liées à l’offre de main-d’œuvre.
Selon les réductions estimées de l’offre de main-d’œuvre des ménages en réponse au RBG, le DPB estime que le coût de ce changement de comportement à lui seul (soit une baisse de l’impôt sur le revenu et une augmentation des dépenses liées au RBG) s’établira entre 3,1 et 3,3 milliards de dollars par année pour la période allant de 2021-2022 à 2025-2026 (figures 5 et 6 du résumé).
Calculs réalisés par le DPB.
Calculs réalisés par le DPB.
Le coût de base correspond au coût brut du RBG avant l’utilisation des compensations pour financer le programme du revenu de base.
Afin de calculer le coût prenant en compte le comportement, le DPB calcule le changement dans l’impôt sur le revenu fédéral et provincial attribuable au changement de la masse salariale totale et de l’augmentation des dépenses liées au RBG à cause de la baisse des revenus d’emploi des personnes à faible revenu.
Les compensations totales sont composées de crédits d’impôt remboursables dans une proportion de 31 % et de crédits d’impôt non remboursables dans une proportion de 69 %, ce qui comprend le montant personnel de base fédéral total et une partie du montant personnel de base provincial pour les personnes âgées de 18 à 64 ans.
Comme le montre la figure 6 du résumé, le coût général d’un RBG augmenterait de 85 milliards de dollars en 2021-2022 à 93 milliards de dollars en 2025-2026. Ces chiffres reflètent les versements complémentaires des prestations d’invalidité et l’incidence comportementale. Comme il a été indiqué précédemment, les coûts bruts avant la prise en compte du comportement pourraient être entièrement compensés par les crédits d’impôt fédéraux et provinciaux existants. L’élimination de ces crédits augmenterait les revenus fédéraux et provinciaux nets tirés de l’impôt sur le revenu des particuliers d’environ 25 % et 23 % respectivement chaque année[^5].
Calculs réalisés par le DPB.
Calculs réalisés par le DPB.
Introduction
En juillet 2020, le directeur parlementaire du budget (DPB) a publié une estimation des coûts bruts du revenu de base garanti (RBG) et des compensations fiscales pouvant être générées par l’annulation des programmes fédéraux et provinciaux existants destinés aux particuliers et aux familles à faible revenu[^6].
Dans le rapport précédent, le DPB a appliqué à l’échelle du pays les paramètres stratégiques du Projet pilote de l’Ontario portant sur le revenu de base afin d’estimer le coût d’un RBG. Ce projet pilote garantissait aux particuliers et aux couples un revenu annuel respectif d’au moins 16 989 $ et 24 027 $. Cet avantage est éliminé progressivement, à raison de 0,50 $ pour chaque dollar de revenu tiré d’un emploi. La méthodologie employée repose sur la Base de données et le Modèle de simulation de politiques sociales (BD/MSPS) de Statistique Canada, qui consiste en une base de données représentative des particuliers canadiens dans leur contexte familial.
Le présent rapport, qui fait fond sur cette analyse, comprend une analyse distributive du RBG et se penche sur l’incidence à l’échelle des quintiles de revenu, des types de famille et des sexes. Cette analyse tient également compte des réponses comportementales au sein de l’offre de main-d’œuvre aux changements apportés aux taux d’imposition effectifs en raisondu RBG.
Conformément à notre rapport précédent, notre estimation du RBG utilise les paramètres établis dans le Projet pilote de l’Ontario de 2017. Les compensations fiscales sont les mêmes que celles indiquées dans notre rapport précédent, y compris l’annulation complète du montant personnel de base (MPB) fédéral et une réduction de 44 % du MPB provincial (ce qui comprend le montant de marié[e] et le montant d’équivalent de marié[e])[^7][^8] .
Nous avons limité la mesure des compensations fiscales aux personnes admissibles au RBG, soit les Canadiens âgés de 18 à 64 ans, ce qui ressemble à l’approche que nous avons adoptée dans nos rapports précédents. Autrement dit, même si nous supposons que le programme ou le transfert sera entièrement annulé, nous croyons que toute perte connexe pour les aînés et pour les enfants sera compensée par des transferts du ou des gouvernements. On garantit ainsi un changement net zéro pour les personnes âgées de 17 ans ou moins et de 65 ans ou plus.
Résultats
Incidence d’un revenu de base garanti sur la répartition du revenu et sur les taux de pauvreté
Dans cette section, nous présentons un aperçu de l’incidence d’un RBG sur la répartition du revenu disponible des ménages et sur les taux de pauvreté. L’analyse distributive est menée selon le quintile de revenu total des ménages au moyen de la version 28.0 de la BD/MSPS pour l’année civile 2022. Nous discutons aussi de l’incidence d’un RBG selon le type de famille et le sexe, et selon une délimitation provinciale[^9].
Le tableau 2-1 montre que le RBG a une incidence progressive sur le revenu disponible des ménages. L’avantage le plus grand se constate dans le quintile de revenu le plus bas, avec un montant moyen de 4 535 $ (augmentation de 17,5 %). Les ménages qui se situent dans les troisième, quatrième et cinquième quintiles voient leur revenu disponible moyen baisser légèrement, entre 1 371 $ (une baisse de 2,0 %) et 1 969 $ (une baisse de 0,8 %).
Parmi les ménages des premier et deuxième quintiles, les familles comptant deux adultes en âge de travailler sont celles qui profitent de l’augmentation la plus grande du revenu disponible (des hausses de 64,5 % et de 9,4 % pour les couples sans enfants, et des hausses de 31,6 % et de 4,9 % pour les couples avec enfants des premier et deuxième quintiles respectivement) (tableau 2-1).
Les familles qui comptent un seul adulte en âge de travailler et qui se situent entre les deuxième et cinquième quintiles de revenu sont celles qui subissent la perte la plus importante de l’ensemble des familles (des pertes allant de ‑9,5 % à -2,7 % pour un adulte célibataire avec enfants et de ‑7,0 % à ‑1,4 % pour un adulte célibataire sans enfants). Cette perte est subie quand les personnes qui travaillent activement voient leur impôt à payer augmenter à cause de l’élimination de nombreux crédits d’impôt remboursables et non remboursables et d’un transfert relativement bas du RBG (tableau 2-1).
Les ménages qui comptent des aînés ne subissent qu’un changement minime, voire aucun changement, de leur revenu disponible, et ce, peu importe le quintile où ils se situent. Cela s’explique parce que les aînés ne sont pas admissibles aux paiements de revenu de base et qu’ils continuent de profiter des transferts existants (tableau 2-1).
Le tableau 2-2 présente les répercussions entre les provinces. À titre d’exemple, les ménages qui se situent au plus bas de l’échelle des revenus au Manitoba sont ceux qui profitent de l’augmentation la plus élevée de leur revenu disponible, soit 6 094 $ (une augmentation de 23,7 %), tandis que les ménages de l’Île-du-Prince-Édouard obtiendront la plus faible augmentation du revenu de leur ménage (2 966 $, soit une augmentation de 11,4 %). C’est la province de la Saskatchewan qui subirait la baisse la plus importante de revenu au plus haut de l’échelle des revenus des ménages, avec une baisse moyenne du revenu net de 3 218 $ (une baisse de 1,7 %).
Cette variation de l’incidence nette moyenne par bénéficiaire à l’échelle des provinces s’explique par la répartition des revenus d’emploi et par les transferts fédéraux et provinciaux chez les Canadiens. L’augmentation du revenu disponible la plus élevée tout au bas de l’échelle des revenus au Manitoba indique qu’un bénéficiaire à faible revenu représentatif dans cette province a un revenu d’emploi et des crédits d’impôt remboursables et non remboursables provinciaux inférieurs à ceux des autres provinces.
Le tableau 2-3 indique que plus de 6,4 millions de personnes (16,4 % de la population) voient leur revenu disponible augmenter grâce au RBG, ce qui représente une incidence positive nette de 8 227 $ (hausse de 49,6 %). Toutefois, environ 16,8 millions de personnes subiraient une perte de revenu nette de 3 114 $ (une baisse de 5,4 %) en moyenne.
Il est évident que l’incidence nette en pourcentage du remplacement des compensations définies par le RBG sur le revenu disponible des bénéficiaires est généralement positive (une hausse de 49,6 %), tandis qu’elle est négative pour les personnes qui subissent des pertes de revenu (baisse de 5,4 %). Cette comparaison indique que ces personnes sont des personnes à revenu élevé et que leur perte est principalement attribuable à la réduction du montant personnel de base (tableau 2-3). En outre, pour chaque personne qui profite de cette mesure, deux personnes et demie sont perdantes.
Chez les bénéficiaires, on constate un gain net chez 119 000 (1,9 %) femmes de plus que chez les hommes. Cette comparaison indique que les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’avoir un faible revenu au Canada.
Réciproquement, les hommes obtiennent une augmentation en dollars un peu plus élevée, recevant 175 $ de plus que les femmes. Ce résultat porte à croire que les femmes profitent plus que les hommes des mesures de soutien existantes offertes aux personnes à faible revenu. Étant donné que le RBG remplace une partie considérable de ces mesures de soutien, les femmes génèrent un coût de remplacement plus élevé que les hommes (tableau 2-3).
Le tableau 2-4 représente l’incidence du RBG sur les Canadiens à faible revenu au moyen de différents seuils de pauvreté : la MPC, le seuil de faible revenu (SFR) et la mesure de faible revenu (MFR)[^10].
On utilise la mesure du panier de consommation (MPC) en tant que seuil de pauvreté officiel du Canada. La MPC est une mesure de faible revenu fondée sur le coût d’un panier de produits et services nécessaires aux personnes et aux familles pour subvenir à leurs besoins de base et obtenir un niveau de vie modeste.
Le seuil de faible revenu (SFR) est le seuil de revenu en deçà duquel une famille doit consacrer 20 % de plus de son revenu que la famille moyenne à l’achat de nécessités comme la nourriture, le logement et l’habillement. Statistique Canada utilise des SFR qui varient selon sept tailles de la famille et cinq tailles de la communauté.
La mesure de faible revenu (MFR) correspond à 50 % du revenu ménager médian. Elle sert souvent à établir des comparaisons internationales.
À l’échelle nationale, le RBG a une incidence positive importante sur les taux de pauvreté selon les diverses mesures de faible revenu. Au moyen de la MPC, on réduit le taux de pauvreté de près de la moitié. L’incidence d’un RBG sur la pauvreté est plus petite quand on utilise la MFR, pour laquelle on obtient une baisse de 31 % du taux de pauvreté. Cela s’explique par le fait que le seuil pour la MFR est calculé selon le « revenu du ménage équivalent », qui divise le revenu du ménage en fonction de sa « taille rajustée » attribué à chacun des membres du ménage. Ainsi, la MFR met la barre relativement haute pour la pauvreté par rapport aux autres mesures (tableau 2-4).
L’incidence du RBG sur les taux de pauvreté varie de façon générale à l’échelle provinciale, étant donné que ses répercussions sur le quintile de revenu le plus bas diffèrent d’une province à l’autre, comme on le voit dans le tableau 2‑2. Selon la MPC, c’est au Manitoba (baisse de 61,9 %) et au Québec (baisse de 60,4 %) que la réduction de la pauvreté est la plus importante, et ce, malgré le fait que l’incidence du RBG sur le revenu disponible au plus bas de l’échelle des revenus est l’une des plus faibles parmi toutes les provinces (15,2 % au Québec, comme on le voit dans le tableau 2-2). Ce résultat porte à croire que de nombreuses personnes à faible revenu qui habitent au Québec se situent près de la limite supérieure du seuil de pauvreté (tableau 2-4).
Incidence fiscale et comportementale d’un revenu de base garanti
Incidence sur les taux d’imposition marginaux et sur les taux d’imposition à la participation
L’instauration d’un RBG n’incitera pas au travail (ce que l’on appelle aussi la « disponibilité de main-d’œuvre »). Cet effet dissuasif se concrétisera de l’une des deux façons suivantes.
Premièrement, les personnes pourraient décider de réduire leurs heures de travail étant donné que le montant net issu de chaque heure de travail supplémentaire est moins élevé, ce que l’on appelle le taux effectif marginal d’imposition (TEMI). Cela peut se produire à cause de l’élimination progressive du RBG, de la réduction d’autres prestations fondées sur le revenu, de l’élimination de certains crédits d’impôt sur le revenu des particuliers afin de payer le RBG ou des impôts sur le revenu. Deuxièmement, les travailleurs à faible revenu pourraient décider de s’exclure entièrement de la population active à cause du revenu garanti. C’est ce que l’on appelle le taux d’imposition à la participation (TIP).
Le taux effectif marginal d’imposition (TEMI) représente le pourcentage de revenu perdu à cause de l’impôt payé et des prestations réduites attribuables à un dollar supplémentaire de revenu gagné.
Le taux d’imposition à la participation (TIP) mesure l’incidence totale des impôts supplémentaires payés par une personne et du montant inférieur de prestations qu’elle reçoit quand elle passe du chômage ou d’un travail non rémunéré à un niveau de revenu, en accumulant au moins certaines heures de travail rémunéré.
Pour ceux qui ont un emploi, un remplacement s’effectue et permet aux travailleurs d’augmenter leur RBG (une prestation liée aux revenus) en réduisant leurs heures. Autrement dit, ils peuvent transformer une certaine partie de leur revenu gagné en revenu de transfert. Par conséquent, le TEMI devient plus élevé si le taux de récupération est plus agressif, étant donné qu’il encourage à travailler moins d’heures.
En outre, le TIP des personnes qui ne travaillent pas devient plus élevé si le taux de récupération est élevé. Lorsqu’on accepte un emploi ayant un niveau de gain donné, on réduit le montant de prestation qui aurait été reçu et on paie l’impôt sur le revenu gagné[^11]. Ces deux aspects réunis découragent les personnes de travailler, ce qui donne lieu au « piège de l’aide sociale », une situation où un taux d’imposition effectif élevé décourage fortement de faire partie de la main-d’œuvre rémunérée (Milligan, 2020).
L’incidence du RBG sur les taux d’imposition effectifs se constate davantage dans les familles à faible revenu. Aux échelles nationale et provinciale, le tableau 2-5 montre une augmentation de plus de 53 % du TEMI et du TIP tout en bas de l’échelle des revenus, tandis que le changement est inférieur à 11 % en haut de l’échelle des revenus. Dans un scénario avant la mise en œuvre du RBG, bon nombre de familles qui se trouvent tout en bas de l’échelle des revenus reçoivent plus de prestations du gouvernement qu’elles ne paient d’impôt sur le revenu (Laurin et Poschmann, 2013). Leur taux d’imposition marginal devient toutefois très élevé quand on remplace une part importante de ces prestations par le RBG.
Coût prenant en compte le comportement
L’ampleur de la réceptivité des personnes aux changements apportés aux structures des prestations et de l’imposition se définit en fonction des élasticités de l’offre de main-d’œuvre. Green (2020) énonce quatre élasticités dont il faut tenir compte dans le calcul de la réponse comportementale à des régimes semblables à celui du RBG[^13] :
(i) L’élasticité des heures travaillées en ce qui concerne le salaire après impôt, qui estime l’incidence du TEMI sur les heures travaillées, à un niveau donné de salaire après impôt.
(ii) L’élasticité de la participation en ce qui concerne le salaire après impôt, qui estime l’incidence du TIP sur la probabilité de participation, à un niveau donné de salaire après impôt.
(iii) L’élasticité des heures travaillées en ce qui concerne le revenu après impôt, qui estime la mesure dans laquelle les travailleurs réduiront leurs heures travaillées en réponse à une augmentation de revenu attribuable au RBG, tout en maintenant le même niveau de salaire après impôt.
(iv) L’élasticité de la participation en ce qui concerne le revenu après impôt, qui estime l’incidence de toute augmentation du montant de RBG sur la probabilité de participation.
Des expériences comme celles sur le RBG ont donné lieu à des estimations antérieures des élasticités, mais les résultats de celles-ci peuvent ne pas s’appliquer facilement aux marchés du travail actuels. Le DPB se fonde donc sur des estimations récentes présentées dans des études qui ne portaient pas sur le RBG, comme celles indiquées dans Green (2020).
Selon les études menées par Dostie et Kromann (2013) et Lemieux et Milligan (2008), l’examen de Green (2020) a indiqué que les élasticités canadiennes ont toujours été basses pour les hommes, tandis que les estimations pour les femmes semblent avoir convergé vers celles pour les hommes[^14]. Cette constatation ressemble à la tendance observée aux États-Unis (McClelland et Mok, 2012)[^15].
Par conséquent, le présent rapport utilise les élasticités présentées dans Green (2020) afin d’évaluer l’incidence sur le comportement des ménages. Le DPB conclut que les réponses liées à l’offre de main-d’œuvre sont faibles et ne sont élastiques à aucune des marges, où les changements apportés aux TEMI, aux TIP et au revenu disponible des ménages devraient influencer légèrement les décisions liées à l’offre de main-d’œuvre (tableau 2‑6).
Le tableau 2-6 montre que les répercussions sur l’offre de main-d’œuvre sont faibles dans l’ensemble des provinces. Les estimations indiquent que les ménages de la Nouvelle-Écosse réduiront leurs heures travaillées du pourcentage le plus élevé (1,5 %), par rapport à ceux d’Alberta, où cette réduction sera la plus faible (0,7 %) de l’ensemble des provinces.
L’incidence sur la masse salariale est plus faible que celle sur les heures travaillées (une baisse de 0,5 % par rapport à une baisse de 1,3 % respectivement à l’échelle nationale). Cet écart s’explique par le fait que l’incidence sur le comportement est plus prononcée chez les travailleurs à faible revenu (tableau 2-6).
Selon les changements estimés de l’offre de main-d’œuvre dans les ménages en réponse au RBG, le DPB calcule deux aspects de l’établissement des coûts du RBG liés au comportement. Premièrement, le DPB estime le changement de l’impôt fédéral et provincial sur le revenu des particuliers attribuable au changement de la masse salariale totale. Deuxièmement, le DPB calcule l’augmentation des dépenses liées au RBG attribuable à la baisse des gains tirés d’un revenu des personnes à faible revenu.
Ce coût prenant en compte le comportement est ajouté au coût du statu quo du RBG calculé et inclus dans le rapport publié en novembre 2020[^16]. Le DPB estime que les coûts fiscaux de l’effet de l’offre en main-d’œuvre varient de 3,0 à 3,3 milliards de dollars annuellement pour la période allant de 2021-2022 à 2025‑2026 (tableau 2-7).
Si l’on exclut le coût lié aux incapacités, c’est à l’Île-du-Prince-Édouard que l’on trouvera la proportion la plus importante du coût prenant en compte le comportement par rapport au montant brut (5,7 %), tandis que c’est en Alberta que l’on trouvera la proportion la plus faible (3 %). Cette variabilité dans les proportions du coût prenant en compte le comportement pour le RBG à l’échelle des provinces s’explique en partie par la répartition inégale des personnes à faible revenu dans les provinces. À titre d’exemple, les données indiquent que les travailleurs qui se situent dans les premier et deuxième quintiles en Alberta affichent proportionnellement l’un des revenus d’emploi les plus bas[^17].
Annexe A – Compensations financières fédérales et provinciales potentielles, quand on inclut les montants personnels de base
Le tableau suivant donne une vue d’ensemble de la liste inclusive des mesures fiscales.
Références
Bargain, O., K. Orsini, et A. Peichl. Comparing Labor Supply Elasticities in Europe and the US: New Results. Journal of Human Resources, vol. 49, no 3, 2014, p. 723 à 838. Repéré à https://www.iza.org/publications/dp/6735/comparing-labor-supply-elasticities-in-europe-and-the-us-new-results [en anglais seulement].
Dostie, B. et L. Kromann. Labour Supply and Taxes: New Estimates of the Responses of Wives to Husbands’ Wages, Institute for the Study of Labour (IZA), document de discussion no 6392, 2012. Repéré à http://ftp.iza.org/dp6392.pdf [en anglais seulement].
Green, D. A. Labour Supply Issues Related to Basic Income and Income Assistance, document de recherche demandé par le groupe d’experts sur le revenu de base de la Colombie-Britannique, 2020. Repéré à https://bcbasicincomepanel.ca/ [en anglais seulement].
Lemieux, T. et K. Milligan. Incentive effects of social assistance: A regression discontinuity approach. Journal of Econometrics, vol. 142, no 2, 2008, p. 807 à 828. Repéré à https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304407607001182 [en anglais seulement].
Laurin, A. et F. Poschmann. Treading Water: The Impact of High METRs on Working Families in Canada, Institut C.D. Howe, exposé électronique no 160, 2013. Repéré à https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2303926 [en anglais seulement].
McClelland, R. et S. Mok. A Review of Recent Research on Labour Supply Elasticities: Working Paper 2012-12, Congressional Budget Office, 2012. Repéré à https://www.cbo.gov/publication/43675 [en anglais seulement].
Milligan, K. Participation Tax Rates in British Columbia, document de recherche demandé par le groupe d’experts sur le revenu de base de la Colombie-Britannique, 2020. Repéré à https://bcbasicincomepanel.ca/ [en anglais seulement].
Bureau du directeur parlementaire du budget. Mise à jour : Estimation sur cinq ans du coût du revenu de base garanti, 2020. Repéré à https://www.pbo-dpb.gc.ca/fr/blog/news/BLOG-2021-004--update-five-year-cost-estimate-guaranteed-basic-income--mise-jour-estimation-cinq-ans-cout-revenu-base-garanti.
Bureau du directeur parlementaire du budget. Estimation des coûts liés à un revenu de base garanti pendant la pandémie de COVID-19, 2020. Repéré à https://www.pbo-dpb.gc.ca/fr/blog/news/RP-2021-014-M--costing-guaranteed-basic-income-during-covid-pandemic--estimation-couts-lies-un-revenu-base-garanti-pendant-pandemie-covid-19.